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Mère Russie – 2 au 9 août 2019

Vous connaissez ces cartes du monde à gratter… Je me souviens m’être sentie dans la peau d’une arnaqueuse le jour où j’avais gratté la Russie. Bah oui, j’avais passé trois jours à St-Petersburg. 

J’avais commencé à payer ma dette en visitant Moscou.

Et là, je m’apprête à en rembourser une bonne partie en parcourant l’Altaï. Merci Wiki, voici la définition : Altain nuruu les « chaînes de montagnes d’or ») est une chaîne de montagne d’Asiedont l’appellation comprend diverses acceptions liées à la zone située entre la Russie, la Chine (province du Xinjiang), la Mongolie et le Kazakhstan et où les grands cours d’eau Irtych et Ob prennent leur source1.

On quitte Barnaul pour Gorno-Altalsk et son musée Anoknin, on rencontre Ksenia et Maya qui nous guideront dans notre périple russe. On s’enfonce dans la vallée Karakol où poussent quantité d’herbes médicinales. Marina, une ancienne, nous parle de l’hospitalité, des rapports entre hommes et femmes, des yourtes et des traditions nomades. On est si loin de Moscou, loin de l’Europe. 

Marina parle un russe lent, soigné, en détachant les mots et les phrases et je suis très surprise d’en comprendre une partie non négligeable. 

Marina

Cette région a les pieds enfoncés dans un passé antérieur aux Soviets et se bat pour conserver des traditions ancestrales. 

En bleu et rouge – Is there life on Mars ?

Journée de contrastes avec un arrêt près d’un lac d’un bleu-vert irréel au fond changeant. « Geyser Lake » disent les locaux, mais son aspect est loin des geysers islandais. Ensuite, direction Mars ! Des montagnes, dans la vallée Kyzilchin, aux couleurs rouges orangées qui, cette-fois, trouveraient facilement leur place en Islande, du côté de Landmannalaugar. Nous parcourons quelques kilomètres à pied sous un soleil de plomb. Peut-être une manière pour nos guides de vérifier notre condition physique avant la grande marche du lendemain. 

Lac Geyser
Mars

Aktru

Nous changeons de véhicule pour un antique Zil soviétique, très haut sur roue, qui est indispensable pour nous mener à bon port : le camp de base Aktru. Deux heures pour 8 kilomètres de pistes et rivières. Je sais enfin d’où les montagnes russes prennent leur nom !!

Zil

Comme la montée vers le Nid du Tigre, mais en plus dur.

10 kilomètres… c’est la longueur de la marche pour arriver au Lac, à 2840m d’altitude. Une promenade de santé que je me disais. Oui, au début, le long de la rivière, c’était bien ça. Mais au fur et à mesure que nous prenons de l’altitude, le sentier disparait et fait place à un pierrier. Ma montre connectée à qui j’avais dit « ma grande, on va en en promenade », me demande sans cesse « tu fais une pause ? » tellement ma marche est pesante. Pas après pas, pierre après pierre, la progression se fait. Le souffle est court, la récupération lente.

Une participante a déclaré forfait avant même le départ. L’autre nous attendra au fond du dernier pierrier. 

Et à chaque pas, je me dis que ce chemin, il va falloir le redescendre sans tomber. Et je remercie mes bâtons de marche d’assurer un peu mon équilibre.

Je suis fière et heureuse d’être parvenue au sommet, mais ne piquerai pas pour autant une tête dans ce lac glacé ! Je laisse ça aux Russes et aux autres intrépides. 

Nous croisons plusieurs marcheurs, mais aussi des alpinistes pour qui le lac ne sera qu’une étape, un bivouac, vers des sommets réservés aux vrais montagnards.

L’hébergement étant sommaire, des wc « cabane au fond du jardin » et pas d’eau courante, le seul moyen de se laver après cette longue marche, est de profiter du Bania traditionnel russe, sorte de sauna. En attendant notre tour, nous fraternisons avec des locaux. Ici encore, mes maigres connaissances de la langue locale permettent de briser la glace.

Le Lac Bleu

Le lendemain, c’est bien sûr à nouveau un camion Zil qui nous ramène plus bas dans la plaine. Je vois mal comment un autre moyen de transport pourrait accéder au camp de base. Et je ne sais pas non plus quels véhicules leur succéderont le jour où ils lâcheront. Mais peut-être sont-ils immortels ? 

Vallée Chulyshman

Nous reprenons un minibus jusqu’au campement Katu Yarik. On nous fait parcourir les derniers kilomètres de descente raide à pied, la route étant très dangereuse pour les voitures, c’est un chauffeur local, à l’aide d’un 4×4 qui se charge de nos bagages.

Katu Yarik

Qui dit descente raide à pied, dit remontée raide à pied. Nous y reviendrons !

Nuit en cabanes, lessive à la rivière, toilettes au fond du jardin, et douches au bania. On s’adapterait presque à cette vie.

Bon. Est-ce maintenant que je vais cracher le morceau ? 

JE DETESTE LES CABANES AU FOND DU JARDIN. Non, ce n’est pas forcément le fait de devoir m’accroupir et viser entre deux planches… c’est l’odeur. J’ai développé une « stratégie » à base de foulard et de baume du tigre…. Mais rien qu’à m’en souvenir, j’ai encore le cœur qui se soulève.

Les « pyramides d’enseigne de l’Altai »

À ce détail près, je pourrais me faire à ce style de vie.

Nous allons nous promener du côté des champignons magiques ! C’est ce que nous promettent Julia, Ksenia et Maya. Après quelques kilomètres de grimpe dans une vallée étroite, je m’exclame « Mais c’est les pyramides d’Euseigne » !! Pour les curieux, voire ici pour la version russe ou là pour la valaisanne. . Ces drôles de pierres-champignons nous feraient presque oublier toute les plantes de marijuana qui poussent en liberté dans ces montagnes. Mais non, nous ne croisons pas de hippies locaux, tout au plus des randonneurs comme nous.

La Mongolie n’a pas le monopole du chant diphonique. C’est Oleg, un russe de l’Altai qui nous fait la démonstration de ses talents vocaux et instrumentaux dans sa yourte. Un moment hors du temps. 

Oleg

Avant de remonter à pied la dangereuse route, on nous emmène voir une spectaculaire chute d’eau. Bon, ce n’est pas les Victoria ou l’Islande, mais c’est tout de même très beau et sauvage. En chemin, je m’encouble (oui, c’est un helvétisme) et me retrouve avec un genou en sang. Rien de grave, juste une écorchure, mais qui saigne tellement que mes guides sont inquiètes.

Sérieusement, ça pique, la coupure est assez profonde, mais je sens bien qu’il n’y a rien de cassé. On désinfecte… et on repart. 

Les trois guides russes sont en plein conciliabule. Elles me regardent, toujours inquiètes. Elles parlent trop vite, je n’y comprends rien.

« Tu vas remonter avec le 4X4 et les bagages, il faut laisser ton genou se reposer ». Je crois que je n’ai jamais été regardée avec autant d’envie par mes camarades d’excursion.

Je suis à l’arrière avec les valises et Julia me fait promettre de ne pas regarder en bas « Seriously, it’s dangerous, some people panic ». Elle me dit aussi que le chauffeur va mettre la sécurité enfant pour ne pas que j’ouvre la porte dans un instant de panique. 

Je souris in petto… et obéis. J’ai profité des quelques minutes du trajet pour fermer les yeux et me remémorer des montées à Derborence, dans le Val d’Anniviers ou des routes escarpées et défoncées au Bhoutan. J’ai sans doute vu bien plus dangereux et impressionnant dans ma vie, mais une promesse est une promesse !

Cette nuit sera la dernière dans un hôtel pour plusieurs jours. Demain nous serons en Mongolie… et les tentes seront nos abris. Chargeons les batteries. Au sens figuré comme au sens propre. 

Vingt-quatre heures avec Nikita

Il y a dans les trains russes plusieurs classes de voyageurs. Celle qui nous est réservée comprend des couchettes pour quatre personnes. Nous serons 5. Je partage la mienne avec Sarah, une australo-américaine qui fait partie du groupe Intrepid, ainsi que Galina, une Russe d’un âge certain, ainsi que Vania, 4 ans, et sa maman.

Tous les voyageurs de mon groupe sont dans le même wagon mais nous sommes répartis dans des compartiments différents. 24 heures, c’est long. De quoi finir un roman, dormir, commencer un autre roman, se préparer un thé grâce au samovar du wagon, et surtout faire la connaissance de Nikita. D’abord de ses beaux yeux qui guignent par le fenêtre de son compartiment, à chaque fois que je passe dans le couloir.

Il a neuf ans, un t-shirt rouge marqué Russia et flanqué du drapeau de son pays, et surtout une grande curiosité et une drôle d’envie de rentrer en contact avec cette bizarre équipe anglophone.

Il tente un « hello », un « thank you » lorsque je le laisse passer. Il veut connaître toute l’étendue de mon vocabulaire russe et le compléter de mots nouveaux. Je vais chercher mon iPad et lui montre l’application qui me sert à enrichir mes connaissances. Nous jouons pendant quelques heures sous les yeux amusés de Galina. Les grands éclats de rires lorsque nous nous définissons, lui comme le maître et moi comme l’élève. Et je dois dire que j’étais très émue à Barnaoul lorsque qu’il m’a ouvert ses bras avec un grand до свиданияю

Au fond de mon sac un couteau suisse dont j’aurais pu me passer. Je voulais le lui offrir. Mais bien sûr, les choses ne sont jamais où elles doivent être et je n’ai pas pu lui laisser ce petit souvenir d’une rencontre improbable dans un train entre Karaganda et Barnaoul.

Un train pour Karaganda

Deux heures de train et nous arrivons à Karaganda. Les connaisseurs de Thiéfaine sont familiers du nom. Karlag…. Le Goulag de Karaganda. Un camp immense, de la taille de la France, au beau milieu du Kazakhstan. Et un ancien bâtiment du KGB transformé en musée, en mémoire des victimes.

C’est moins prenant, moins angoissant, moins étouffant qu’une visite d’Auschwitz, car les pièces les plus angoissantes sont des reconstitutions. Mais on n’en sort pas totalement indemne.

C’est depuis cette ancienne capitale minière que nous prenons le plus long train de ma vie – eh oui, le Transsibérien est encore sur ma liste de choses à faire. Nous passerons 24 heures dans d’anciens wagons russes pour quitter le Kazakhstan et arriver à Barnaoul.

Je dis adieu à Nazira, jamais deux sans trois. Peut-être que la prochaine fois ce sera sur mes terres.

Cinq jours avec Nazira

5 jours avec Nazira

Au moment de prendre mon billet pour le Kazakhstan, sa capitale se nommait Astana. Elle a été renommée depuis en Nur-Sultan, prénom de Nazarbaiev, celui qui a présidé le pays depuis l’éclatement de l’empire soviétique.

Y a-t-il eu des tractations ? Tu démissionnes enfin sans bruit et on renomme la capitale à ton nom ? Nul ne le sait.

J’arrive au petit matin, un chauffeur m’emmène à l’hôtel, je négocie un « early check in ». Il me faut quelques heures de repos avant « le grand rendez-vous de 18 heures ».

NurSultan n’est pas faite pour les piétons. Bien sûr, il y a des trottoirs, des feux rouges qui permettent de traverses les grandes artères, mais elle est immense. Lorsque, à la réception de l’hôtel, je demande qu’on m’indique la direction et le temps pour le plus proche centre commercial, on me dit 30 minutes (ok, ça va, je gère) « by taxi ». Oh…. Là c’est autre chose. Bon. Je ne visiterai pas Astana aujourd’hui et me contente de quelques pas non loin de l’hôtel, le temps de trouver un petit commerce et vérifier que le russe est toujours la langue dominante.

Le soir, rencontre du groupe, de notre guide pour les trois semaines à venir, elle s’appelle Yulia, est russe, drôle, et me réserve une jolie surprise.

A la quasi unanimité le groupe décide de ne rien savoir de l’itinéraire et du programme. Nous serons informés au jour le jour. On est là pour l’aventure, non ?

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Le meilleur pour la fin – 25 octobre 2018

Inutile de dire que j’appréhendais ce jour. 

Depuis quelques mois et en prévision d’un futur voyage à l’été 2019, je travaille ma condition physique en marchant régulièrement, le dimanche, avec un sac à dos inutilement chargé. Comme je suis loin d’être une sportive aguerrie, mes sorties dominicales comptent quinze ou vingt kilomètres, principalement au plat. 

Mais là c’est autre chose ! Le départ est à 2200 mètres et l’arrivée à 3300. Les kilomètres sont peu nombreux mais… la montée ! Et l’altitude !

Le guide avait tenté de me rassurer, ça fait dix jours que nous vivons dans les hauteurs avec parfois des nuits à plus de 3000 mètres, il nous avait vu crapahuter et estimait qu’on était capables de venir à bout de la grimpée. 

Mouais, pas convaincue.

Il faut savoir qu’il y a trois manières d’accéder au Nid du Tigre.

  • Celle qui consiste à chausser ses meilleures chaussures et grimper.
  • Celle qui consiste à louer un petit cheval ou une mule qui fera la moitié de la montée avec un humain sur son dos.
  • Celle qu’avait choisie Guru Rinpoche : demander à sa concubine préférée de se transformer en tigre volant et grimper sur son dos.

N’ayant pas de concubine, j’ai vite éliminé la troisième. Et la deuxième aussi, parce qu’on fait les choses correctement ou on ne les fait pas !

Un pas après l’autre…. Et le cœur qui s’emballe vite. La montre qui mesure les battements affiche un petit 150 des familles. On s’arrête, on reprend, on s’arrête 15 mètres plus loin, on reprend, on s’arrête encore. On se dit qu’à ce rythme là on y sera encore le lendemain. On reprend, on s’arrête. On tente de faire redescendre les battements de cœur, en vain. On reprend.

Et ainsi de suite. 

Le nombre total de kilomètres n’est pas impressionnant. C’est l’effort qui l’est. À mi-chemin, une cafétéria et le ravitaillement. Le Nid du Tigre est plus ou moins à notre hauteur, mais il reste des volées d’escaliers à descendre puis, bien sûr, à remonter pour atteindre la destination. Ici quelques touristes rebroussent chemin. D’autres sont frais (merci les mules et poneys) et sont prêts à commencer leur effort.

Après une petite pause, nous décidons, bien sûr, d’aller jusqu’au bout. Dans la file, beaucoup de touristes attirés par l’endroit, et bien des Bhoutanais pour qui le Nid du Tigre est un endroit sacré. Nous dépassons des jeunes, des moins jeunes, et même des personnes carrément âgées dont les pas minuscules et obstinés forcent l’admiration.

Non, vous n’aurez pas d’images de l’intérieur du Tiger’s Nest. On laisse à l’entrée téléphones et caméras. Ce n’est pas important. Ne dit-on pas que l’essentiel, c’est le chemin ?

Le soir, un repas traditionnel nous attend. C’est l’heure du bilan avec Tashi et Sonam, des cadeaux, des pourboires, je laisse du chocolat (évidemment), mon couteau-fourchette-cuiller au chauffeur, et mon gpalémo hau guide qui nous avait dit avoir passé une quinzaine terrible à guider un couple de japonais qui avait dépensé une fortune pour dormir dans les meilleurs hôtels possibles, mais ne parlaient pas un mot d’anglais et avaient refusé d’engager un interprète.

L’heure du bilan aussi. 

Devriez-vous aller au Bhoutan ? J’aurais tendance à dire non. Il faut que ce pays garde son côté fermé et préservé. N’allez pas au Bhoutan comme n’importe où ailleurs.

Lisez, renseignez-vous, passez du temps sur vos moteurs de recherche préférés, et si la curiosité est toujours là, allez-y !

Tourisme pour Tous en Suisse romande propose des parcours « tout faits », mais sinon contactez directement Bhutan Himalayan Experience qui s’occupera de vous concocter un voyage inoubliable. 

Et sinon, Globetrotter est toujours une valeur sûre ! (Non, je ne suis pas sponsorisée, si on excepte les cafés généreusement offerts)

18 au 24 octobre 2018 etc. Hit the road !


Nous quittons la région de la capitale pour nous enfoncer dans le Bhoutan profond. Il y a le choix entre la route et les airs, pour les plus pressés. Les distances ne sont pas grandes, imaginez que ce pays est un peu plus petit que la Suisse, mais il faut prendre son temps. Les tunnels sont inexistants, les ponts très rares et n’enjambent pas les vallées comme ils le feraient chez nous. Ils sont au ras des rivières et prolongent d’autant le chemin. Autant dire que nous nous armerons de patience. Le paysage est spectaculaire, et rappelle celui des vallées valaisannes ou grisonnes. Parfois on se croirait à la maison, puis on croise un petit moine en habit rouge qui nous rappelle la distance passée. Octobre est encore très vert et les teintes automnales n’en sont qu’à leur début. 

L’altitude compense la latitude. 

Il est étonnant de voir autant de sapins, pins, si haut perchés. Chez nous, ils auraient depuis longtemps laissé la place aux pierriers. 

Ce n’est pas seulement la flore qui nous rappelle la maison. La faune également… sauf qu’elle compte, en plus des loups, ours, auxquels nous nous (ré)habituons, des tigres et léopards des neiges, des yacks qui partagent leurs pâturages avec les bovidés locaux.

Ceux-ci d’ailleurs paissent librement et on en croise régulièrement le long des routes. Comme celles-ci sont, à l’exception de la région de Thimphu-Paro, étroites, sinueuses, et dans un piètre état, ce qui force les chauffeurs à limiter leurs ardeurs et prolonge d’autant le temps du voyage.

Sur ma route

Mais on ne va pas au Bhoutan pour son bitume, non ?

Pendant les semaines où je ne voyage pas, je suis prof. Enseignante est le terme exact. Mes élèves sont des adolescent.e.s avec tout ce que ça implique d’enthousiasme, de curiosité, d’esprit de rébellion et, il faut bien le dire aussi, parfois de pure bêtise. Cette dernière se manifeste parfois sous la forme de graffitts peu subtils sur les murs, les pupitres ou posters de la salle de classe. Et ces graffitis souvent figurent l’organe sexuel mâle, fait d’un trait de stylo malhabile. Tout ceci pour dire qu’on a rarement l’occasion de voir un beau phallus dessiné sur un mur. Si c’est ce que vous vous dites, c’est que vous n’êtes jamais allé à Punakha ! 

Rizières dans la région de Punakha

Drukpa Kunley, celui-là même qui a « créé » le Takin prêchait de manière originale, par des chants, des danses et un mode de vie que la morale aurait tendance à réprouver. Sur une colline près de Punakha, il a vaincu un démon et l’a enfermé dans un rocher, tout près de l’endroit où se trouve maintenant le monastère Chimi Lhakhang. 

C’est Drukpa Kunley qui a incité les gens à peindre sur les murs d’imposants phallus, et d’en suspendre des modèles en bois de belle taille aux quatre coins de leur maison. 

Graffiti local

Il ne me viendrait pas à l’idée de suspendre un mobile fait de membres masculins au-dessus du berceau d’un de mes enfants (quoi que… j’aurais peut-être dû ! Ils auraient mieux tourné) (non, non, c’est juste un piège pour vérifier qu’ils lisent bien mon blog… ils sont BIEN, mes enfants !), mais visiblement c’est le cas au Bhoutan, vu ce qu’on trouve dans les boutiques d’artisanat local. 

Le temple est bien sûr dédié à la fertilité et un moine nous bénit d’un coup de phallus sur la tête. J’ai dit à mon guide que trois enfants c’était assez et que j’espérais que ce temple ne soit pas trop puissant. Il m’a rassuré en me disant que le coup de phallus en bois sur la tête n’était vraisemblablement pas suffisant pour que je tombe enceinte.

Dzong de Punakha

Digne d’un Dzong.

Les temples au Bhoutan sont parfois à l’intérieur d’un Dzong. C’est une forteresse qui abrite en même temps l’Église et l’État. Il en existe dans les localités les plus importantes, bien sûr, à Paro, Thimphu, Punakha, Trongsa, Bhumtang, etc. Ils sont plusieurs fois centenaires et s’ils ont souffert du passage des ans, des inondations, des incendies, ça ne se remarque pas. Ils sont entretenus et restaurés selon les anciennes techniques et au regard du profane, il est impossible de dire si les murs ont 50 ou 500 ans.

Dzong de Trongsa

Si les administrations situées dans les Dzongs ne sont pas d’un grand intérêt pour le voyageur de passage, il n’en va pas de même pour les temples, il y en a souvent plusieurs dans chaque forteresse. Au fur et à mesure des visites et des explications de Tashi, on finit par se repérer dans les sculptures et les peintures, celui-ci c’est Guru Rinpoche, celui-là c’est le futur Bouddha, là c’est le cercle des réincarnations, etc. 

Les temples ne sont bien sûr pas tous situés dans des Dzongs. Eux aussi sont tous construits selon les techniques ancestrales et nous sommes incapables de distinguer un temple ancien d’un moderne. 

Le BNB

La conservation du patrimoine bâti fait partie des composants du bonheur national brut. Je ne sais pas exactement comment cette notion est née, mais j’aime imaginer que dans un sommet de chefs d’état, un grand de ce monde frimant avec son PIB, et le roi du Bhoutan répliquant que lui, il n’avait peut-être pas un grand PIB, mais qu’il avait le meilleur BNB du monde !

La préservation et la promotion des traditions culturelles bhoutanaises sont donc inscrites dans la constitution et expliquent la similarité entre anciennes et nouvelles constructions. Elles expliquent également que les guides, ainsi que tous les fonctionnaires, élèves, et bien des civils, portent l’habit traditionnel. Même les maisons « modernes », à plusieurs étages, ont un « look » bhoutanais avec des pignons, des décorations sur les murs (non, pas systématiquement des phallus, on n’est pas à Punakha !). 

Du premier au cinquième roi.

Ça peut paraître un peu cavalier d’appeler les rois par leur numéro et non leur nom, mais c’est ainsi qu’ils sont désignés. Aimés par le peuple, ils ne règnent plus car le Bhoutan est une monarchie constitutionnelle depuis une douzaine d’années, mais sont partout, en photo, en dessins. « Le roi et son épouse vivent dans une petite maison à un étage, comme tout le monde ! » nous dit Tashi. 

Le Lac de Feu

Comment se fait-il que le Bhoutan existe encore ? 

Coincé entre deux super puissances qui ont démontré par le passé des visées expansionnistes, le Bhoutan aurait pu être envahi soit par la Chine soit par l’Inde. Ça ne s’est pas fait. Résultat de la protection de leurs divinités ? Ou difficulté géographique ? Hautes montagnes au nord, gorges et vallées encaissées au sud, une forteresse en soi. Il est possible également que l’habileté diplomatique des rois ait joué un rôle. Peut-être aussi que ces deux géants ont trouvé plus confortable d’avoir un Etat-tampon qui minimise leurs frontières communes. L’invasion du Tibet, pays très proche culturellement, a incité les Bhoutanais à se tourner vers l’Inde pour son développement économique. C’est encore le cas actuellement car ce pays investit  d’importantes sommes, par exemple dans de très gros projets hydroélectriques. 

Trongsa, son Dzong, sa vallée en forme de gorge, son grand barrage en construction. 

Après avoir appris que la sauvegarde de l’environnement est un des facteurs du Bonheur National Brut, il est un peu surprenant de voir le flanc de la gorge partiellement déchiré par des routes de fortunes acheminant ce qui est nécessaire à la construction d’un barrage. Cela dit, ce n’est aucunement une critique, il faut bien que le Bhoutan vive, et l’énergie hydro-électrique est sans doute une des moins polluantes qui soit, une fois la construction achevée. Mais c’est curieux !

Ganthey

Cette sauvegarde de l’environnement implique aussi qu’on ne grimpe pas sur les montagnes, on n’installe pas de stations de skis, on ne déboise pas, au contraire, on plante et replante. Oui, il y a un certain tourisme de trekking, mais pas d’alpinisme. Ça doit rendre nerveux certains collectionneurs de sommets de savoir qu’il y a tous ces 7000 encore invaincus ! Ceci fait du Bhoutan le seul pays au monde au bilan carbone négatif. À lui seul, il ne pourra cependant pas sauver la planète, mais s’il nous fallait une preuve que c’est possible, nous l’avons sous nos yeux. 

Ça implique évidemment certains sacrifices. La constitution impose un minimum de terres boisées. Je ne me souviens plus du chiffre exact mais j’ai en mémoire 66%. Or, ça laisse peu de place pour l’agriculture dans un pays qui se voudrait autosuffisant. L’autre souci provient du fait que les jeunes, de plus en plus instruits, ne veulent plus effectuer les durs travaux des champs. Dommage collatéral d’une instruction gratuite pour tous. Gratuite, mais… pas obligatoire !

Alors, les Bhoutanais, heureux ?

Un certain taux de chômage des jeunes, des problèmes d’alcoolisme, l’impression de n’avoir pas un niveau de vie suffisant, le manque d’exercice physique, sont les principaux problèmes mentionnés par les Bhoutanais auxquels j’ai parlé. Mais globalement oui, ils dégagent une sérénité qu’on peut leur envier.

Tashi, notre guide

Après une semaine de route plus ou moins vertigineuses, nous avons vu des dzongs, Punakha, des temples, Trongsa, encore des temples, Bhumtang, des montagnes et des forêts, Gangtey, des chorten,s des temples, nous revenons vers les villes. Demain, c’est Paro et la grimpée attendues et redoutée vers le Nid du Tigre.

17 octobre 2018- mercredi – déjeuner sur l’herbe


Il paraît que pendant la nuit les chiens ont aboyé sur la place devant l’hôtel. Je n’ai rien entendu.

Réveil dans une Thimphu qui ne montre que les stores baissés de ses devantures. Tout est fermé pour les élections. Nous remontons la vallée sur quelques kilomètres, direction un temple ! Une quarantaine de minutes de marche en grimpée et nous voilà arrivés. Belle vue sur la vallée, on croise nos premiers touristes, en majorité anglophones, et on souffre de l’altitude. On devrait avaler ces quelques kilomètres facilement, mais le corps nous rappelle que l’air est plus rare, et que les ans se font plus nombreux. J’imagine que cette petite balade permet à Tashi de se faire une bonne idée de notre (manque de) condition physique ! Là-haut, des moines méditent pendant trois ans, trois mois et trois jours. 

À l’entrée, un guichet vide et un livre de visite que notre guide remplit pour nous. Ce guichet servira peut-être dans un futur proche à encaisser des droits d’entrée pour les touristes indiens.

Les ressortissants de certains pays du sud-est asiatique ne payent en effet pas le fameux visa hors de prix. Or, ils constituent la moitié des touristes entrant au Bhoutan. Il est donc question de leur demander une contribution au maintien du patrimoine local, contribution qui, pour nous, est comprise dans le prix du visa.

Nous ne pouvons pas tout visiter. Il semble que quelques indélicats se sont autorisé à photographier des endroits « interdits » et ont posté les images sur les réseaux sociaux. Résultat des courses : punition collective.

Le repas est un pique-nique sur l’herbe, mais quel pique-nique ! Pendant notre visite du Temple, Sonam est allé chercher le repas. Riz, poulet, piments, autres légumes, fruits, thé, café, sortent d’un panier qu’on croirait sans fond. Assis sur l’herbe, nous sommes rapidement rejoints par une dizaine de chiens que j’hésite à appeler sauvages. 

Takins

Ils ne sont à personne, donc ils sont à tout le monde. Ces chiens ne sont pas agressifs, ils semblent bien soignés, bien nourris par la communauté, mais un peu craintifs. Ils attendent la fin du repas pour se précipiter sur les restes. Tashi veille à ce que le plus maigre puisse avoir une bonne part du butin. Une fois que nos plats et nos assiettes sont vides, ils s’installent autour d’un autre groupe.

Cette attention portée aux animaux, à tous les animaux, sera constante pendant tout le voyage.

Nous quittons le bord de la rivière et croisons un groupe de touristes indiens. Tashi nous apprend que pour eux, rien que le fait de se retrouver au bord d’un cours d’eau rapide et propre est une source d’émerveillement et qu’une bonne partie d’entre eux préféreront passer la journée au bord de l’eau plutôt que de grimper jusqu’au Temple. 

C’est le début de l’après-midi quand nous reprenons le chemin de Thimphu. 

Un des personnages historiques les plus connus du Bhoutan est le Drukpa Kunley, le fou divin. Nous reviendrons sur sa vie, ses œuvres, mais une des plus remarquable est la création du Takin, à partie du cadavre d’une vache et d’une chèvre. 

Un parc zoologique sur les hauteurs de la capitale en abrite quelques dizaines. Peureux, ils ne s’approchent pas des visiteurs.

Surmontant la capitale, un des plus grands Bouddhas du monde, de bronze et d’or. Construite pour le 60èmeanniversaire du quatrième roi, elle a été financée par des fonds de Chine et de Singapour. Dans la douceur de l’après-midi, de nombreux Bhoutanais se promènent à l’ombre de la statue.

Retour en ville pour la visite du Chorten de Thimphu. Un Chorten est un monument religieux qu’on connaît aussi sous le nom de Stupa. Celui-ci a été construit en 1974 en l’honneur du troisième roi, Druk Gyalpo, Jigme Dorji Wangchuck (1928 – 1972). Contrairement à la plupart des Stupas, il ne contient pas de restes humains. Des Bhoutanais de tous âges en font le tour, dans le sens des aiguilles d’une montre, en animant les moulins à prière. C’est également un lieu de socialisation. Peut-être commentent-ils les résultats des élections du jour ?

Des cables semblent ancrer le monument au sol, résultat d’un rêve de l’architecte qui avait vu son œuvre s’envoler. 

Retour à l’hôtel et à son « Swiss Restaurant ». Demain nous quitterons la capitale.

Mardi 16 octobre 2018 – ça c’est du vol !

Il y a deux problèmes, vous diront ceux qui souhaitent se rendre au Bhoutan :

  • Le prix du « visa touristique », 250 dollars par jour et par personnes, incompressible, qui permet au Bhoutan d’échapper au tourisme de masse.
  • L’accès. Car à moins de venir depuis l’Inde par la route, et je ne suis même pas certaine que ça soit autorisé pour les touristes non-indiens, il faut voler jusqu’à Paro.

Et ça, c’est une aventure en soi.

La piste est courte, étroite, l’atterrissage se fait à vue après des zig-zags entre les montagnes, il n’y a qu’une poignée de pilotes autorisés à s’y poser et en cas de vents importants, l’aéroport ferme.

Soyons honnête, c’est impressionnant, mais pas de quoi trembler sur son siège. Bien des vidéos Youtube ont été prises par des passagers ou co-pilotes.  J’étais préparée.

Pour le premier point, soit le prix du voyage, il faut savoir que ce coût de $250 (auquel il faut ajouter encore $60/jour si on est seul ou à deux) comprend le gite et le couvert, le guide et le chauffeur. Donc on s’y retrouve vite. Bien sûr, ça reste un voyage qu’on ne fait pas à la légère, on y réfléchit, on compte ses sous, on économise et pendant ce temps, on lit, on se renseigne, et enfin on franchit la porte de l’agence de voyage. Ce n’est pas comme partir à Barcelone sur un coup de tête.

Et c’est exactement ce que veut le Bhoutan.

Aéroport international de Paro

 

Des touristes renseignés et décidés.

Dans l’avion – un ATR quelconque d’une quarantaine de places de la compagnie nationale Drukair (difficile de ne pas penser systématiquement à Michel), principalement des têtes grises. A peine plus d’une heure de vol, un petit-déjeuner et on se pose après le zig-zag précité.

Le Bhoutan… son petit aéroport qui gère une poignée de vols internationaux plus quelques vols internes quotidiens, et l’impression d’avoir changé de monde par rapport à Katmandou pourtant si proche. Déjà, on respire !

Une fois l’immigration passée, les bagages récupérés, l’ATM dévalisé, nous faisons connaissance de Tashi le guide et de Soman le chauffeur qui nous accompagnent pour les dix jours du séjour.

Ils portent l’habit traditionnel, le gho, qu’ils ne quitteront que le soir, une fois leur mission accomplie.

On s’aperçoit vite que Tashi est sympa, un puit de science pour ce qui concerne son pays, sans doute un peu atypique puisqu’il arbore tatouages et nous parle rapidement de son deuxième métier : chanteur !

Le véhicule ne nous dépayse pas : c’est un gros 4×4 Toyota, du genre que nous avions utilisé pour traverser l’Islande et ses rivières à gué. Je me dis que c’est un peu exagéré (gaspillage de ressources, tout ça….). L’avenir me donnera tort.

La route vers Thimphu la capitale est bonne, tortueuse mais confortable. Un premier arrêt vers un temple nous apprend la première règle : no shoes = no photo. Si on doit se déchausser, les images seront également interdites.

A l’arrivée dans la capitale, nous nous dépêchons de visiter quelques musées. Demain, c’est jour d’élections, les troisièmes de l’histoire du pays qui renouvelle son parlement. Tout sera fermé pour permettre aux citoyens de se rendre aux urnes.

Nous profitons donc de ce jour pour voir le Musée du Textile et ainsi admirer la complexité des dessins qu’on peut trouver sur les habits traditionnels, les tentures, les tapis.

Halte ensuite au Folk Heritage Museum qui est situé dans une maison de maître du XIXème siècle et nous donne un aperçu de la rude vie des locaux. Un étage est pour les bêtes, un pour le grain et les provisions, et le dernier pour l’habitat. Il se compose d’une cuisine, d’une pièce à vivre et d’une pièce qui sert d’autel. Ah oui, il y a aussi des toilettes.

Enfin, nous faisons un court arrêt à l’institut du Zorig Chusum, où l’on apprend les arts traditionnels : peinture, sculpture, chant, travail des métaux du bois ou du textile qui permettent de préserver la connaissance nécessaire aux nouvelles constructions ainsi qu’au maintien et à la restauration des trésors architecturaux nationaux.

Les élèves sont admis sur concours dans cette école quasiment gratuite.) gratuite.

L’heure avance, nous sommes partis tôt de Katmandou et c’est avec bonheur que nous découvrons l’hôtel Sernya et son Swiss Restaurant (!!)

Sur la carte, c’est avec pas mal de stupéfaction que je lis raclette, fondue, röstis. C’est un Bernois qui a découvert le Bhoutan avec Helvetas qui a fondé l’endroit. Celui-ci est tenu par un de ses enfants.

L’heure de s’endormir en se remémorant aussi le choc du jour : l’Everest qui nous regarde droit dans les yeux entre Katmandou et Paro.

Katmandou – 14 et 15 octobre 2018 – Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Encore un voyage préparé avec amour (j’espère) et grand soin par Marlène, chez Globetrotter à Fribourg.

En route vers le Bhoutan, nous passons deux jours à Katmandou. En effet, il n’est pas possible de voler directement vers l’aéroport international de Paro. De toute façon, m’a-t-on jamais vu refuser une halte dans une destination originale ?

Pour moi, la capitale du Népal résonne encore du bruit des hippies venus y chercher l’illumination ou les paradis artificiels, à moins que ça ne soit les deux, à moins que les deux se confondent…

À l’aéroport, passage par des automates qui délivrent les demandes de visas, puis par la caisse, et enfin, par les officiels de l’immigration, donc beaucoup de temps pour observer les voyageurs en faisant les diverses queues. On distingue facilement les trekkers qui vont continuer sur l’Himalaya des autres touristes. Ils sont maigres, souvent grisonnants, ont de très beaux sacs à dos ainsi que des chaussures qui ont dû coûter presque autant que le prix du vol.

Le premier choc vient du trafic en sortant de l’aéroport ! Fou, bruyant, et… à gauche. Je ne sais combien de foi j’ai cru à la collision. Le deuxième, c’est la pollution. Je pensais avoir tout vu à Pékin mais j’ai bien plus souffert à Katmandou.

Deux jours à crapahuter, guidés par Bharat, (bon guide anglophone, je tiens son @gmail à votre disposition). Si vous n’aimez pas les temples, choisissez une autre destination. Si vous n’aimez pas la foule également. En revanche, si vous acceptez d’être ébloui, étonné, bousculé, il y a de quoi remplir quelques belles journées.

Nous visitons également Patan et Bhaktapur, deux villes tellement collées à la capitale que je n’ai pas vu la transition.

Dans la partie ancienne de la ville, vous trouverez des bâtiments en brique dont les portes, les fenêtres, sont en bois finement travaillés. Des ouvrages qui demandent une dextérité à peine imaginable ainsi qu’une patience d’ange. Durbar Square montre d’incroyables temples et est en même temps un lieu d’une infinie tristesse. Le tremblement de terre de 2015 a balafré la ville et détruit des trésors d’histoire et d’architecture. Tout se reconstruit ou se restaure lentement, avec l’aide de gouvernements étrangers ou organisations internationales, mais les dégâts infligés à ces bâtiments incroyables ne font que souligner ceux qui ont décimé la population.

Dans une ville où les systèmes d’égouts et d’eau courante sont rudimentaires, on imagine aisément le coût humain d’une telle catastrophe.

En plus de la circulation folle, en voiture, deux roues, ou à pied, on croise, se promenant librement, des vaches, animaux sacrés. D’autres bêtes n’ont pas la chance d’être bénies par l’hindouisme. Nous sommes en pleines festivités et c’est le temps des sacrifices. J’ai vu une chèvre à qui on allait trancher la tête… des poulets à qui on réservait le même sort, mais j’ai détourné la tête au moment fatal. Hypocrisie que de manger de la viande sans vouloir assister à la mise à mort ?

Un peu plus loin, j’assiste au partage de la carcasse d’un buffle. Autour, des chiens des rues attendent qu’on veuille bien leur laisser quelques bas morceaux.

Dans les quartiers les plus touristiques, on est assailli de vendeurs « good price, I made this bag myself, cheap price » qui ne semblent pas se contenter d’un « no, thank you ». Un peu plus loin, une jeune fille qui apprend l’anglais demande si elle peut se joindre à nous pour entendre les explications du guide. Encore plus loin, de faux moines en habits colorés proposent de se faire prendre en photo contre monnaie sonnante et trébuchante.

Dans un bâtiment ancien vit la Kumari. C’est une toute jeune fille, elle doit avoir entre cinq et sept ans, et vit au premier étage du Kumari Bahal, petit monastère bouddhiste aux extraordinaires gravures sur bois. On peut visiter la cour intérieure et voir la fenêtre par laquelle elle vient parfois observer et bénir du regard ses visiteurs. Elle est une déesse vivante qui est soigneusement choisie entre autre pour son caractère – elle ne doit pas être craintive – et reste enfermée dans son palais jusqu’à la fin de son « temps de service » à environ douze ans, âge à laquelle elle prend sa retraite et reçoit pour le reste de ses jours une pension de l’Etat.

Lorsqu’elle nous fait grâce de son regard, il est interdit de la photographier. Vous devrez me croire sur parole lorsque je vous dit qu’elle n’avait pas l’air particulièrement de bonne humeur.

Nous pouvons assistons à quelques démonstrations dans des boutiques soigneusement choisies par le guide (j’imagine qu’il touche son pourcentage) d’utilisation de bols chantants, de création de poterie, de choix de pashminas, de peinture de mandalas.

Les trois formes de temples sont la pagode, la forme de montagne et le dôme. C’est ce dernier qui m’a le plus impressionné, il faut dire qu’entre celui qui domine la vallée de Katmandou et celui qui offre une oasis de calme, blancheur et propreté, à quelques dizaines de mètres de l’enfer de la circulation, la ville est gâtée.

Un dernier passage près d’un temple très révéré des hindous, au bord de la rivière Bagmati. Celle-ci est sacrée et va se jeter, bien plus au sud, dans le Gange. Là, les hindous brûlent le corps de leurs défunts avant d’en confier les cendres à la rivière. Autour, des centaines de singes profitent du passage des touristes ou des fidèles pour récupérer un peu de nourriture.

A chaque repas, bien que des plats occidentaux soient proposés, j’ai choisi de la nourriture locale. Je connais donc le poulet au curry, le sanglier au curry, le tofu au curry, le mouton au curry… Je suis presque soulagée de ne rester que deux jours au Népal.

Blague à part, c’est très bon !

En deux jours, j’ai en même temps l’impression de n’avoir fait que survoler l’histoire millénaire de la ville et d’avoir été épuisée par celle-ci. Katmandou est un tourbillon.

Samedi 14 avril – Dimanche 15 avril – Phnom Penh – retour

Vol rapide de Siem Reap à Phnom Penh. Je n’aurai pas l’occasion, pendant ce court voyage, de voir autre chose du Cambodge que ces deux centres névralgiques.

Ce vol qui dure moins d’une heure me prive des longs trajets en bus ou trains qui permettent de mieux « sentir » un pays et se mélanger aux habitants. Mais le temps m’est compté, les vacances touchent à leur fin et Sinorama n’est pas Intrepid. C’est une autre manière de voyager.

Sur place, un guide nous prend en charge et nous suivons le programme :

Départ en avion pour Phnom Penh. Dans cette ville, nous visiterons la Pagode du Wat Phnom, le Musée National, le Palais Royal et la Pagode d’Argent. Après avoir visité le marché central, nous irons en bateau admirer le coucher du Soleil au confluent du Tonlé Sap et du Mékong. Nuit à l’hôtel à Phnom Penh.

C’est jour de fête nationale et la foule se presse. Deux voyageurs sont à la limite de l’évanouissement (il me semble avoir vaguement mentionné la chaleur lors de mes derniers articles).

Couleurs, musique, odeurs de cuisine, d’encens, de fruits inconnus. Nous traversons ce jour écrasés par le soleil et un peu sonnés d’en avoir tant vu en si peu de temps.

Non, je n’ai pas vu le Cambodge, tout au plus un extrait, un « trailer ».

Au moment du retour, je dois bien avouer que cette manière de voyager me laisse un drôle de goût en bouche. Ce n’est pas si différent de mon voyage en Corée du Nord, dans ce sens que nous sommes « parqués » dans des hôtels où les locaux ne vont pas, nous mangeons dans des restaurants que seuls les touristes fréquentent, que les activités programmées occupent tout notre temps…

Oui, j’exagère un peu.

Un peu

Sinorama, tes grands bus climatisés, tes arrêts obligatoires dans les boutiques d’état, tes cinq étoiles, j’y reviendrai peut-être lorsque je ne pourrai plus physiquement voyager autrement, mais là, je vais retourner à mes virées en solitaire ou en petits groupes.

Et vous, Cambodge et Vietnam, merci mille fois pour vos sourires, vos paysages, votre histoire. Je souhaite que le temps me soit donné de revenir.