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Dimanche et lundi – 15 et 16 juillet – I’m Back In The USSR

Je vous ai déjà parlé de la Gagaouzie. Et la Transnistrie, vous la connaissez la Transnistrie ?

Un brin de terre appartenant officiellement à la Modavie, mais qui revendique farouchement son indépendance. Le nom signifie « Au-delà du Dniestr », ce qui plait relativement peu aux locaux, puisque, de leur point de vue, ce sont les Moldaves qui sont au-delà du Dniestr. Ils préféreraint le nom de « Pridniestrovie » qui signifie « le long du Dniestr. Mais bon, déjà que la Transistrie a de la peine à se faire connaître avec son nom usuel…

Ce pays – car il a un drapeau, un hymne national, une monnaie, un territoire, une population, une capitale, un gouvernement – n’est reconnu que par l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et le Haut-Karabagh qui ne sont, vous l’avez deviné, pas non plus officiellement reconnus.

Le pays est soutenu par le pays de Poutine qui fournit volontiers aux ressortissants transnistriens un passeport russe pour leur permettre de voyager. L’entrée se fait relativement facilement, sans visa, par la route. On vous donnera un feuillet qui détermine la durée de votre séjour.

Ne la dépassez pas. Vous devrez le présenter à la sortie, que celle-ci se fasse par la Moldavie ou par l’Ukraine.

À voir : la citadelle de Bender, la ville de Tiraspol aux grands parcs arborés, avec ses monuments à la gloire des héros communistes ou son parc d’attraction. On y trouve plusieurs Lénines, mais aussi un buste de Gagarine. Je n’ai pas pu visiter la fabrique de Cognac Kvint, mais j’en ramène une bouteille. Buvez un verre de Kvas acheté dans la rue dans un petit kiosque. Vous pouvez même si le temps est clément vous baigner dans le Dniestr.

Si vous passez dans le coin, n’hésitez pas à contacter Maria et Dimitri de Go Transnistria (https://www.facebook.com/GoTransnistria/) (https://www.go-transnistria.com/) qui vous feront visiter la ville et au-delà, y compris une dégustation de vins (meilleurs que ceux de Milestii Mici, mais ne le dites pas aux Moldaves) dans un monastère aux quatre églises et au beffroi impressionnant.

 

 

 

Ils vous parleront également volontiers de la vie quotidienne et de la politique locales.

Alors oui, la nostalgie du communisme se fait sentir et les liens avec la Russie de Poutine sont bien présents, mais économiquement, la libre entreprise est encouragée et on voit multitude de petits cafés et commerces fleurir. La religion n’est plus l’opium du peuple et les monastères sont respectés.

Où manger ? à la gare routière de Bender, il ne faut pas manquer la cafétéria communiste qui fait revivre la nourriture de l’époque dans un décor ad-hoc.

Où dormir ? L’hôtel Russia, en plein centre de Tiraspol est parfait.

Si vous voulez un voyage dans le temps, mais sans l’angoisse de la guerre froide ou le danger d’un périple en Corée du Nord, pensez à la Transnistrie. En plus, vous épaterez vos amis et ça, ça n’a pas de prix.

Alors oui, pour l’instant, la Transnistrie est mon coup de cœur.

Jour 5 – Jeudi 26 octobre – Baïkonour et Bowie.

Intrepid Travel programme ce tour en fonction des dates de lancement de fusées au Cosmodrome de Baïkonour, mais prévient que les annulations et reports sont monnaie courante.

Bunker inside

Il y a un mois, j’ai reçu la nouvelle que le lancement prévu le 26 octobre était repoussé à décembre. J’avais donc revu mes attentes à la baisse.

MacBook d’occasion

Baïkonour et son Cosmodrome sont deux entités distinctes géographiquement, distantes de quelques kilomètres. Les deux sont des territoires spéciaux, loués par la Russie au Kazakhstan jusqu’en 2050. On n’y pénètre qu’avec un permis, en montrant patte blanche, lors d’un tour organisé.

Vieux iMacs

L’activité économique de la ville tourne autour du Cosmodrome. Ceux qui n’y travaillent pas fournissent des services à ceux qui y travaillent. Une ligne de chemin de fer est exclusivement réservée aux trajets entre les deux et transporte quotidiennement des milliers de scientifiques, ingénieurs ou petites mains. Le nombre exact est considéré comme confidentiel.

Avant de quitter l’hôtel, nous signons un papier qui nous fait accepter un certain nombre de règles, dont la principale consiste à ne pas filmer ou photographier les endroits où ceci ne nous serait pas expressément permis. Galina, responsable de la notre sécurité ne nous quittera pas de la journée. Elle nous remet des badges à nos noms.

OK ! Go !

Le premier arrêt est pour le pas de lancement 1, celui utilisé lors du premier vol habité par un humain dans l’espace. Mettre ses pieds dans ceux de Gagarine. Un petit pas pour l’homme, un grand…. Euh non, ça c’est une autre histoire. Ce pas de lancement est vide de toute fusée pour l’instant, mais il est toujours utilisé. « Notre » lancement aurait justement dû s’y dérouler. Oh well….

Les bras qui maintiennent la fusée, les bras « de service » tout est mécanique et semblable aux systèmes déjà en place en 1957 lors des premiers lancements sur place. Oh, ai-je dit qu’il ne s’est déroulé que dix-sept mois entre le premier coup de pioche et le premier lancement ?

La guide locale sera suivie de plusieurs autres dans les différents lieux visités du cosmodrome. Uniquement des femmes. Je n’ai pas réussi à savoir si elles étaient des scientifiques qui guidaient parfois les touristes, ou si elles n’étaient « que » guides. Dans tous les cas, leurs connaissances techniques m’ont impressionné et n’ont pas manqué d’impressionner un de mes compagnons de voyages dont la culture spatiale semblait très étendue.

Il y a peu de touristes. Nous étions les seuls ce jour-là dans tout le cosmodrome. Le coût de la visite est, m’a-t-on dit, prohibitif pour les populations locales. Je ne sais pas exactement à combien il se monte vu que dans mon cas il fait partie d’un tout.

Nous avons le droit de photographier le pas de lancement, depuis un endroit bien précis, mais pas le train qui amène la fusée à un pas de sénateur depuis la grande halle d’assemblage jusque-là. Je vous jure que c’était difficile de cadrer sans qu’on voit une partie de ce train !

Pas de tire numéro 1

Départ ensuite pour un ancien centre de contrôle du projet Buran, la navette spatiale soviétique. Pour cela, passage obligé par les sous-sols hyper sécurisés, situés derrière d’épaisses portes qui rappelant celles des abris anti-atomiques qui garnissent les fondations des villas suisses.

Les ordinateurs semblent dater de bien plus de trente ans. Tout est en état de marche, mais bien sûr, inutilisé, remplacé par des technologies modernes.

 

Visite ensuite au musée du Cosmodrome où nous voyons des pièces historiques. Modèles, reconstitutions, voire même des originaux, d’ordinateurs, scaphandres, nourriture spatiale, « siège » de décollage, capsules, etc…

Capsule (de Nescafé ?)

Position foetale pour le décollage.

Nous dévalisons la minuscule boutique du musée. Il y a quelques gadgets, t-shirts, magnets. Hélas pas ce que souhaite Maggie*. Je vais acheter une barre « Mars » à la cafétéria. Dans ma tête ne trotte plus « Space Oddity » mais « Life on Mars ».

Un homme dans l’espace !

Le nez de Buran

À l’extérieur du musée, un modèle grandeur nature de Buran, la navette spatiale soviétique. La seule qui ait volé a été détruite il y a quelques années, le toit de l’entrepôt dans lequel elle coulait une retraite heureuse s’étant effondré. Même si ce n’est qu’un modèle, le fait de pouvoir y renter, de grimper dans le poste de pilotage, a quelque chose d’émouvant.

Et, cerise sur le gâteau, visite de la maison où Gagarine et son remplaçant ont passé leurs dernières semaines avant le lancement.

D’ailleurs, son remplaçant, connaissez-vous son nom ?

Luxe calme et volupté pour une dernière nuit sur terre.

Titov. Le processus de sélection était long et difficile pour arriver à ces deux derniers noms. Ce qui a fait que Gagarine a été choisi plutôt que son camarade est source de spéculations. Je connais plusieurs théories, et depuis aujourd’hui, une de plus. Gagarine, à chaque fois qu’il pénétrait dans la fusée, ôtait ses chaussures, comme on le fait dans la région lorsqu’on arrive dans une maison. C’est ce qui aurait emporté la décision.

Salle de contrôle

Ses beaux yeux clairs ? Son extraction ouvrière ? Non, c’est son respect pour la fusée qui lui a valu sa place.

Maison de Gagarine et Titov

On s’attend que pour une dernière nuit sur terre, alors que les chances de revenir vivant sont inconnues, on puisse bénéficier d’un certain luxe. Ce n’est pas le cas. La maison est petite, très simple et chichement meublée. Elle me rappelle, tiens, l’hôtel Tsentralnaya.

Youri forever

Retour en ville après les check-points et passage rapide au musée Baïkonour. Pour Edward, notre jeune guide local, c’est une première. On se sent très nerveux et pas encore très bien rôdé. Malgré tout, il fait son travail. Je dois avouer qu’après une journée à courir dans le Cosmodrome, mon attention n’est plus tout à fait là. Il nous accompagne ensuite en mini bus pour un tour des principaux monuments de la ville. C’est là que Maggie* fait preuve de toute sa subtilité en se plaignant sans arrêt de ne pas entendre Edward, de ne pas le comprendre, etc. Lors d’un arrêt près de la statue de Gagarine, alors qu’elle s’était éloignée pour prendre des photos, je suis allée rassurer le jeune guide dont le visage commençait à se décomposer.

In the streets of Baïkonur

Nuit à l’hôtel Tsentralnaya qui n’a pas eu la bonne idée d’installer le wifi pendant notre visite au Cosmodrome.

Goodbye Lenin

*Prénom modifié.

Jour 4 – Mercredi 25 – Aralsk – Baïkonour

De Baïkonour à Baïkonour

Nous étions sur la route plus ou moins toute la sainte (demi) journée pour arriver aux portes de Baïkonour. Là, nous abandonnons notre bus et notre chauffeur pour un autre, spécialisé dans l’accueil des touristes dans cette ville dirigée conjointement par les Russes et les Kazakhs. Nous passons un check point – présentation des passeports – on ne plaisante pas avec la sécurité – et rejoignons notre hôtel situé sur la place Lénine (!) sous les yeux d’une statue de Vladimir Illich Oulianov lui-même. Je ne savais pas qu’il y en avait encore qui ne soient pas déboulonnées. Un petit tour en ville, changer les Tenges en Roubles, un repas, et dodo. Demain la journée sera longue.

L’hôtel Tsentralnaya est un bâtiment imposant qui date de l’URSS. Quatre étages seulement, mais il fait toute la longueur de la place. Ma chambre n’est pas si petite mais l’ameublement est stalinien. Un petit lit en métal, un matelas beaucoup trop mou, une chaise et une table qui ont connu des jours meilleurs. Le personnel a le sourire difficile et la mine sévère. Si vous voulez avoir de l’eau chaude pour une douche, mieux vaut vous y prendre le matin.

Hotel Tsentralnaya et place Lénine

Mais l’un dans l’autre, il fait le job comme on dit.

Sauf que, bien sûr, il n’y a pas de Wifi.

Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de Maggie*

*Nom fictif

21 octobre 2017 – Le mur de la cuisine

Lorsque j’étais enfant, le nez collé à la carte du monde, je m’extasiais sur la taille de l’URSS. Mon père me parlait de pays disparus, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, égarés à jamais dans cette immense masse verte.

Bien plus tard, un prof d’histoire-géo, toujours en parlant de l’URSS nous détaillait ces pays en ‘stan’ « Je vous donne les noms, mais vous pouvez les oublier. Souvenez-vous juste qu’il y en avait beaucoup et qu’ils étaient situés plus ou moins au sud. Et moi, je m’étais obstinée à les noter scrupuleusement, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, Le Kazakhstan,… Comme si le fait de les graver dans ma mémoire leur permettait d’exister encore un petit peu.

Bien sûr, arrive Gorbatchev et sa Glasnost. Le mur tombe et, petit à petit, ces pièces de puzzle retrouvent une existence sur la nouvelle grande carte du monde du mur de la cuisine.

Non, ce n’est de loin pas mon premier voyage à l’Est, en revanche c’est mon premier « stan » que je me réjouis de découvrir dès demain.

Lorsqu’on demande à Wikipédia de classer les pays par taille, on trouve, en bonne place le Kazakhstan. Et lorsqu’on voit « Le Souffle », splendide long-métrage qui se déroule dans les plaines de l’Asie centrale, on ne peut que vouloir contempler cette autre sorte d’infini de nos propres yeux.

Voilà. J’espère que ça répond à cette question entendue des dizaines de fois ces dernières semaines : « Mais pourquoi diable le Kazakhstan ? »