Archives mensuelles : octobre 2017

Jour 7 – Samedi 28 – Turkestan – Otrar – Chimkent – Train de nuit

La matinée se passe à revoir, de jour, l’impressionnant complexe comprenant le Mausolée d’Ahmed Yasavi. On ne peut pas prendre de photos à l’intérieur, en partie pour éviter que les flashs des flasheurs fous n’abiment les inscriptions, en partie pour ne pas déranger les pèlerins, nombreux. Même s’il n’y a plus d’activité à proprement parler religieuse à l’intérieur du Mausolée, le fait qu’il soit considéré comme un lieu saint par une bonne partie de la population locale incite au respect du lieu.

Mausolée de jour

Plus loin, une ancienne mosquée. Encore plus loin, des bains publics, avec leurs diverses chambres à diverses températures.

Des champs entiers doivent encore être fouillés par les archéologues et cachent sans doute encore bien des trésors.

Nouvelle mosquée

Au loin, une mosquée récente rappelle de sa coupole et de ses couleurs l’ancien mausolée. Elle est  construite avec l’appui financier de la Turquie. C’est curieux, en juillet dans les Balkans, j’avais déjà entendu ça, en particulier en Albanie si ma mémoire est bonne.

Nous nous livrons, sur ce site, à une course contre la montre contre des centaines de touristes en grappes suivant des guides qui brandissent des drapeaux de diverses couleurs. Notre petit groupe de 5 guidé par Nazira slalome tant bien que mal, tentant de prendre de vitesse les autres, avantagés par notre nombre. On me souffle à l’oreille qu’ils débarquent de l’Orient Express. L’Orient Express ? Ça existe encore ? Il va falloir creuser ça, tant le nom à lui seul donne de nouvelles envies de départ.

Otrar

Trajet en bus jusqu’à Otrar, oui, le même nom que l’hôtel que j’occupais à Almaty. Nous y visitons un site de fouilles. Ici encore, c’est le paradis des archéologues. Des sacs d’or y sont régulièrement retrouvés. C’est là que mourut Tamerlan en 1405. L’endroit est désertique. Pas un brin d’ombre. La température peut y monter jusqu’à 45 degrés. Quelle bonne idée de voyager en octobre !

Encore un trajet en bus jusqu’à Chimkent, que nous ne faisons qu’apercevoir. Nous nous engouffrons dans un train de nuit pour Almaty.

A la gare comme à la gare

Luxe des wagons couchette. Je ne plaisante qu’à moitié. Le bruit du train et son bercement me font passer une excellente nuit. Notons qu’un Wifi donne accès à un intranet qui propose films, nouvelles et musique – mais bien sûr pas d’accès au reste du monde. Ça aurait été trop beau !

Jour 6 – Vendredi 27 – On a slow train to Turkestan

Sept heures de train pour se rendre à Turkestan. On ne rentre pas dans une salle d’attente Kazakhe comme dans un moulin ! Il faut avoir un billet. On ne choisit pas son wagon comme on veut dans un train Kazakhe, il faut suivre ce qui est écrit sur son billet. On ne s’assied pas où on le souhaite dans un train Kazakhe, c’est comme dans un avion. Il faut même pouvoir montrer son passeport à un des nombreux employés qui contrôlent le comportement des voyageurs. D’ailleurs, on ne peut pas boire d’alcool dans les trains kazakhes – sauf dans le wagons restaurant où je me réfugie avec deux compagnons pour échapper à Maggie*.

Dieu merci, enfin un peu de temps pour mettre à jour le blog !

Arrivée le soir à Turkestan, 170000 habitants, et ville sainte. On dit que trois visites ici valent une visite à la Mecque. Juste le temps de faire un tour dans le centre historique à la nuit tombée pour admirer de loin le Mausolée d’Ahmed Yasavi sous un croissant de lune.

Mausolée

Mausolée

Retour à l’hôtel Khanaka, 4 étoiles, chambres spacieuses et confortables, luxe, calme et volupté et Wifi…. Qu’on ne capte pas depuis ma chambre.

*Prénom modifié.

Jour 5 – Jeudi 26 octobre – Baïkonour et Bowie.

Intrepid Travel programme ce tour en fonction des dates de lancement de fusées au Cosmodrome de Baïkonour, mais prévient que les annulations et reports sont monnaie courante.

Bunker inside

Il y a un mois, j’ai reçu la nouvelle que le lancement prévu le 26 octobre était repoussé à décembre. J’avais donc revu mes attentes à la baisse.

MacBook d’occasion

Baïkonour et son Cosmodrome sont deux entités distinctes géographiquement, distantes de quelques kilomètres. Les deux sont des territoires spéciaux, loués par la Russie au Kazakhstan jusqu’en 2050. On n’y pénètre qu’avec un permis, en montrant patte blanche, lors d’un tour organisé.

Vieux iMacs

L’activité économique de la ville tourne autour du Cosmodrome. Ceux qui n’y travaillent pas fournissent des services à ceux qui y travaillent. Une ligne de chemin de fer est exclusivement réservée aux trajets entre les deux et transporte quotidiennement des milliers de scientifiques, ingénieurs ou petites mains. Le nombre exact est considéré comme confidentiel.

Avant de quitter l’hôtel, nous signons un papier qui nous fait accepter un certain nombre de règles, dont la principale consiste à ne pas filmer ou photographier les endroits où ceci ne nous serait pas expressément permis. Galina, responsable de la notre sécurité ne nous quittera pas de la journée. Elle nous remet des badges à nos noms.

OK ! Go !

Le premier arrêt est pour le pas de lancement 1, celui utilisé lors du premier vol habité par un humain dans l’espace. Mettre ses pieds dans ceux de Gagarine. Un petit pas pour l’homme, un grand…. Euh non, ça c’est une autre histoire. Ce pas de lancement est vide de toute fusée pour l’instant, mais il est toujours utilisé. « Notre » lancement aurait justement dû s’y dérouler. Oh well….

Les bras qui maintiennent la fusée, les bras « de service » tout est mécanique et semblable aux systèmes déjà en place en 1957 lors des premiers lancements sur place. Oh, ai-je dit qu’il ne s’est déroulé que dix-sept mois entre le premier coup de pioche et le premier lancement ?

La guide locale sera suivie de plusieurs autres dans les différents lieux visités du cosmodrome. Uniquement des femmes. Je n’ai pas réussi à savoir si elles étaient des scientifiques qui guidaient parfois les touristes, ou si elles n’étaient « que » guides. Dans tous les cas, leurs connaissances techniques m’ont impressionné et n’ont pas manqué d’impressionner un de mes compagnons de voyages dont la culture spatiale semblait très étendue.

Il y a peu de touristes. Nous étions les seuls ce jour-là dans tout le cosmodrome. Le coût de la visite est, m’a-t-on dit, prohibitif pour les populations locales. Je ne sais pas exactement à combien il se monte vu que dans mon cas il fait partie d’un tout.

Nous avons le droit de photographier le pas de lancement, depuis un endroit bien précis, mais pas le train qui amène la fusée à un pas de sénateur depuis la grande halle d’assemblage jusque-là. Je vous jure que c’était difficile de cadrer sans qu’on voit une partie de ce train !

Pas de tire numéro 1

Départ ensuite pour un ancien centre de contrôle du projet Buran, la navette spatiale soviétique. Pour cela, passage obligé par les sous-sols hyper sécurisés, situés derrière d’épaisses portes qui rappelant celles des abris anti-atomiques qui garnissent les fondations des villas suisses.

Les ordinateurs semblent dater de bien plus de trente ans. Tout est en état de marche, mais bien sûr, inutilisé, remplacé par des technologies modernes.

 

Visite ensuite au musée du Cosmodrome où nous voyons des pièces historiques. Modèles, reconstitutions, voire même des originaux, d’ordinateurs, scaphandres, nourriture spatiale, « siège » de décollage, capsules, etc…

Capsule (de Nescafé ?)

Position foetale pour le décollage.

Nous dévalisons la minuscule boutique du musée. Il y a quelques gadgets, t-shirts, magnets. Hélas pas ce que souhaite Maggie*. Je vais acheter une barre « Mars » à la cafétéria. Dans ma tête ne trotte plus « Space Oddity » mais « Life on Mars ».

Un homme dans l’espace !

Le nez de Buran

À l’extérieur du musée, un modèle grandeur nature de Buran, la navette spatiale soviétique. La seule qui ait volé a été détruite il y a quelques années, le toit de l’entrepôt dans lequel elle coulait une retraite heureuse s’étant effondré. Même si ce n’est qu’un modèle, le fait de pouvoir y renter, de grimper dans le poste de pilotage, a quelque chose d’émouvant.

Et, cerise sur le gâteau, visite de la maison où Gagarine et son remplaçant ont passé leurs dernières semaines avant le lancement.

D’ailleurs, son remplaçant, connaissez-vous son nom ?

Luxe calme et volupté pour une dernière nuit sur terre.

Titov. Le processus de sélection était long et difficile pour arriver à ces deux derniers noms. Ce qui a fait que Gagarine a été choisi plutôt que son camarade est source de spéculations. Je connais plusieurs théories, et depuis aujourd’hui, une de plus. Gagarine, à chaque fois qu’il pénétrait dans la fusée, ôtait ses chaussures, comme on le fait dans la région lorsqu’on arrive dans une maison. C’est ce qui aurait emporté la décision.

Salle de contrôle

Ses beaux yeux clairs ? Son extraction ouvrière ? Non, c’est son respect pour la fusée qui lui a valu sa place.

Maison de Gagarine et Titov

On s’attend que pour une dernière nuit sur terre, alors que les chances de revenir vivant sont inconnues, on puisse bénéficier d’un certain luxe. Ce n’est pas le cas. La maison est petite, très simple et chichement meublée. Elle me rappelle, tiens, l’hôtel Tsentralnaya.

Youri forever

Retour en ville après les check-points et passage rapide au musée Baïkonour. Pour Edward, notre jeune guide local, c’est une première. On se sent très nerveux et pas encore très bien rôdé. Malgré tout, il fait son travail. Je dois avouer qu’après une journée à courir dans le Cosmodrome, mon attention n’est plus tout à fait là. Il nous accompagne ensuite en mini bus pour un tour des principaux monuments de la ville. C’est là que Maggie* fait preuve de toute sa subtilité en se plaignant sans arrêt de ne pas entendre Edward, de ne pas le comprendre, etc. Lors d’un arrêt près de la statue de Gagarine, alors qu’elle s’était éloignée pour prendre des photos, je suis allée rassurer le jeune guide dont le visage commençait à se décomposer.

In the streets of Baïkonur

Nuit à l’hôtel Tsentralnaya qui n’a pas eu la bonne idée d’installer le wifi pendant notre visite au Cosmodrome.

Goodbye Lenin

*Prénom modifié.

Jour 4 – Mercredi 25 – Aralsk – Baïkonour

De Baïkonour à Baïkonour

Nous étions sur la route plus ou moins toute la sainte (demi) journée pour arriver aux portes de Baïkonour. Là, nous abandonnons notre bus et notre chauffeur pour un autre, spécialisé dans l’accueil des touristes dans cette ville dirigée conjointement par les Russes et les Kazakhs. Nous passons un check point – présentation des passeports – on ne plaisante pas avec la sécurité – et rejoignons notre hôtel situé sur la place Lénine (!) sous les yeux d’une statue de Vladimir Illich Oulianov lui-même. Je ne savais pas qu’il y en avait encore qui ne soient pas déboulonnées. Un petit tour en ville, changer les Tenges en Roubles, un repas, et dodo. Demain la journée sera longue.

L’hôtel Tsentralnaya est un bâtiment imposant qui date de l’URSS. Quatre étages seulement, mais il fait toute la longueur de la place. Ma chambre n’est pas si petite mais l’ameublement est stalinien. Un petit lit en métal, un matelas beaucoup trop mou, une chaise et une table qui ont connu des jours meilleurs. Le personnel a le sourire difficile et la mine sévère. Si vous voulez avoir de l’eau chaude pour une douche, mieux vaut vous y prendre le matin.

Hotel Tsentralnaya et place Lénine

Mais l’un dans l’autre, il fait le job comme on dit.

Sauf que, bien sûr, il n’y a pas de Wifi.

Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de Maggie*

*Nom fictif

Jour 3 – Mardi 24 octobre –  Aralsk – Mer d’Aral.

Il faut sauver, non pas le soldat Ryan ou Willy. Il faut sauver la mer d’Aral.

J’ai toujours cru que le seul critère qui différenciait une mer d’un lac était la salinité de l’eau. Il semble que j’ai tort. J’aimerais bien étaler ma science tout droit issue de la lecture d’une page wiki, mais… internet par ici ce n’est pas gagné !

La mer d’Aral, nommée ainsi, m’a-t-on dit, par analogie avec la mer Caspienne, n’est en fait qu’un lac me confie le pêcheur qui nous emmène faire un tour. Mais that’s not the point.

Si hier encore je me croyais installée dans un confortable été indien, laissant le soleil d’automne caresser mes bras nus, ce matin je suis ramenée à la réalité. -3° !

Mais le soleil brille tant qu’il peut. Le programme disait quelque chose comme « trajet en 4×4 jusqu’à la mer d’Aral ». Les 4×4 maintenant je connais pensais-je. J’en ai conduit un sur les routes les plus reculées d’Islande, franchissant des rivières en folie avec de l’eau au moins jusqu’à mi-roue.

Un 4×4 comme ça, datant de l’époque soviétique, je n’en avais jamais vus. L’intérieur ressemble plus ou moins à celui d’un bus VW de la grande époque. L’extérieur, lui, manque un peu de fantaisie. Cela dit, il nous a amenés sans coup férir jusqu’au nouveau bord de la mer d’Aral.

Depuis 1930, elle a reculé, s’est recroquevillée dans les terres, s’est scindée en deux puis en trois, puis en plus encore d’étendues d’eau, la majorité d’entre elles se sont évaporées, ont disparu dans le sable. Leur principale source d’approvisionnement ayant été détournée pour alimenter les champs de cotons ouzbeques.

L’assèchement de la mer d’Aral a eu de nombreuses conséquences.

Bien sûr, la pêche qui était la principale activité économique, n’existe presque plus. Ce qu’on appelle la Mer d’Aral mineure, celle que j’ai vue, compte encore quelques pêcheurs, mais ce qu’on appelle là-bas la « Grande Aral », est devenue trop salée. Plus rien n’y vit.

Le long de la mer, nous voyons des cimetières de bateaux. Il en reste encore trois, mais ils disparaissent. Alors qu’on devrait les conserver, reliques de la disparition de la mer, les autorités préfèrent les faire disparaître petit à petit, comme une plaie honteuse qu’on veut dissimuler.

Avec la disparition de l’eau, le sable, le sel, et tous les produits chimiques ou engrais qui étaient contenus dans l’eau s’évaporent, sont dispersés par le vent des steppes, et provoquent des effets indésirables sur ceux qui les respirent. Des maladies respiratoires se développent chez les habitants.

Certains villages sont petit à petit ensevelis sous le sable libéré par le recul de la mer.

Conscientes du problèmes, les autorités ont construit un barrage au Sud de l’ « Aral Mineure » entre 2005 et 2007 et, depuis lors, l’eau regagne petit à petit du terrain.

Un autre moyen envisagé pour alimenter Aral Mineure est de détourner l’eau de la rivière Syrdaria

Mais cela impliquerait de mettre en danger un autre écosystème.

Peut-être un jour reverrons-nous un vrai port à Aralsk.

En chemin, nous avons vu un groupe de pêcheurs qui, ayant ramené leurs filets, les démêlent puis chargent le poisson dans un véhicule d’un autre âge.

Nous négocions un petit tour sur la mer, pour 5000 Tenge, de quoi améliorer l’ordinaire d’un pêcheur.

Le souci, il y en a toujours un, c’est que la barque est à une dizaine de mètres de la rive et que nous sommes tous en baskets et, souvenez-vous, il fait très froid malgré le soleil éclatant. Comment faire ? Les pêcheurs ont une paire de bottes supplémentaire. Elle ira à la doyenne du groupe (73 ans). Une autre touriste, Maggie* l’idée du bateau. Les deux anglais et la guide envisagent de se déchausser et de traverser les 10 mètres pieds nus.

Il fait si froid que j’ai mon bonnet, mes gants, mon écharpe… ceux qui me tenaient chaud il y a quelques mois face aux icebergs du Groenland. J’abandonne.

C’est là que la guide dit en regardant les anglais : « Look at those brave English guys !» Ah, il ne fallait pas chatouiller ma fierté nationale (ou il ne sera pas dit que les femmes manquent de courage, au choix).

Je laisse mes baskets avec les autres et je cours dans l’eau.

Quelles belles 20 minutes sur la mer d’Aral. Il faisait si froid que j’ai failli écrire Lac Baïkal ! L’impression d’y laisser mes orteils est largement contrebalancée par le bonheur d’y être allée.

Un bon thé et quelques heures plus tard ne restent que les bons souvenirs – et un peu de fierté nationale / féminine.

… et beaucoup de souci et un peu d’espoir pour la mer d’Aral.

Bien sûr, le wifi de la Guesthouse est inutilisable.

 

*Prénom modifié.

Jour 2 – 23 octobre 2018 – Almaty – Kyzylorda – Aralsk

Se lever très tôt pour, à l’Aéroport d’Almaty prendre un vol d’Air Astana pour Kyzylorda. Là, trouver le chauffeur du minibus qui roulera environ sept heures pour nous amener à Aralsk.

C’est le résumé factuel de la journée. Le seul « point d’intérêt » fut cet arrêt, au milieu du chemin, dans une cafétéria située non loin d’un « complexe ». C’est un bien grand mot, mais c’est celui utilisé par la guide pour décrire ce… mouais… je ne sais vraiment pas comment le dire autrement…

Il y a un petit musée, la statue d’un bélier, puis un théâtre type théâtre romain à ciel ouvert. Chaque deux ans s’y déroule un festival de musique traditionnelle et cette plaine absolument déserte se couvre de yourtes qui accueillent les festivaliers.

C’est le lieu de célébration du Kobyz instrument traditionnel à deux cordes dont le son est capable de dompter humains et animaux.

L’histoire raconte que Korkyt-Ata est né après une gestation de trois ans et neuf jours. Le jour de sa naissance, il y eut un orage si impressionnant que le bébé fut nommé Korkyt, ce qui veut dire « celui qui est craint». Il aurait vécu 300 ans.

Toute sa vie, il a cherché un élixir d’immortalité et pour le trouver, il a en vain parcouru le monde. Un peu partout il rencontrait des personnes où des événements qui lui rappelaient sa propre fin. De retour chez lui, il s’est assis sous un arbre et a entendu une voix lui dire que, s’il voulait échapper à la mort, il devrait inventer un instrument de musique et en jouer sans cesse.

Il a créé le Kobyz, en découpant une pièce de bois et en la recouvrant de cuir de chameau. Les deux cordes étaient faites de crins de chevaux. L’instrument avait un son merveilleux et, lorsque Korkyt-Ata en jouait, le temps s’arrêtait. C’est ainsi qu’il a tenu la mort à distance.

Un jour, cependant, il s’assoupit. Un serpent en profita pour le mordre. Il avait plus de 300 ans.

C’est ainsi que le corps de Korkyt-Ata mourut, mais à ce jour, il vit encore à travers sa musique.

Ce mémorial curieux lui est dédié. Il a été achevé en 1986, conçu par l’architecte Ivrayev et le physicien Issatayev. Quatre piliers verticaux, en forme de Kobyz, renferment des tuyaux métalliques qui, lorsque le vent souffle, comme s’était le cas lors de ma visite, rappellent le son de l’instrument.

Et sinon, des kilomètres de rien. Plus de trafic toutefois que sur les pistes du centre de l’Islande ou les autoroutes défoncées de la Corée du Nord, mais pas beaucoup plus. Parfois le paysage se pare d’un troupeau de chameaux.

Fascination des Steppes de l’Asie Centrale.

Pour moi qui viens d’un pays où le paysage change radicalement dès qu’on parcourt 100 kilomètres, l’immensité de la pleine a quelque chose d’hypnotisant.

Le soir, nous arrivons à Aralsk, petite ville aux airs de village poussé tout en largeur, qui était, il n’y a pas si longtemps, un port de la Mer d’Aral. Aujourd’hui elle n’est plus que la gardienne du sable alentours.

Mais nous reviendrons largement sur le sujet demain.

La nuit se passe dans une « Guesthouse » qui a des prétentions hôtelières. Mais c’est la première fois qu’une employée à l’air revêche vient apporter le linge, le pose sur le matelas nu, et s’attend à ce que les hôtes fassent eux-mêmes leur lit. Les serviettes de la salle de bain sont en gros de la taille d’un timbre-poste. Et il faut se laver et se sécher dans le noir. Heureusement que je ne suis pas adepte du maquillage. Je ressemblerais sans doute à un clown.

Nuit malgré cela paisible, en bordure d’Aralsk.

 

 

Kazakhstan – Jour 1 – 22 octobre 2017 – Le trajet

Alors que Zurich et son arrogance (souvenez-vous de « Downtown Switzerland » et « Unique Airport) tendent à m’agacer, je dois bien avouer que je préfère décoller de Kloten que de Cointrin. Le seul avantage de ce dernier, c’est qu’Etienne parfois guide mon avion.

A ZHR, je finis par me sentir un peu comme chez moi. Tout juste si je ne reconnais pas les douaniers ou les agents de sécurité d’une fois à l’autre.

Pour Almaty, le plus simple c’est de passer par Istanbul. C’est donc avec Turkish Airlines que je vole pour la première fois. J’ai lu que plusieurs années de suite, cette compagnie aérienne s’est très bien classée dans les rankings. Vaut-elle sa réputation ? Les avions sont propres, la nourriture est étonnamment bonne, mais, comme partout d’ailleurs, on a vraiment l’impression de voyager dans une boite de conserve. Contrairement à mon habitude, j’avais choisi des sièges hublot, espérant vaguement pouvoir m’endormir, la tête contre la paroi de l’avion. Et bien je crois que je ferai le retour côté couloir. C’est oppressant de penser qu’on ne peut pas se lever, faire quelques pas, sans déranger les voisins qui, eux, connaissent le numéro de portable de Morphée.

Jusqu’à Istanbul, j’étais victime d’un manspreader…. Mais bon, vue la taille de ses jambes, il aurait difficilement pu les ranger ailleurs qu’en empiétant sur l’espace de ses voisines. Quelle torture ça doit être de voyager en Economy lorsqu’on est grand !

Sinon, oui, Turkish est une bonne compagnie – so far – si on excepte le fait que j’ai beaucoup de mal à comprendre l’anglais parlé avec l’accent turc.

Et pas seulement l’anglais des hôtesses de l’air ! À l’aéroport d’Istanbul, avant d’embarquer pour Almaty, on passe un nouveau contrôle des bagages. En voyant mon MacBook, l’agent me dit

– Sitchon

– ??

– Sitchon !!

– ???

– Sitchon the laptop !

– Oh… okay… I switch it on.

Après une nuit de non sommeil passée à regarder défiler les noms des villes survolées, j’arrive à l’hôtel. Il est 10 heures du matin. Je rêve d’une douche, d’une sieste, de prendre un coca frais dans le mini bar.

– No you cannot have the room before 12

– Oh… when will the room be ready ?

– It is ready but you cannot have it.

– Why ?

– You have to pay for it.

– Oh…. How much ?

– Well… I don’t know.

Elle m’a donnée la clef, mais pas la permission d’aller dans la chambre. Oh well… je me retrouve à somnoler devant un café au lait avec deux autres voyageurs dans la même situation. Et le wifi qui ne veut pas marcher.

A 12h30 je suis installée, douchée, je me prépare à ma sieste quand on toque à ma porte.

– André ? But… you’re not André !

– (finement observé)

A 14h30 je suis au milieu d’un rêve quand on rentre carrément dans ma chambre.

– Oui ??

La porte qui se referme et des pas précipités dans le couloir.

Rassurant !

Réveillée pour réveillée, je me décide d’aller faire le tour du quartier. Non sans avoir cherché à mettre mon ordinateur et ma tablette à l’abri dans le coffre-fort qui, bien sûr, ne fonctionne pas.

L’automne est aussi beau à Almaty qu’ailleurs. C’est dimanche après-midi et les familles se promènent. Je pousse jusqu’à « Central Park » puis au « Green Bazar ». Par deux fois on m’aborde. Le Kazakhstan compte deux langues officielles, le russe et le kazakh. Ce n’était pas du russe.

Ce soir je rencontre mes compagnons de voyage. Je serai dans un petit groupe. Un des points forts de ce séjour est la visite du Cosmodrome de Baïkonour, or, ça ne se visite pas en dehors de tours organisés. Deux Anglais, deux Australiennes et moi et moi et moi. Notre guide est une Russe qui vit au Kazakhstan depuis le démantèlement de l’URSS.

Tout va bien  – sauf le Wifi qui ne fonctionne toujours pas !

Repas avec le groupe dans un restaurant géorgien des environs. Je sais maintenant que lorsque je visiterai la Georgie, ça ne sera plus seulement parce que l’alphabet est très beau ou que la musique traditionnelle y est superbe, mais aussi parce que… miam.

21 octobre 2017 – Le mur de la cuisine

Lorsque j’étais enfant, le nez collé à la carte du monde, je m’extasiais sur la taille de l’URSS. Mon père me parlait de pays disparus, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, égarés à jamais dans cette immense masse verte.

Bien plus tard, un prof d’histoire-géo, toujours en parlant de l’URSS nous détaillait ces pays en ‘stan’ « Je vous donne les noms, mais vous pouvez les oublier. Souvenez-vous juste qu’il y en avait beaucoup et qu’ils étaient situés plus ou moins au sud. Et moi, je m’étais obstinée à les noter scrupuleusement, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, Le Kazakhstan,… Comme si le fait de les graver dans ma mémoire leur permettait d’exister encore un petit peu.

Bien sûr, arrive Gorbatchev et sa Glasnost. Le mur tombe et, petit à petit, ces pièces de puzzle retrouvent une existence sur la nouvelle grande carte du monde du mur de la cuisine.

Non, ce n’est de loin pas mon premier voyage à l’Est, en revanche c’est mon premier « stan » que je me réjouis de découvrir dès demain.

Lorsqu’on demande à Wikipédia de classer les pays par taille, on trouve, en bonne place le Kazakhstan. Et lorsqu’on voit « Le Souffle », splendide long-métrage qui se déroule dans les plaines de l’Asie centrale, on ne peut que vouloir contempler cette autre sorte d’infini de nos propres yeux.

Voilà. J’espère que ça répond à cette question entendue des dizaines de fois ces dernières semaines : « Mais pourquoi diable le Kazakhstan ? »