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Les (dé) tours de Hanoï – 7 avril 2018

Visite de la ville de Hanoï.

Il y a un an, je m’inclinais devant les dépouilles de Kim-Il-Sung et Kim-Jung-Il à Pyongyang et je trouvais curieux qu’on impose cette visite aux touristes visitant la Corée du Nord. Bien sûr, même si nous respectons les us et coutumes des pays visités, un tel geste n’a évidemment pas la même portée pour nous que pour ceux qui sont nés dans le culte de leurs deux leaders.

En arrivant sur l’esplanade devant le mausolée d’Ho-Chi-Mihn, la guide nous dit que nous n’allons  pas y rentrer. Tout d’abord c’est le week-end et ça n’aurait pas de sens pour nous de faire la queue pendant des heures juste pour voir le corps de quelqu’un qui ne représente rien pour nous.

Pas faux.

Retour en arrière de quelques moi, lors de mon voyage au Kazakhstan. Lors de la visite du cosmodrome de Baïkonour, j’avais appris que l’URSS avait favorisé l’accès à l’espace de ses pays frères et que des cosmonautes de plusieurs pays communistes avaient pu ainsi se mettre la tête dans les étoiles. Ils étaient souvent accompagnés d’une délégation et de cadeaux de leurs pays. Le Vietnam avait offert un tableau peint avec une minutie extraordinaire. Un portrait. Je l’avais rapidement pris en photo avec mon téléphone, juste pour le souvenir, en étant consciente que cette image ne rendrait pas justice au portrait original.

Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai réalisé qu’il s’agissait vraisemblablement d’Ho-Chi-Mihn. J’ai retrouvé l’image dans mon téléphone et montré à la guide.

« C’est l’oncle Ho » s’est-elle exclamée.

Oui, il y avait vraiment de l’émotion dans sa voix, elle qui est si forte pour dissimuler toute trace d’impatience vis-à-vis de ces touristes qui posent quatre fois la même question, ou la colère vis-à-vis des autres à qui il faut répéter que oui, on se découvre et se déchausse pour entrer dans une pagode.

Et j’ai compris que ça devait être dérangeant de montrer la dépouille de l' »Oncle » à ceux qui ne sont même pas ses neveux.

 

Tout près du mausolée, une petite pagode au pilier unique célèbre une déesse de la fertilité.

 

Un même qui m’a toujours fait rire, c’est celui qui propose différentes méthodes de gestion des problèmes, suivant les pays. J’ai l’impression que la réponse apportée par le Vietnam, c’est l’étude.  Le Temple de la littérature Quoi Tu Giam en est un des symboles. Fondé en 1070, il a servi de lieu d’études jusqu’en 1915 ! Il est divisé en cinq cours intérieurs. Les portails principaux entre ces cours étaient réservés aux dignitaires, les petites gens empruntaient des portes accessoires.

Aujourd’hui lieu touristique, il est toujours très fréquenté par les jeunes, qu’il s’agisse d’enfants à qui on inculque l’importance de l’acquisition du savoir, ou par les étudiants qui viennent y chercher la chance pour les examens ou fêter l’obtention d’un diplôme.

Le musée d’ethnographie est aussi un incontournable de la ville pour qui veut en savoir plus sur le pays. De nombreuses explications sur les ethnies sont disponibles – aussi en français – et le parc qui entoure le musée, en plus d’être un beau lieu de promenade, contient des reconstitutions de maisons traditionnelles.

Si à Saint-Petersbourg j’avais craqué pour une promenade sur les canaux, à Marrakech pour la sortie en chameaux, ici j’ai tenté le pousse-pousse. Etre projeté ainsi au milieu de la circulation insensée de la capitale du Vietnam est une aventure en soi. Après un moment de gêne (oui, le monsieur tout maigre pédale pour moi), on se relaxe et on apprécie la balade.

Pour terminer une journée bien remplie, rien de tel qu’un spectacle de marionnettes sur l’eau me direz-vous, et vous aurez bien raison ! Art traditionnel, les marionnettistes sont à moitié dans l’eau et manoeuvre, grâce à un système de perches, diverses poupées en bois qui sous formes de tableaux relatent des scènes du folklore vietnamien. Des musiciens de part et d’autre de la scène accompagnent le spectacle. Ils sont sept, hommes et femmes, trois instruments à cordes, un vent, trois percussions (dont deux qui chantent également).

 

Dernière journée à Hanoï bien remplie. Demain, vol vers Ho-Chi-Mihn-Ville

Jour 7 – Samedi 28 – Turkestan – Otrar – Chimkent – Train de nuit

La matinée se passe à revoir, de jour, l’impressionnant complexe comprenant le Mausolée d’Ahmed Yasavi. On ne peut pas prendre de photos à l’intérieur, en partie pour éviter que les flashs des flasheurs fous n’abiment les inscriptions, en partie pour ne pas déranger les pèlerins, nombreux. Même s’il n’y a plus d’activité à proprement parler religieuse à l’intérieur du Mausolée, le fait qu’il soit considéré comme un lieu saint par une bonne partie de la population locale incite au respect du lieu.

Mausolée de jour

Plus loin, une ancienne mosquée. Encore plus loin, des bains publics, avec leurs diverses chambres à diverses températures.

Des champs entiers doivent encore être fouillés par les archéologues et cachent sans doute encore bien des trésors.

Nouvelle mosquée

Au loin, une mosquée récente rappelle de sa coupole et de ses couleurs l’ancien mausolée. Elle est  construite avec l’appui financier de la Turquie. C’est curieux, en juillet dans les Balkans, j’avais déjà entendu ça, en particulier en Albanie si ma mémoire est bonne.

Nous nous livrons, sur ce site, à une course contre la montre contre des centaines de touristes en grappes suivant des guides qui brandissent des drapeaux de diverses couleurs. Notre petit groupe de 5 guidé par Nazira slalome tant bien que mal, tentant de prendre de vitesse les autres, avantagés par notre nombre. On me souffle à l’oreille qu’ils débarquent de l’Orient Express. L’Orient Express ? Ça existe encore ? Il va falloir creuser ça, tant le nom à lui seul donne de nouvelles envies de départ.

Otrar

Trajet en bus jusqu’à Otrar, oui, le même nom que l’hôtel que j’occupais à Almaty. Nous y visitons un site de fouilles. Ici encore, c’est le paradis des archéologues. Des sacs d’or y sont régulièrement retrouvés. C’est là que mourut Tamerlan en 1405. L’endroit est désertique. Pas un brin d’ombre. La température peut y monter jusqu’à 45 degrés. Quelle bonne idée de voyager en octobre !

Encore un trajet en bus jusqu’à Chimkent, que nous ne faisons qu’apercevoir. Nous nous engouffrons dans un train de nuit pour Almaty.

A la gare comme à la gare

Luxe des wagons couchette. Je ne plaisante qu’à moitié. Le bruit du train et son bercement me font passer une excellente nuit. Notons qu’un Wifi donne accès à un intranet qui propose films, nouvelles et musique – mais bien sûr pas d’accès au reste du monde. Ça aurait été trop beau !

Jour 7 – dimanche (de Pâques) 16 avril – Juche 106 – Pyongyang – Mt Myohyang

Dimanche de Pâques. Là où les Chrétiens fêtent une résurrection, nous allons nous incliner devant des dépouilles. Des centaines de touristes et moult locaux, militaires, mais également civils qui arborent des médailles, récompenses pour avoir été des travailleurs exemplaires, se massent près de ce qui a été le palais du gouvernement de la Corée du Nord, avant d’être transformé en Mausolée pour Kim-Il-Sung en 1994. A sa mort en 2011, Kim-Jong-Il y rejoint son père.

Mausolée

On nous demande de nous habiller le mieux possible. Je suis de noir vêtue, comme souvent, ce qui convient aux « censeurs » et j’ai troqué mes baskets de marche pour de petites chaussures de ville, ce qui me vaut un regard reconnaissant de la jeune guide. Nous laissons toutes nos affaires dans le minibus, à l’exception des appareils photos uniquement utilisables dans le parc, à l’extérieur du palais.

Mausolée

Mausolée

Nous passons plusieurs contrôles, aussi sévères que dans un aéroport. Les appareils photo sont déposés dans une consigne et nous passons sous des portiques de détection de métaux. Les visages sont graves, tant de la part des visiteurs que des employés du Mausolée. Mademoiselle Ri nous demande de ne pas croiser les bras ou les mains. Un de mes compagnons de voyage fait remarquer que la guide d’un autre groupe est sans doute une mauvaise Coréenne ! Mademoiselle Ri nous répond qu’elle n’est qu’une stagiaire. Plus tard, je la vois remettre à l’ordre sa jeune collègue. Nous avançons sur un très long tapis roulant, dans un couloir qui nous emmène dans le Palais. Aux murs, des photos des Grands Leaders. Sur une d’entre elles, je remarque que Kim-Jong-Il a les bras croisés. Je résiste à l’envie de le faire remarquer à haute voix. Quelque chose me dit que l’endroit n’est pas propice à la plaisanterie. En face, le tapis roulant qui mène à la sortie est totalement vide. J’imagine un instant qu’il s’agit d’un voyage sans retour. Comme dans la chanson Hotel California, on y rentre, mais jamais on n’en ressort. L’explication est plus simple, nous sommes tout simplement parmi les premiers. De discrets hauts-parleurs diffusent une musique à la fois martiale et triste. Je demande s’il s’agit de l’hymne national. Non, c’est une chanson en l’honneur du Président Kim-Il-Sung. A l’intérieurs du Palais, je perds le sens de l’orientation. Il n’y a pas de fenêtre et après quelques détours, je serais incapable de me situer dans l’espace. Nous passons enfin dans une sorte de soufflerie, j’imagine destinée à ôter de nos cheveux et habits toute trace de poussière, nous entrons dans la salle du Mausolée lui-même. Au centre, le corps du Président, en costume est recouvert d’un drapeau nord-coréen. Il repose au milieu de cette pièce immense, sous un « coffre » de verre ou plexiglas, l’endroit est sombre, une lumière rouge tombe du plafond et la musique solennelle est plus présente. Des soldats gardent la pièce aussi immobiles que feu le président.

Nous défilons, petit groupe par petit groupe autour du corps et nous inclinons. A la sortie de la pièce, nous contemplons des vitrines dans lesquelles sont exposés les diplômes et récompenses officielles reçues par Kim-Il-Sung. Dans la salle suivante (ou était-ce la précédente ?), un wagon de chemin-de-fer (un wagon de-chemin-de-fer, oui), et, au mur, une carte du monde sur laquelle sont inscrits tous les voyages effectués par le Président, le nombre de pays visités, de kilomètres parcourus, leurs voitures officielles…

Puis, après un trajet dans les couloirs du Palais, même parcours – jusque à la soufflerie – pour le deuxième corps, celui de Kim-Jong-Il. Même décorum. Salle des récompenses, salle des voyages, wagon. Mademoiselle Ri nous dit que le Général est mort dans ce wagon. Je regarde la salle, le wagon…. je demande à notre guide comment on a réussi à placer un wagon dans un Palais. Elle me répond que la technique nord-coréenne est très avancée !

Un de mes compagnons de voyage, pas très bien réveillé, nous demande pourquoi on nous a fait passer deux fois exactement au même endroit. Il n’a pas remarqué qu’il s’agissait de deux personnes différentes reposant dans deux salles différentes, tant la mise en scène était semblable pour les deux. Mais tout de même, Kim père et Kim fils sont loin d’être jumeaux !!

A la fin de la « visite », nous récupérons les appareils photo et nous promenons dans le parc impeccablement entretenu. Notre guide nous désigne les deux ailes du bâtiment en précisant que le Président était dans l’aile droite alors que le Général reposait dans l’aile gauche. Bien obligé de la croire sur parole.

Egalement à l’extérieur de la ville, nous visitons le cimetière des martyrs de la révolution. A flanc de colline, une centaine de héros nationaux reposent, sous des bustes en bronze les représentant. Quatre dates figurent sur les pierres tombales : la naissance, l’entrée en résistance, l’adhésion au Parti, le décès. Une tombe, au sommet, est particulièrement fleurie et respectée : celle de la femme de Kim-Il-Sung, considérée comme la mère de la patrie. Même s’il s’agit d’un cimetière, le cadre, la jolie vue sur Pyongyang au loin, et le contraste avec l’ambiance du Mausolée donnent à cette promenade une atmosphère légère.

Cimetière des Martyrs

Cimetière des Martyrs

Nous rentrons en ville pour le repas de midi pris au restaurant chinois de l’Hôtel Yanggakdo, au restaurant Chinèse comme dit un des touristes français. J’ai quelques minutes d’avance sur eux et, comme j’entends que mes voisines de table sont francophones. Je me présente, elles sont Valaisannes, mère et fille, et sont arrivées trois jours après moi. Je suis tellement heureuse de pouvoir parler avec quelqu’un d’autre que mes guides ou mes compagnons français, que j’échange impressions et anecdotes. Lorsque les Français me rejoignent à table, ils monopolisent à nouveau – bien entendu – la conversation. J’ai quand même appris qu’Al Jazeera disait la vérité : Air China a bel et bien annulé ses vols directs sur Pyongyang. Elles auront donc droit à Air Koryo pour le retour. Enchantée par nos brefs échanges, j’espère les croiser à nouveau d’ici la fin du séjour. Ça ne sera pas le cas.

Nous nous arrêtons au centre-ville pour une escapade dans le métro de Pyongyang. Il est profond, la descente en escalator semble sans fin et me rappelle celle de St Petersbourg. Je demande au jeune guide stagiaire si le métro sert également d’abri en cas de guerre. Il me répond que oui puis, après avoir échangé quelques phrases avec Mademoiselle Ri, revient sur ses mots et me dit que non, il ne s’agit que d’un métro. Notre guide nous montre un plan : il y a deux lignes et une vingtaine de stations (de mémoire). Tout est propre, impeccable. Les Coréens peuvent y lire le journal local affiché dans la station. Nous entrons dans un wagon qui a dû connaître des jours meilleurs. Nous nous asseyons sous les portraits des deux Grands Leaders. Un des Français fait remarquer que le métro de Paris est beaucoup plus grand, que dans les wagons il y a des annonces vocales et des panneaux indicateurs. Mademoiselle Ri nous fait sortir à la station suivante. Je suis déçue et je ne comprends pas très bien car elle nous avait promis plusieurs stations. Nous attendons simplement le métro suivant et là je comprends : dans ce wagon-là, il y a également une annonce vocale et un panneau lumineux annonçant le parcours – dans tes dents, Paris !!

Metro de Pyongyang

Dans le wagon, je constate que le manspreading est (hélas) universel. Devant moi, une adolescente me dévisage. Je n’arrive pas à déchiffrer son expression. Curiosité ? Hostilité ? Au moment de me lever pour sortir du wagon, je lui décroche mon plus beau sourire – ouf, elle me le rend. Glace brisée !

Metro de Pyongyang

Metro de Pyongyang

Un peu agacée par le comportement de mes compagnons de voyage, je profite de longue remontée vers la surface pour échanger avec le jeune guide et lui en faire part. Comme pour me donner raison, l’un d’entre eux questionne Mademoiselle Ri sur le nombre de touristes étrangers à Pyongyang et, à peine donne-t-elle une réponse, qu’il dit « ah….. en France nous en avons 40 millions par an ». Monsieur Sin et moi ne pouvons pas dissimuler un éclat de rire. Mademoiselle Ri nous demande la raison de notre hilarité et je bafouille une vague explication comme quoi je me lamentais du manque de métros en Suisse. Je veux à tout prix éviter de déclencher une guerre helvético-française que devraient arbitrer de neutres guides nord-coréens. Le monde à l’envers !

Il faut dire qu’ils donnent de l’eau à mon moulin. Nous sortons à la place de l’Arc-de-Triomphe. Celui-ci est de quelques mètres plus grand que celui de Paris, mais, bien sûr, le Parisien est l’original et celui que le monde envie à la France, ce qui explique les multiples copies.

Arc de Triomphe

Plus tard, alors que Mademoiselle Ri veut parler du marathon de Pyongyang et de son vainqueur coréen. Le Français qui n’a entendu que le mot marathon pense qu’on parle de celui de Paris rétorque que non, c’est un Africain qui s’est imposé.

Nous reprenons le mini-bus pour partir vers le nord, dans la région des Monts Myohyang, région qu’appréciait beaucoup Kim-Il-Sung. Je sais, pour avoir repéré l’endroit sur une carte, que nous passerons non loin de Yongbyon, l’endroit où se développe le programme nucléaire nord-coréen. Je vais éviter d’aborder le sujet. L’autoroute me semble encore plus désert que les autres. Nous avons croisé 2 véhicules en 200 kilomètres.

Nous arrivons tôt à l’Hôtel Chongchon à Hyangsan. On nous informe que l’eau chaude est rationnée. Nous n’y aurons accès que deux heures le soir et le matin. C’est amplement suffisant. La chambre est curieuse. Le lit très dur, les prises électriques ne marchent pas. La télévision qui date du siècle dernier est en panne. Il fait 30 degrés et pas moyen d’éteindre le chauffage. L’air conditionné est hors service. Kim merci, j’arrive à ouvrir la fenêtre qui donne sur l’arrière de l’hôtel et les montagnes voisines. Quelle absurdité de ne pas pouvoir éteindre le chauffage et de n’avoir que ce moyen de baisser la température de la chambre alors que je connais les soucis d’approvisionnement en énergie du pays. Heureusement la bouilloire fonctionne. Je remercie Margareth, une voyageuse chevronnée croisée à Cuba dans une maison d’hôte et qui m’avait donné sa règle numéro un : ne jamais partir en voyage sans une collection de sachets de thé.

Paysage

Autoroute

Paysage

Paysage

Avant le repas à l’hôtel, j’aimerais pouvoir faire quelques pas dehors. Nous n’avons pas le droit de nous aventurer seuls dans le village. Je me console à l’idée de la petite promenade en montagne prévue pour le lendemain.

Nuit étouffante malgré la pluie. Au matin, la température a enfin atteint 22 degrés.

(à suivre)

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

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