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Katmandou – 14 et 15 octobre 2018 – Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Encore un voyage préparé avec amour (j’espère) et grand soin par Marlène, chez Globetrotter à Fribourg.

En route vers le Bhoutan, nous passons deux jours à Katmandou. En effet, il n’est pas possible de voler directement vers l’aéroport international de Paro. De toute façon, m’a-t-on jamais vu refuser une halte dans une destination originale ?

Pour moi, la capitale du Népal résonne encore du bruit des hippies venus y chercher l’illumination ou les paradis artificiels, à moins que ça ne soit les deux, à moins que les deux se confondent…

À l’aéroport, passage par des automates qui délivrent les demandes de visas, puis par la caisse, et enfin, par les officiels de l’immigration, donc beaucoup de temps pour observer les voyageurs en faisant les diverses queues. On distingue facilement les trekkers qui vont continuer sur l’Himalaya des autres touristes. Ils sont maigres, souvent grisonnants, ont de très beaux sacs à dos ainsi que des chaussures qui ont dû coûter presque autant que le prix du vol.

Le premier choc vient du trafic en sortant de l’aéroport ! Fou, bruyant, et… à gauche. Je ne sais combien de foi j’ai cru à la collision. Le deuxième, c’est la pollution. Je pensais avoir tout vu à Pékin mais j’ai bien plus souffert à Katmandou.

Deux jours à crapahuter, guidés par Bharat, (bon guide anglophone, je tiens son @gmail à votre disposition). Si vous n’aimez pas les temples, choisissez une autre destination. Si vous n’aimez pas la foule également. En revanche, si vous acceptez d’être ébloui, étonné, bousculé, il y a de quoi remplir quelques belles journées.

Nous visitons également Patan et Bhaktapur, deux villes tellement collées à la capitale que je n’ai pas vu la transition.

Dans la partie ancienne de la ville, vous trouverez des bâtiments en brique dont les portes, les fenêtres, sont en bois finement travaillés. Des ouvrages qui demandent une dextérité à peine imaginable ainsi qu’une patience d’ange. Durbar Square montre d’incroyables temples et est en même temps un lieu d’une infinie tristesse. Le tremblement de terre de 2015 a balafré la ville et détruit des trésors d’histoire et d’architecture. Tout se reconstruit ou se restaure lentement, avec l’aide de gouvernements étrangers ou organisations internationales, mais les dégâts infligés à ces bâtiments incroyables ne font que souligner ceux qui ont décimé la population.

Dans une ville où les systèmes d’égouts et d’eau courante sont rudimentaires, on imagine aisément le coût humain d’une telle catastrophe.

En plus de la circulation folle, en voiture, deux roues, ou à pied, on croise, se promenant librement, des vaches, animaux sacrés. D’autres bêtes n’ont pas la chance d’être bénies par l’hindouisme. Nous sommes en pleines festivités et c’est le temps des sacrifices. J’ai vu une chèvre à qui on allait trancher la tête… des poulets à qui on réservait le même sort, mais j’ai détourné la tête au moment fatal. Hypocrisie que de manger de la viande sans vouloir assister à la mise à mort ?

Un peu plus loin, j’assiste au partage de la carcasse d’un buffle. Autour, des chiens des rues attendent qu’on veuille bien leur laisser quelques bas morceaux.

Dans les quartiers les plus touristiques, on est assailli de vendeurs « good price, I made this bag myself, cheap price » qui ne semblent pas se contenter d’un « no, thank you ». Un peu plus loin, une jeune fille qui apprend l’anglais demande si elle peut se joindre à nous pour entendre les explications du guide. Encore plus loin, de faux moines en habits colorés proposent de se faire prendre en photo contre monnaie sonnante et trébuchante.

Dans un bâtiment ancien vit la Kumari. C’est une toute jeune fille, elle doit avoir entre cinq et sept ans, et vit au premier étage du Kumari Bahal, petit monastère bouddhiste aux extraordinaires gravures sur bois. On peut visiter la cour intérieure et voir la fenêtre par laquelle elle vient parfois observer et bénir du regard ses visiteurs. Elle est une déesse vivante qui est soigneusement choisie entre autre pour son caractère – elle ne doit pas être craintive – et reste enfermée dans son palais jusqu’à la fin de son « temps de service » à environ douze ans, âge à laquelle elle prend sa retraite et reçoit pour le reste de ses jours une pension de l’Etat.

Lorsqu’elle nous fait grâce de son regard, il est interdit de la photographier. Vous devrez me croire sur parole lorsque je vous dit qu’elle n’avait pas l’air particulièrement de bonne humeur.

Nous pouvons assistons à quelques démonstrations dans des boutiques soigneusement choisies par le guide (j’imagine qu’il touche son pourcentage) d’utilisation de bols chantants, de création de poterie, de choix de pashminas, de peinture de mandalas.

Les trois formes de temples sont la pagode, la forme de montagne et le dôme. C’est ce dernier qui m’a le plus impressionné, il faut dire qu’entre celui qui domine la vallée de Katmandou et celui qui offre une oasis de calme, blancheur et propreté, à quelques dizaines de mètres de l’enfer de la circulation, la ville est gâtée.

Un dernier passage près d’un temple très révéré des hindous, au bord de la rivière Bagmati. Celle-ci est sacrée et va se jeter, bien plus au sud, dans le Gange. Là, les hindous brûlent le corps de leurs défunts avant d’en confier les cendres à la rivière. Autour, des centaines de singes profitent du passage des touristes ou des fidèles pour récupérer un peu de nourriture.

A chaque repas, bien que des plats occidentaux soient proposés, j’ai choisi de la nourriture locale. Je connais donc le poulet au curry, le sanglier au curry, le tofu au curry, le mouton au curry… Je suis presque soulagée de ne rester que deux jours au Népal.

Blague à part, c’est très bon !

En deux jours, j’ai en même temps l’impression de n’avoir fait que survoler l’histoire millénaire de la ville et d’avoir été épuisée par celle-ci. Katmandou est un tourbillon.

Jour 8 – Lundi 17 avril – Juche 106 – Mt Myohyang – Pyongyang. Début du jour 9 – Mardi 18 avril Juche 106.

Poyon

Il pleut à verse. Nous nous dirigeons vers le temple de Poyon, merveille bâtie au temps de la dynastie Koryo, au XIeme siècle. Le cadre est à couper le souffle et j’aurais voulu m’y arrêter toute ma vie ou presque. Je devais être la seule de cet avis car nous traversons le site au pas de charge (la pluie, le vent, le fait que ce ne soit pas un monument à la gloire du régime, que sais-je ?). Dans le minibus, notre guide est inquiète. L’après-midi doit être consacré à une « promenade en montagne » mais le temps ne le permettra sans doute pas. Elle nous propose une alternative : concert symphonique ? Oh oui, m’écriai-je. Oh non ! Rétorque un de mes compagnons de voyage. Pas de concert donc. Je suggère la visite du Palais des Enfants ? C’est lundi, donc impossible. Retour à l’Hôtel de Pyongyang pour préparer nos bagages ? Mouais….. je ne vais pas passer 5 heures à fermer ma petite valise.

Mt Myohyang

Nous en sommes là de nos réflexions lorsque nous arrivons au « Salon d’exposition de l’amitié internationale », bâtiment imposant qui accueille les cadeaux offerts aux Grands Dirigeants sur trois générations. A chaque arrêt touristique, une guide locale nous accueille. C’est le cas ici également et je dois dire que celle qui nous est attribuée aujourd’hui est particulièrement remarquable. Non par sa beauté – qui est éclatante – ni par sa robe traditionnelle – c’est traditionnel – mais par sa ferveur et son sourire. Contrairement aux autres guides locales qui se contentaient de réciter une leçon bien apprise, celle-ci donnait l’impression de créer un réel contact humain et de vouloir nous envelopper dans l’Amour rayonnant du Juche et de Ses Prophètes.

Palais des cadeaux de l’amitié

Le bâtiment est impressionnant vu de l’extérieur, et encore plus de l’intérieur. Il est sans doute en partie creusé dans la roche. Les photos y sont interdites, hélas. Tout de marbre et de dorure, il comporte des centaines de pièces renfermant, dans des vitrines, les cadeaux les plus extraordinaires offerts au cours des ans à Kim I, Kim II et Kim III. Nous avons visité uniquement une partie de ceux destinés à Kim-Il-Sung. Les salles sont organisées par continent et ensuite par pays. Nous pouvions demander à voir un pays du monde quelconque – nous avons choisi l’Inde un peu au hasard, puis elle nous a menés dans les salles de la France et de la Suisse. Ça allait du beau vase en cristal offert par François Mitterand à la pièce d’or célébrant le 700ème anniversaire de la Confédération envoyé par Flavio Cotti. Plusieurs cadeaux ne mentionnaient pas le nom du donateur, simplement son titre. P.ex. Doyen des Sciences Sociales de la Faculté de *****. Il y avait également beaucoup de cadeaux d’entreprise. J’ai souri intérieurement en voyant un couteau Victorinox offert, si je ne m’abuse, par le Président de l’Association d’Amitié Suisse – Corée, un certain Martin L*. Je ne censure pas volontairement son nom, simplement je ne suis pas certaine de l’avoir compris correctement. Je ne maîtrise pas encore l’Allemand avec accent coréen. C’est une véritable caverne d’Ali Baba ! Nous passons devant des armes dorées, des tableaux, des peaux d’ours, présents de tout ce que la terre a compté de dictateurs ou présidents, avec une belle moissons de représentants de l’Europe de l’Est Ceaucescu, Honecker, Jaruselski, Brejnev, etc.

Myohyang

La pièce maitresse est un avion Ilyushin, cadeau de la Russie soviétique, ou peut-être un maillot des Harlem Globe Trotters offert par Dennis Rodman, ou la peau d’un ours tué par Tito ? (Je me perds dans les détails. Il serait amusant de posséder un inventaire complet).

Le principe de cette exposition est de montrer, non seulement que les dirigeants ou autres VIP du monde entier sont béats d’admiration devant les Kim au point de les couvrir de cadeaux, mais aussi que ces derniers sont tellement détachés des biens matériels et incorruptibles qu’ils ne les utilisent pas et les laissent à la disposition des yeux ébahis de leurs ouailles. En parlant d’ouailles, nous n’étions pas seuls, pour une fois, dans ce bâtiment, qui était visité par plusieurs classes de jeunes pionniers. Ceux-ci, en rang par deux ou trois, vêtus d’uniformes scolaires et arborant un foulard rouge à faire pâlir d’envie le Renaud de la belle époque parcouraient les couloirs et nous regardaient avec curiosité. Certains osaient même un petit geste de la main.

Là encore, j’aurais voulu pouvoir ramener des images.

À la fin de la visite, la guide locale m’a demandé si je souhaitais écrire quelque chose dans le livre d’or. Après mûre réflexion j’ai pondu une banalité du genre « Les présents offerts de bon coeur favorisent la paix et l’amitié ». Après traduction, elle a eu l’air un peu déçue, s’attendant sans doute à beaucoup plus s’enthousiasme de ma part. Comme depuis le début du voyage, j’étais partagée entre mon principe absolu de respecter les pays que je visite et leurs valeurs, leurs croyances, aussi absurdes puissent-elles me paraître, et ma ferme résolution de me pas cautionner le régime des Kim. Ça m’apprendra ! J’ai dû m’extasier un peu trop fort devant les aigles naturalisés, les vases Ming ou les Tour Eiffel miniatures.

Nous terminons la visite par la terrasse qui donne sur la vallée. Un paysage de montagne sous la pluie, très Wagnérien.

En parlant de musique, nous avons passé quasiment tous nos trajets à écouter le même DVD (il y avait un petit écran sur le tableau de bord, là où dans nos véhicules se trouverait l’écran du GPS. Comment diable le chauffeur peut-il conduire en regardant des clips videos ?) La musique était celle du groupe Moranbong, un ensemble entièrement féminin dont les membres ont été choisies par Kim-Jong-Un himself. Au bout de deux ou trois jours, j’avais l’impression de connaître par coeur les chansons. Le style, très pop, aurait sans doute beaucoup de succès à l’Eurovision. Je demande à M. Sin de quoi parle la chanson la plus « collante », celle qui, à mes oreilles fait « Kalimiraaaaa, Kalimiraaaa ». Il me répond qu’elle dit « Allons au Mont Paektu ». Le Mont Paektu est *la* montagne sacrée de la Corée du Nord, le point culminant de toute la péninsule, dont on voit des fresques un peu partout dans le pays. Je suis déçue, moi qui espérais qu’on allait me conter une histoire romantique. Je chantonne un autre air, également entraînant, et demande de quoi il parle. « C’est la chanson du drapeau du parti ». Raté encore !

Myohyang

Myohyang

Après le repas, la pluie a cessé, et comme je n’ai pas réussi à convaincre mes camarades d’aller écouter un concert symphonique, nous tentons de tenter la balade en montagne. Je suis Valaisanne, comme vous le savez, et donc, lorsqu’on me parle de montagne, je ne vais pas me laisser impressionner. Après quelques kilomètres de route, le minibus s’arrête non loin d’une chute d’eau. C’est là que commence le parcours. En guise de promenade en montagne, c’est une série interminable d’escaliers qui nous attend, certains normaux, quoiqu’inégaux, d’autres carrément taillés dans le roc. Autant dire que ce n’était pas drôle. Au bout d’une demie heure, je jette l’éponge. Les marches sont de plus en plus hautes et mes muscles refusent de me porter. Ma tête également dit que chaque marche montée devra être redescendue, et j’appréhende cet effort. En effet, j’ai beau être bien chaussée, lors de la descente, je me retrouve sur les fesses. Oui, la roche mouillée glisse. Pour atténuer mon humiliation, mes petits camarades et notre guide se retrouvent également plusieurs fois le postérieur au sol !

Escaliers

Quelle drôle d’idée que d’avoir taillé ces escaliers. N’y aurait-il pas eu moyen plutôt de faire un chemin ? L’endroit est très beau, nous longeons un torrent, mais l’effort est en effet décourageant sans entraînement préalable.

Pour la petite histoire, après trois jours, les courbatures n’étaient plus qu’un mauvais souvenir.

De retour au minibus, je demande à la guide ce que signifie ce drôle de panneau avec des chiffres (500 – 1000 – 2000). Mes camarades français me répondent qu’il s’agit de distance jusqu’aux cabanes en montagne. La guide qui a renoncé à apprendre quoi que ce soir à des personnes qui savent déjà tout me souffle à l’oreille que c’est le prix. Tarifs différenciés pour les enfants, étudiants ou adultes. La promenade est donc payante.

Pendant ce voyage, il m’aura été impossible d’avoir une idée du prix des choses. Tout était compris – à l’exception évidente des babioles ou autres souvenirs. Jamais nous n’avons eu à mettre la main à la poche pour un repas, une excursion, une entrée. Nous n’avons pas non plus eu accès à la monnaie locale, car dans chaque boutique nous payions en Dollars, Euros ou Yuans. Devançant notre curiosité, notre guide nous a offert à chacun un billet de 50 won. J’ai par ailleurs acquis dans une boutique, un livret sur la monnaie locale. Quelle drôle d’idée me direz-vous. L’attrait de ce qui est interdit sans doute. Et puisqu’on en est à parler d’argent, si vous vous rendez sur place, sachez que vous devrez prendre du cash avec vous car vous ne trouverez pas de distributeur (ATM) et que les cartes de crédit ne sont pas acceptées dans les commerces. Ceci est valable pour 2017. Si par le plus grand des hasards vous me lisez en 2025, ne prenez pas ce paragraphe pour argent (hem) comptant.

Fesses endolories, nous reprenons l’autoroute désert et cabossé pour Pyongyang.

Avenue de la science

Comme il n’est pas encore l’heure du repas, nous nous promenons à pied le long de l’avenue de la science. Il s’agit de bâtiments modernes. Mademoiselle Ri nous désigne le plus important « C’est là qu’habite mon professeur d’université ». L’architecture est spéciale, un peu comme on aurait pu imaginer le futur dans les années 1970. Oui, je sais, nous sommes dans le futur de 1970 !

Avant de retourner à l’hôtel, nous mangeons en ville. Comme il s’agit de notre dernier repas en Corée, j’ai demandé si les guides et le chauffeur pouvaient se joindre à nous. Je voulais avoir la possibilité d’échanger avec eux et peut-être d’en apprendre plus sur leur vie.

Nous avons trinqué avec un peu de vin de riz et j’ai eu l’occasion de remettre aux guides et au chauffeur un petit souvenir. La visite de l’exposition de l’amitié le matin même m’avait offert la meilleure introduction. « Ce matin, lors de la visite, j’ai vu que M. Martin L* avait offert un couteau suisse à votre Grand Leader, je vois que nous les Suisses ne sommes pas très originaux ». Ceux que je leur ai présenté – des Victorinox évidemment – avaient bien moins de lames, mais c’était de bon coeur. Il est difficile de savoir si ce cadeau a été apprécié car un de mes compagnons de voyage s’est empressé de dire « Chez nous, lorsqu’on offre un couteau…. etc etc etc ». Ce à quoi je n’ai pu que répondre que chez nous on offrait ce qu’on avait envie d’offrir et qu’on n’était pas superstitieux.

A plusieurs reprises ce soir-là, j’ai essayé d’amener la conversation sur un terrain plus personnel afin de connaître mieux nos hôtes, mais c’est diablement difficile, lorsque, à chaque question que vous posez à votre guide, un des touristes prend la parole pour répondre. En plus du manspreading, le mansplaining est universel. Là où ils n’ont rien pu dire, c’est lorsque j’ai demandé à Mademoiselle Ri ce que son fiancé faisait dans la vie. Elle a rougi et m’a dit qu’elle ne pouvait y répondre qu’à voix basse. HA ! De quoi aiguiser la curiosité ! De quoi imaginer le pire ou le meilleur. Gardien de camps de travail ? Cuisinier de Kim-Jong-Il ? Chanteur de Karaoke ? Ce n’est que quelques heures plus tard, dans le hall de l’Hôtel Yanggakdo que, marchant plusieurs mètres derrière les autres, je lui ai demandé « Alors, maintenant que nous sommes seules, pouvez-vous me dire le métier de votre fiancé ? » « C’est un secret, il est ******** ». Je respecte son voeux et garde son secret, même si je n’en comprends pas la nécessité, tant ce qu’elle m’a dit semble normal, dans quelque société que ce soit.

Le soir, j’ai bouclé ma valise avec difficulté, ayant cédé au chant des sirènes des boutiques de souvenirs (quatre livres de contes, un t-shirt, un drapeau, des babioles, des bonbons, etc). Le lendemain, notre guide se rendrait trois fois à l’aéroport. La première fois très tôt le matin pour un des Français et moi. La deuxième fois en fin de matinée pour l’autre Français, la troisième fois pour accueillir un couple dont elle serait guide pour la semaine à venir. C’est le moment de réaliser que la semaine de 35 heures ou même de 42 heures n’existe pas pour elle. Elle est sur pied de guerre du matin au soir et enchaîne les groupes de touristes. J’ai aussi appris qu’elle changeait chaque semaine de chauffeur et de co-guide. J’imagine qu’il s’agit d’une volonté du pouvoir. Il ne faut pas qu’une trop grande complicité s’installe entre guides afin qu’ils puissent continuer à se surveiller les uns les autres. Il faudrait bien voir qu’un ou l’autre succombe aux charmes occidentaux et décadents qui émanent des touristes.

À l’aéroport tout se déroule bien. Nous faisons nos adieux et passons les contrôles. Un jeune douanier regarde mon passeport et me dit « Switzerland, rich country ». Je lui réponds : « Yes, nice country. But your country is very nice too ». Je jure qu’il a rougi sous sa casquette ! Le pire, c’est que je le pense vraiment. La Corée est en même temps tragique et belle. Et je ne peux que souhaiter le meilleur à ses habitants.

Le vol pour Pékin se déroule sans encombre. Comme à l’aller, nous avons droit au merveilleux burger mystère d’Air Koryo. La tension internationale (Mike Pence est dans la péninsule pour remuer le bâton dans la fourmillière) fait que je serai heureuse lorsque les roues toucheront le sol de Pékin.

(à suivre)

Lien sur les deux chansons mentionnées dans le texte :
https://youtu.be/mA5Yi6k1Yn8
https://youtu.be/RtsOvW1RfS0

Jour 3 – 12 avril 2017 – Pyongyang – Kaesong

Réveil au doux son de hauts parleurs diffusant, loin dans la ville, de la musique militaire.

Après un petit-déjeuner à l’hotel Yangakkdo, nous partons pour ce qui est normalement la première étape de tout séjour en Corée du Nord : la colline de Mansudae et ses grand Leaders. À l’origine il n’y avait que la statue de Kim-Il-Sung. Celle de Kim-Jung-Il a été rajoutée. Avant de pouvoir prendre des photos, le groupe doit montrer son respect en apportant un bouquet de fleurs et en s’inclinant bien bas. Ensuite seulement, nous pouvons dégainer les caméras. Les guides veillent à ce que nous cadrions bien les respectés dirigeants en entier et de face. En repartant, nous croisons un groupe de soldats puis d’enfants venus à leur tour s’incliner devant les statues.

Enfants en route vers les statues des Grands Leaders

Kim-Il-Sung et Kim-Jong-Il

Visite au pas de charge du Musée de la Révolution. Une guide locale débite ses explications traduites au vol par notre guide attitrée. Aucune image n’est permise à l’intérieur. Nous sommes les seuls présents, comme si le Musée n’avait été ouvert que pour nous. Il en va de même pour le Musée de la philatélie dont les timbres proclament la gloire du pays, de son régime, de ses leaders, ainsi que, dans une moindre mesure, la beauté de la faune et de la flore locales.

Tour du Juche

Départ pour la Tour du Juche que nous avions pu admirer de loin la veille. A la base, moult plaques sont offertes par des admirateurs du monde entier. Nous payons 5 euros pour prendre l’ascenseur jusqu’au sommet. L’avantage de la vue depuis la tour, c’est que c’est le seul endroit de Pyongyang où on ne peut pas voir la tour du Juche.

Musée de la révolution

Le point de vue spectaculaire nous permet entre autre d’admirer l’hôtel Ryugyong qui domine le ciel de la ville, immense pyramide de 105 étages dont la construction a débuté dans les années 80 et a été interrompue à de multiples reprises faute de financement. La seule chose que nous avons pu obtenir de nos guides c’est qu’il est encore en construction. En regardant vers le bas nous apercevons comme une nappe rose, Il s’agit de figurants qui s’exercent pour la grande fête du soleil (le 15 avril). Ils forment des figures vues du ciel : le drapeau du parti ou celui de la Corée.

Depuis la tour du Juche

Après un repas dans un restaurant de Pyongyang où nous sommes les seuls clients, nous prenons la route en direction du sud et de la ville de Kaesong. L’autoroute commence sous l’Arche de la réunification où les statues symbolisant les deux Corées portent la silhouette du pays réunifié.

Arche de la réconciliation

L’autoroute…. ça a la largeur d’une autoroute, la longueur d’une autoroute, mais ça manque singulièrement de pistes. Ce qui permet au chauffeur de zigzaguer pour éviter les nids de poule. En effet, la chaussée est défoncée, ce qui rend très compliqué les prises de vues,… et la sieste. A plusieurs reprises, nous sommes arrêtés pour des contrôles. C’est la route qui mène au Sud, à l’autre Corée. En chemin, nous dépassons des vélos, même des piétons. A part quelques autres minibus de touristes ou véhicules militaires, il n’y a pas de circulation.

Le paysage est lunaire, le sol semble très sec même s’il est partout cultivé. Nous voyons des paysans dans les champs, quelques boeufs, un tracteur par ci par là, mais surtout des dos courbés vers le sol.

A l’arrivée à Kaesong, visite de la tombe du roi Kongmin et de la princesse Noguk (1365). Le jeune guide me dit (mais c’est un secret) qu’entre les deux tombeaux, il y a un trou qui permet aux défunts de communiquer l’un avec l’autre dans l’au-delà.

Gardien du tombeau de Kongmin

Tombeau du roi Kongming

Le soir, nous dormons dans un hôtel « folklorique » à Kaesong. Nous profitons d’une démonstration de fabrication de galettes de riz, puis d’un repas et d’une nuit à même le sol, ce qui a permis à mes compagnons de voyage de demander chaque soir à nos guides, pendant la suite du voyage, si nous allions *encore* devoir manger et dormir par terre. Précisions à toutes fins utiles que le repas était, comme chaque fois, absolument délicieux et que la nuit fut confortable. En revanche nous avons droit à un minuscule échantillon de ce que les Coréens du Nord doivent affronter au quotidien : plusieurs coupures de courant pendant la soirée et la nuit ainsi qu’un rationnement d’eau chaude. La vie semble plus compliquée une fois qu’on s’éloigne de la capitale.

Fabrication de galettes de riz

Repas à l’hôtel folklorique

Demain : visite de la zone militarisée.

(à suivre)