Lorsque j’entre dans ma chambre d’hôtel, il fait sombre. Comme si souvent, il faut introduire la carte dans son emplacement pour que l’électricité fonctionne. En même temps, la télé se met en marche sur une page d’accueil avec les informations principales – heures du petit déj, etc – avec un swing léger en fond sonore. Je suis à l’étage Louis Armstrong. Je me demande si on a droit à de la pop sucrée aux étages Madonna ou Gaga. C’est donc sur un air de Duke ou avec la voix de Sassy en fond sonore que j’écris ces mots.
Décoré sur le thème de la musique et situé près de la vieille ville, c’est à nouveau un choix heureux.
Vilnius a des côtés sombres. De 200’000, la population juive a fondu pendant la deuxième guerre mondiale. D’abord enfermée dans des ghettos, puis exterminée dans les forêts entourant la ville à la fin de la guerre, il ne restait que quelques milliers de Juifs en 1945. Maintenant on se promène dans des quartiers aux rues étroites, pavées, aux couleurs pastel et quelques plaques commémoratives rappellent les heures noires.
Si la plupart des synagogues ont disparu, on trouve encore de nombreuses églises qui, désacralisées pendant la période soviétique, ont pour la plupart retrouvé leur vocation première. L’Eglise catholique lituanienne est en ébullition, le Pape François doit venir en visite en septembre prochain.
Le cœur de Vilnius, dans un méandre de la rivière Vilnia, est le quartier d’Uzupis, que dis-je le quartier, c’est la République d’Uzupis. Après le démentèlement de l’URSS, cette partie de la ville est envahie par des artistes qui y trouvent de la place pour y installer leurs ateliers et y vivre, à proximité du centre et de l’académie des beaux-arts.
Comme tout pays qui se respecte, Uzupis s’est dotée d’une constitution. Celle-ci compte 41 points :
- L’Homme a le droit de vivre près de la petite rivière Vilnalé et la Vilnalé a le droit de couler près de l’Homme
- L’Homme a le droit à l’eau chaude, au chauffage durant les mois d’hiver et à un toit de tuiles
- L’Homme a le droit de mourir, mais ce n’est pas un devoir
- L’Homme a le droit de faire des erreur
- L’Homme a le droit d’être unique
- L’Homme a le droit d’aimer
- L’Homme a le droit de ne pas être aimé, mais pas nécessairement
- L’Homme a le droit de n’être ni remarquable ni célèbre
- L’Homme a le droit de paresser ou de ne rien faire du tout
- L’Homme a le droit d’aimer le chat et de le protéger
- L’Homme a le droit de prendre soin du chien jusqu’à ce que la mort les sépare.
- Le chien a le droit d’être chien
- Le chat a le droit de ne pas aimer son maitre mais doit le soutenir dans les moments difficiles
- L’Homme a le droit, parfois de ne pas savoir qu’il a des devoirs
- L’Homme a le droit de douter, mais ce n’est pas obligé
- L’Homme a le droit d’être heureux
- L’Homme a le droit d’être malheureux
- L’Homme a le droit de se taire
- L’Homme a le droit de croire
- L’Homme n’a pas le droit d’être violent
- L’Homme a le droit d’apprécier sa propre petitesse et sa grandeur
- L’Homme n’a pas le droit d’avoir des vues sur l’éternité
- L’Homme a le droit de comprendre
- L’Homme a le droit de ne rien comprendre du tout
- L’Homme a le droit d’être d’une nationalité différente
- L’Homme a le droit de fêter ou de ne pas fêter son anniversaire
- L’Homme devrait se souvenir de son nom
- L’Homme peut partager ce qu’il possède
- L’Homme ne peut pas partager ce qu’il ne possède pas
- L’Homme a le droit d’avoir des frères, des sœurs et des parents
- L’Homme peut être indépendant
- L’Homme est responsable de sa Liberté
- L’Homme a le droit de pleurer
- L’Homme a le droit d’être incompris
- L’Homme n’a pas le droit d’en rendre un autre coupable
- L’Homme a le droit d’être un individu
- L’Homme a le droit de n’avoir aucun droit
- L’Homme a le droit de ne pas avoir peur
- Ne conquiers pas
- Ne te protège pas
- N’abandonne jamais
Etonnant non ?
Tout ça fleure bon l’utopie… mais on y respire bien. En plus de tremper vos pieds dans la Vilnia et de boire un verre au bistrot qui sert de parlement, vous pourrez vous arrêter sur la place du Tibet – une des rares au monde, la pression du gouvernement chinois est passée par là, vous admirerez l’ange, symbole de la république au pied duquel coule, tous les 1eravril, jour de fête nationale, une fontaine à bière.
La guide à qui j’ai parlé (oui, j’ai cédé encore une fois à l’appel des Freetours), me confie qu’il fait vraiment bon vivre à Vilnius quelques mois par année. Dès que le temps se couvre et que la température se fait moins clémente, les visages se ferment et une drôle de morosité s’empare des Lituaniens. Le pays tend à se dépeupler, les jeunes préférant s’expatrier tant les salaires sont déprimants et ne permettent que difficilement de vivre de son travail.
Elle m’a aussi dit qu’il ne fallait pas quitter Vilnius sans avoir goût aux « Cepelinai » ou Zeppelins. Je vous laisse consulter l’article Wikipedia . Sachez seulement que si on vous vend ça comme entrée, on vous ment ! Vous ne pourrez plus rien avaler après !