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Jour 4 – 13 avril 2017 – Kaesong – Pyongyang.

 

Après le petit-déjeuner à l’Hôtel « Folklorique », on se rend dans la montagne pour atteindre le temple bouddhiste Kwanumsa. En chemin (de terre, escarpé, tortueux), notre chauffeur se perd et nous nous retrouvons aux portes d’une base militaire. Il est tôt, le soldat dort debout dans sa guérite. Attention ! On ne photographie pas les soldats – surtout endormis – à quelques kilomètres de la frontière.

Ce temple bouddhiste érigé dès 970 est remarquablement bien conservé et restauré. Les guides nous font remarquer que, contrairement à Pyongyang entièrement détruite lors de la Guerre de Corée, la région proche du 38ème parallèle a été passablement épargnée. L’endroit, par son isolement sans doute, dégage une grande impression de sérénité. Sommes-nous vraiment à si proches de la frontière la mieux gardée au monde ?

Temple Kwanumsa

Temple Kwanumsa

Retour vers Kaesong et, en chemin, vision d’un autre monde. Au cours d’eau d’une rivière, des villageois font leur lessive. En ville, visite de Sungkiunkwan, anciennement la plus grande université de Corée sous la dynastie Koryo. Cet établissement est maintenant un musée, considéré comme trésor national. Dans ses alentours immédiats se trouve la nouvelle université, spécialisée dans les nanotechnologies, la biotechnologie et l’informatique.

Départ enfin pour un passage obligé de tout touriste qui visite la Corée : la DMZ ou zone démilitarisée. A un check point plus sévère que les autres, nous descendons de notre minibus, nous sommes contrôlés, avons droit à un briefing dans une salle où on nous montre, cartes à l’appui, la ligne démilitarisée et la partition de la Corée. Puis nous embarquons avec un soldat dans un autre véhicule.

Frontière – Corée du Sud

Les militaires, dans cette zone de quatre kilomètres (deux de part et d’autre de la frontière) n’ont pas le droit de porter une arme autre qu’un pistolet pour leur protection individuelle. En chemin, nous longeons des champs cultivés. La DMZ est peut-être démilitarisée, mais pas inhabitée.

Arrêt dans la salle des négociations et dans celle où le traité d’armistice a été signé. Au milieu des azalées et des forsythias en fleurs, j’avoue avoir de la peine à imaginer la tension qui y a pu y régner. Nous y apprenons que la Corée n’est qu’un pays pour deux gouvernements,

Table des négociations

que les deux parties de la Corée rêveraient de se réunir. Ce qui rend cette union impossible, c’est uniquement la faute des (méchants) (impérialistes) Etatsuniens.

Ici, je souhaite préciser que je ne rapporte en aucune manière l’opinion des Nord-Coréens en général, tout au plus celle de nos guides car ils sont les seuls avec qui j’ai pu avoir des conversations. Il aurait été facile de tout remettre en doute, de pointer du doigt la moindre contradiction, de rire ou de se moquer, mais à quoi bon ? Je n’aurais fait changer d’avis personne et au pire, ça aurait pu se révéler dangereux pour mes guides si ce n’est pour moi.

L’armistice a été signée par la Corée du Nord et la Chine d’un côté et l’ONU de l’autre. La Corée du Sud ne l’a jamais signé et les deux moitiés de pays sont, de fait, toujours en guerre.

Encore un petit trajet en bus et nous sommes maintenant à la frontière même, à 15 mètres de celle-ci, mon téléphone vibre et des dizaines de notifications s’affichent sur l’écran. J’ai capté un réseau du Sud. Le temps d’envoyer un message à la maison.

Six baraquements se font face, à cheval sur la ligne de démarcation. Les bleus sont ceux du Sud, les blancs ceux du Nord. Les soldats du Nord sont de sortie, ceux du Sud sont invisibles. Face à face, deux bâtiments rectangulaires accueillent les touristes. Nous montons sur la terrasse et pouvons enfin prendre autant d’images que nous le souhaitons, y compris, à notre grand étonnement, des soldats souriants qui assurent les visites.

Autoroute Pyongyang – Kaesong.

Un jour, peut-être, je visiterai la DMZ depuis le Sud et je prendrai l’image inverse. Le bâtiment du Nord vu de celui du Sud.

J’ai demandé aux guides où étaient les touristes du Sud et n’ai obtenu qu’un « pas là » avec un rire gêné. Je crois savoir qu’ils se concertent et harmonisent les heures auxquelles ils amènent « leurs » touristes afin qu’ils ne se croisent pas. Dommage, j’aurais bien aimé faire « coucou » à Mike Pence. Pour la petite histoire, il y est venu quatre jours après moi.

Que n’ai-je pas entendu sur cette DMZ, du mur construit par le Sud au mépris des conventions internationales, aux tunnels creusés par le Nord au mépris d’accords. Drapeaux géants de part et d’autre (j’en ai vus, de grands, mais pas de géants), propagande hurlée par des

Autoroute Pyongyang – Kaesong

haut-parleurs. A ce sujet, j’ai effectivement entendu au loin quelque chose d’approchant, sans, bien sûr, savoir ce qui se disait ou même de quel côté provenait le bruit. A ma question, la guide a tendu l’oreille puis m’a répondu « c’est la radio ». C’était donc la radio  J’ai aussi lu que la DMZ était couverte de mines. De ce que j’ai vu, elle était plutôt, dans la région de Kaesong, couverte de champs cultivés.

 

Retour en ville pour le repas – délicieux et copieux. A nouveau, dans le restaurant, nous ne trouvons que des touristes et leurs guides. Les guides parfois mangent à notre table, parfois à une autre table, parfois encore ils disparaissent et mangent vraisemblablement entre eux dans une autre salle. Aucune logique, aucune systématique dans le fait qu’ils se joignent à nous ou pas. J’ai apprécié de pouvoir parfois partager leur repas ce qui me permettait d’échapper un peu au cours d’histoire et de géographie sur les grandeurs et réalisations de la France. Le restaurant se situait sur une avenue traversant la ville, au pied d’une colline sur laquelle se trouvaient, comme dans chaque localité visitée, les statues des deux Grands Leaders.

Temple Songbul

A ce moment du voyage, je commence à comprendre que le « parti », le « système », le « Juche » est semblable à une religion et que les Kims sont de vrais dieux. Chez eux, tout le monde est croyant, tout le monde est « Kimiste », tout le monde est un fanatique, si ce n’est au fond de son coeur, au moins en apparence. Il faut dire que chaque Nord-Coréen porte sur son coeur un pins à l’image de Kim I oui Kim II, parfois les deux.

 

Le jeune guide m’a dit, comme en confidence, lors du trajet en bus, « Vous savez, nous aimons *vraiment* *beaucoup* le maréchal Kim-Jung-Un ». Je n’ai pas su que faire de cette affirmation. Tout d’abord il m’est venu à l’idée que, quelle que soit mon orientation politique, il ne me viendrait jamais à l’idée de dire « Vous savez, nous aimons vraiment beaucoup Doris Leuthard ou Johann Schneider-Amman ». Tout au plus nous les apprécions, admirons, ou pas. Mais à aucun moment je ne pourrais dire « Les Suisses aiment vraiment beaucoup leur président(e) ». Est-ce que c’était une mise en garde « Attention, on ne dit pas de mal de notre Dieu vivant sous peine de représailles » ? ou une demande « Si vous en dites du mal, vous nous briserez le coeur » ? Je ne saurai jamais. Mais ce moment, cette quasi confidence, me trotte dans la tête.

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons au temple de Songbul avec son moine si souriant. Que j’apprécie ces visites sans propagande autre que « ce temple a miraculeusement survécu aux destructions des guerres que se sont abattues sur notre pays » et « le régime finance la restauration et la préservation de ce lieu » avec l’aide des visiteurs invités à laisser quelqu’argent. Ces temples perdus dans la

Temple Songbul

nature sont par ailleurs exempts des boutiques où les touristes achètent moult cartes de propagandes ou autres livres réunissant les pensées profondes d’un ou l’autre Kim.

Retour à Pyongyang par le bus, sur cet autoroute gigantesque, désert, cahotique. Arrêt d’une vingtaine de minutes à un « restoroute », petite structure avec WC, places de parc et stand où on peut acheter nourriture et boisson. Ici encore, uniquement des bus et minibus de touristes et leurs chauffeurs – guides. Et ce n’est pas tout, je réalise que je vois souvent les mêmes têtes. J’ai un peu l’impression de me retrouver dans un Truman Show géant.

Hotel Yanggakdo, Pyongyang

Après un repas à Pyongyang, nous retournons à l’Hôtel Yanggakdo où nous poserons nos valises pour quelques nuits. Alors que l’hôtel fait 47 étages et donc un nombre important de chambres, on nous attribue les mêmes que lors de la première nuit. Ce n’est pas pour me déplaire, la mienne a une belle vue sur le fleuve. Je me branche sur Al Jazeera et apprends que les tensions sont grandes dans la péninsule Coréenne et que le monde redoute un tir de missile ou un essai nucléaire de la part du Maréchal Kim-Jung-Un, celui que « nous aimons beaucoup ».

Pyongyang la nuit

Jour 3 – 12 avril 2017 – Pyongyang – Kaesong

Réveil au doux son de hauts parleurs diffusant, loin dans la ville, de la musique militaire.

Après un petit-déjeuner à l’hotel Yangakkdo, nous partons pour ce qui est normalement la première étape de tout séjour en Corée du Nord : la colline de Mansudae et ses grand Leaders. À l’origine il n’y avait que la statue de Kim-Il-Sung. Celle de Kim-Jung-Il a été rajoutée. Avant de pouvoir prendre des photos, le groupe doit montrer son respect en apportant un bouquet de fleurs et en s’inclinant bien bas. Ensuite seulement, nous pouvons dégainer les caméras. Les guides veillent à ce que nous cadrions bien les respectés dirigeants en entier et de face. En repartant, nous croisons un groupe de soldats puis d’enfants venus à leur tour s’incliner devant les statues.

Enfants en route vers les statues des Grands Leaders

Kim-Il-Sung et Kim-Jong-Il

Visite au pas de charge du Musée de la Révolution. Une guide locale débite ses explications traduites au vol par notre guide attitrée. Aucune image n’est permise à l’intérieur. Nous sommes les seuls présents, comme si le Musée n’avait été ouvert que pour nous. Il en va de même pour le Musée de la philatélie dont les timbres proclament la gloire du pays, de son régime, de ses leaders, ainsi que, dans une moindre mesure, la beauté de la faune et de la flore locales.

Tour du Juche

Départ pour la Tour du Juche que nous avions pu admirer de loin la veille. A la base, moult plaques sont offertes par des admirateurs du monde entier. Nous payons 5 euros pour prendre l’ascenseur jusqu’au sommet. L’avantage de la vue depuis la tour, c’est que c’est le seul endroit de Pyongyang où on ne peut pas voir la tour du Juche.

Musée de la révolution

Le point de vue spectaculaire nous permet entre autre d’admirer l’hôtel Ryugyong qui domine le ciel de la ville, immense pyramide de 105 étages dont la construction a débuté dans les années 80 et a été interrompue à de multiples reprises faute de financement. La seule chose que nous avons pu obtenir de nos guides c’est qu’il est encore en construction. En regardant vers le bas nous apercevons comme une nappe rose, Il s’agit de figurants qui s’exercent pour la grande fête du soleil (le 15 avril). Ils forment des figures vues du ciel : le drapeau du parti ou celui de la Corée.

Depuis la tour du Juche

Après un repas dans un restaurant de Pyongyang où nous sommes les seuls clients, nous prenons la route en direction du sud et de la ville de Kaesong. L’autoroute commence sous l’Arche de la réunification où les statues symbolisant les deux Corées portent la silhouette du pays réunifié.

Arche de la réconciliation

L’autoroute…. ça a la largeur d’une autoroute, la longueur d’une autoroute, mais ça manque singulièrement de pistes. Ce qui permet au chauffeur de zigzaguer pour éviter les nids de poule. En effet, la chaussée est défoncée, ce qui rend très compliqué les prises de vues,… et la sieste. A plusieurs reprises, nous sommes arrêtés pour des contrôles. C’est la route qui mène au Sud, à l’autre Corée. En chemin, nous dépassons des vélos, même des piétons. A part quelques autres minibus de touristes ou véhicules militaires, il n’y a pas de circulation.

Le paysage est lunaire, le sol semble très sec même s’il est partout cultivé. Nous voyons des paysans dans les champs, quelques boeufs, un tracteur par ci par là, mais surtout des dos courbés vers le sol.

A l’arrivée à Kaesong, visite de la tombe du roi Kongmin et de la princesse Noguk (1365). Le jeune guide me dit (mais c’est un secret) qu’entre les deux tombeaux, il y a un trou qui permet aux défunts de communiquer l’un avec l’autre dans l’au-delà.

Gardien du tombeau de Kongmin

Tombeau du roi Kongming

Le soir, nous dormons dans un hôtel « folklorique » à Kaesong. Nous profitons d’une démonstration de fabrication de galettes de riz, puis d’un repas et d’une nuit à même le sol, ce qui a permis à mes compagnons de voyage de demander chaque soir à nos guides, pendant la suite du voyage, si nous allions *encore* devoir manger et dormir par terre. Précisions à toutes fins utiles que le repas était, comme chaque fois, absolument délicieux et que la nuit fut confortable. En revanche nous avons droit à un minuscule échantillon de ce que les Coréens du Nord doivent affronter au quotidien : plusieurs coupures de courant pendant la soirée et la nuit ainsi qu’un rationnement d’eau chaude. La vie semble plus compliquée une fois qu’on s’éloigne de la capitale.

Fabrication de galettes de riz

Repas à l’hôtel folklorique

Demain : visite de la zone militarisée.

(à suivre)