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Prendre des risques – Vietnam Jour 1 – 4 avril 2018

La genèse de ce voyage remonte à l’automne 2017. Un site de vente en ligne que je parcours d’un œil distrait fête ses 10 ans. Et là, sur la page, je vois 10 jours au Vietnam avec 4 jours au Cambodge en prolongation possible pour un prix ma foi très attractif.

Je contrôle les dates : ça peut coller à mes vacances scolaires.

Je contrôle les prix : oui, vols compris, c’est vraiment une belle offre.

Mais voilà, le Vietnam, ce n’est pas mon grand amour, c’est celui de ma fille. Alors je vérifie que les dates puissent coller à ses vacances et je prends un duopack !

J’avais déjà passé commande auprès de ce site, jamais déçue, jamais d’arnaque. Délestée de quelques milliers de francs, je vais pouvoir gratter le Vietnam et le Cambodge de ma carte du monde.

Mais voilà, j’appréhende un peu. Je voyage seule. Parfois je rejoins des petits groupes, jamais plus de 12 personnes comme à Cuba, voire même des tous petits groupes comme pour la Corée du Nord. Là, ça va être un voyage « accompagné » dans un groupe de francophones dont j’ignore la taille et je crains un peu l’effet « 50 touristes descendent de l’autocar, prennent la photole selfie, remontent dans le car, et s’en vont. »

Je fais part de ce souci à ma fille qui connaît ma crainte des voyages en groupes – particulièrement les groupes francophones – depuis mes aventures à Pyongyang. Bah, s’ils sont trop pénibles, on visitera de notre côté. Les trajets et hôtels sont réservés, les visas sont dans les passeports et j’ai assez roulé ma bosse pour n’avoir pas peur de visiter sans guide. Comment ça ? Avec une petite ? Bon, bon, la petite est plus grande que moi – pas difficile – majeure, et vaccinée, et de plus, c’est une championne de Vietnamien sur Duolingo !

On rit en douce à l’approche du voyage en apprenant que les grèves vont paralyser la France. Peut-être que nos compagnons de voyage n’arriveront pas jusqu’à l’aéroport et que nous aurons la guide pour nous seules.

Après un long voyage, deux fois 6 heures avec escale de quatre heures à Dubaï en milieu de nuit, on découvre que j’avais tort. Ils sont là. Ils ont vaincu les grèves et ont pris l’avion. En tout cas pour une partie d’entre eux. La guide nous apprend qu’un autre groupe viendra du Canada et nous rejoindra plus tard dans la soirée. Avec un peu de chance, les Français nous prendront pour des Québécoises et inversement.

Mortes de fatigue nous nous effondrons dans les lits du Pullman. Demain, il sera tôt lorsque nous partirons pour la Baie d’Halong.

Pendant le trajet, j’ai voulu lors de notre escale à Dubaï, montrer à Chloé le luxe et confort des Lounges d’Aéroports. Mouais, celle à laquelle nous avons eu accès était archi pleine, notre voisin avait enlevé ses chaussures et posé ses pieds nus sur la table, et il n’y avait pas de prise électrique pour recharger les portables. Le luxe n’est plus ce qu’il était !

Pas de belles vues du pays pour l’instant. A défaut, le lobby de l’hôtel.

Jour 10 – Mardi 31 octobre – Retour au bercail

Si le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, j’en réclame une part. Il est cinq heures, l’aéroport grouille déjà. La serveuse du bar à café dort debout. Turkish Airlines fait bien les choses et le vol jusqu’à Istanbul se déroule sans accroc.

Lee** est dans le même avion. Ça tombe bien, c’est le voyageur dont je me sens le plus proche. Photographe amateur, ses clichés sont meilleurs que les miens (grr) et je vais le suivre attentivement sur Facebook !

C’est drôle, souvent en l’observant, je me vois. On choisit d’instinct plus ou moins les mêmes angles d’approche, mais il est plus rapide, plus décidé. Comme moi, il tend à doubler les clichés (boitier pro + image faite à l’iPhone) mais ses images sont meilleures. Il doit être juste un peu plus exigeant au niveau du cadrage et de la composition.

Nous avons comparé nos cartes de voyage. Il a déjà visité bien plus de 100 pays alors qu’il est plus jeune que moi de quelques années. Bon… il n’a pas encore mis les pieds ni en Finlande ni en Corée du Nord (hé hé… avec celui-là j’épate beaucoup de monde). C’est un des voyageurs les plus impressionnants que j’ai croisés à ce jour. Il a mis la Géorgie et l’Azerbaïdjan sur ma liste des priorités (d’un autre côté, quel pays n’y figure pas encore ?).

Au fil des voyages, je me retrouve à suivre via les réseaux sociaux, des personnes dont l’envie de voir le monde est semblable à la mienne…  Il est drôle aussi de « copier » leurs clichés, ou même de voir qu’ils « copient » les miens à quelques mois d’écart – Je me souviens d’une plante que j’ai vue en pleine forme en juillet et qui s’est retrouvée fanée sur l’image de Catherine** en octobre, à Kotor.

Que le temps est long lorsqu’on attend dans un aéroport. Une fois les Duty Free dévalisés (miam, des Loukoums) et le Starbucks visité, que faire ? Attraper des Pokémons ? Fait. Et nom d’un petit bonhomme, que c’est grouillant, Atatürk le lundi, avec ou sans Bécaud.

Oui, j’envie ceux qui peuvent se réfugier dans un Lounge où tout n’est qu’ordre, beauté, luxe, calme, volupté, wifi, prises électriques, bouteilles d’eau sans avoir à faire la queue pendant vingt minutes. Il serait faux de dire que je donnerais cher pour y avoir accès… J’aimerais juste une fois faire cette expérience.

Petit Airbus qui a connu des jours meilleurs pour rentrer à Zürich. Espoir d’attraper le train de 18, celui qui me ramènera au bercail sans devoir changer à Berne.

** Prénoms authentiques

Jour 7 – dimanche (de Pâques) 16 avril – Juche 106 – Pyongyang – Mt Myohyang

Dimanche de Pâques. Là où les Chrétiens fêtent une résurrection, nous allons nous incliner devant des dépouilles. Des centaines de touristes et moult locaux, militaires, mais également civils qui arborent des médailles, récompenses pour avoir été des travailleurs exemplaires, se massent près de ce qui a été le palais du gouvernement de la Corée du Nord, avant d’être transformé en Mausolée pour Kim-Il-Sung en 1994. A sa mort en 2011, Kim-Jong-Il y rejoint son père.

Mausolée

On nous demande de nous habiller le mieux possible. Je suis de noir vêtue, comme souvent, ce qui convient aux « censeurs » et j’ai troqué mes baskets de marche pour de petites chaussures de ville, ce qui me vaut un regard reconnaissant de la jeune guide. Nous laissons toutes nos affaires dans le minibus, à l’exception des appareils photos uniquement utilisables dans le parc, à l’extérieur du palais.

Mausolée

Mausolée

Nous passons plusieurs contrôles, aussi sévères que dans un aéroport. Les appareils photo sont déposés dans une consigne et nous passons sous des portiques de détection de métaux. Les visages sont graves, tant de la part des visiteurs que des employés du Mausolée. Mademoiselle Ri nous demande de ne pas croiser les bras ou les mains. Un de mes compagnons de voyage fait remarquer que la guide d’un autre groupe est sans doute une mauvaise Coréenne ! Mademoiselle Ri nous répond qu’elle n’est qu’une stagiaire. Plus tard, je la vois remettre à l’ordre sa jeune collègue. Nous avançons sur un très long tapis roulant, dans un couloir qui nous emmène dans le Palais. Aux murs, des photos des Grands Leaders. Sur une d’entre elles, je remarque que Kim-Jong-Il a les bras croisés. Je résiste à l’envie de le faire remarquer à haute voix. Quelque chose me dit que l’endroit n’est pas propice à la plaisanterie. En face, le tapis roulant qui mène à la sortie est totalement vide. J’imagine un instant qu’il s’agit d’un voyage sans retour. Comme dans la chanson Hotel California, on y rentre, mais jamais on n’en ressort. L’explication est plus simple, nous sommes tout simplement parmi les premiers. De discrets hauts-parleurs diffusent une musique à la fois martiale et triste. Je demande s’il s’agit de l’hymne national. Non, c’est une chanson en l’honneur du Président Kim-Il-Sung. A l’intérieurs du Palais, je perds le sens de l’orientation. Il n’y a pas de fenêtre et après quelques détours, je serais incapable de me situer dans l’espace. Nous passons enfin dans une sorte de soufflerie, j’imagine destinée à ôter de nos cheveux et habits toute trace de poussière, nous entrons dans la salle du Mausolée lui-même. Au centre, le corps du Président, en costume est recouvert d’un drapeau nord-coréen. Il repose au milieu de cette pièce immense, sous un « coffre » de verre ou plexiglas, l’endroit est sombre, une lumière rouge tombe du plafond et la musique solennelle est plus présente. Des soldats gardent la pièce aussi immobiles que feu le président.

Nous défilons, petit groupe par petit groupe autour du corps et nous inclinons. A la sortie de la pièce, nous contemplons des vitrines dans lesquelles sont exposés les diplômes et récompenses officielles reçues par Kim-Il-Sung. Dans la salle suivante (ou était-ce la précédente ?), un wagon de chemin-de-fer (un wagon de-chemin-de-fer, oui), et, au mur, une carte du monde sur laquelle sont inscrits tous les voyages effectués par le Président, le nombre de pays visités, de kilomètres parcourus, leurs voitures officielles…

Puis, après un trajet dans les couloirs du Palais, même parcours – jusque à la soufflerie – pour le deuxième corps, celui de Kim-Jong-Il. Même décorum. Salle des récompenses, salle des voyages, wagon. Mademoiselle Ri nous dit que le Général est mort dans ce wagon. Je regarde la salle, le wagon…. je demande à notre guide comment on a réussi à placer un wagon dans un Palais. Elle me répond que la technique nord-coréenne est très avancée !

Un de mes compagnons de voyage, pas très bien réveillé, nous demande pourquoi on nous a fait passer deux fois exactement au même endroit. Il n’a pas remarqué qu’il s’agissait de deux personnes différentes reposant dans deux salles différentes, tant la mise en scène était semblable pour les deux. Mais tout de même, Kim père et Kim fils sont loin d’être jumeaux !!

A la fin de la « visite », nous récupérons les appareils photo et nous promenons dans le parc impeccablement entretenu. Notre guide nous désigne les deux ailes du bâtiment en précisant que le Président était dans l’aile droite alors que le Général reposait dans l’aile gauche. Bien obligé de la croire sur parole.

Egalement à l’extérieur de la ville, nous visitons le cimetière des martyrs de la révolution. A flanc de colline, une centaine de héros nationaux reposent, sous des bustes en bronze les représentant. Quatre dates figurent sur les pierres tombales : la naissance, l’entrée en résistance, l’adhésion au Parti, le décès. Une tombe, au sommet, est particulièrement fleurie et respectée : celle de la femme de Kim-Il-Sung, considérée comme la mère de la patrie. Même s’il s’agit d’un cimetière, le cadre, la jolie vue sur Pyongyang au loin, et le contraste avec l’ambiance du Mausolée donnent à cette promenade une atmosphère légère.

Cimetière des Martyrs

Cimetière des Martyrs

Nous rentrons en ville pour le repas de midi pris au restaurant chinois de l’Hôtel Yanggakdo, au restaurant Chinèse comme dit un des touristes français. J’ai quelques minutes d’avance sur eux et, comme j’entends que mes voisines de table sont francophones. Je me présente, elles sont Valaisannes, mère et fille, et sont arrivées trois jours après moi. Je suis tellement heureuse de pouvoir parler avec quelqu’un d’autre que mes guides ou mes compagnons français, que j’échange impressions et anecdotes. Lorsque les Français me rejoignent à table, ils monopolisent à nouveau – bien entendu – la conversation. J’ai quand même appris qu’Al Jazeera disait la vérité : Air China a bel et bien annulé ses vols directs sur Pyongyang. Elles auront donc droit à Air Koryo pour le retour. Enchantée par nos brefs échanges, j’espère les croiser à nouveau d’ici la fin du séjour. Ça ne sera pas le cas.

Nous nous arrêtons au centre-ville pour une escapade dans le métro de Pyongyang. Il est profond, la descente en escalator semble sans fin et me rappelle celle de St Petersbourg. Je demande au jeune guide stagiaire si le métro sert également d’abri en cas de guerre. Il me répond que oui puis, après avoir échangé quelques phrases avec Mademoiselle Ri, revient sur ses mots et me dit que non, il ne s’agit que d’un métro. Notre guide nous montre un plan : il y a deux lignes et une vingtaine de stations (de mémoire). Tout est propre, impeccable. Les Coréens peuvent y lire le journal local affiché dans la station. Nous entrons dans un wagon qui a dû connaître des jours meilleurs. Nous nous asseyons sous les portraits des deux Grands Leaders. Un des Français fait remarquer que le métro de Paris est beaucoup plus grand, que dans les wagons il y a des annonces vocales et des panneaux indicateurs. Mademoiselle Ri nous fait sortir à la station suivante. Je suis déçue et je ne comprends pas très bien car elle nous avait promis plusieurs stations. Nous attendons simplement le métro suivant et là je comprends : dans ce wagon-là, il y a également une annonce vocale et un panneau lumineux annonçant le parcours – dans tes dents, Paris !!

Metro de Pyongyang

Dans le wagon, je constate que le manspreading est (hélas) universel. Devant moi, une adolescente me dévisage. Je n’arrive pas à déchiffrer son expression. Curiosité ? Hostilité ? Au moment de me lever pour sortir du wagon, je lui décroche mon plus beau sourire – ouf, elle me le rend. Glace brisée !

Metro de Pyongyang

Metro de Pyongyang

Un peu agacée par le comportement de mes compagnons de voyage, je profite de longue remontée vers la surface pour échanger avec le jeune guide et lui en faire part. Comme pour me donner raison, l’un d’entre eux questionne Mademoiselle Ri sur le nombre de touristes étrangers à Pyongyang et, à peine donne-t-elle une réponse, qu’il dit « ah….. en France nous en avons 40 millions par an ». Monsieur Sin et moi ne pouvons pas dissimuler un éclat de rire. Mademoiselle Ri nous demande la raison de notre hilarité et je bafouille une vague explication comme quoi je me lamentais du manque de métros en Suisse. Je veux à tout prix éviter de déclencher une guerre helvético-française que devraient arbitrer de neutres guides nord-coréens. Le monde à l’envers !

Il faut dire qu’ils donnent de l’eau à mon moulin. Nous sortons à la place de l’Arc-de-Triomphe. Celui-ci est de quelques mètres plus grand que celui de Paris, mais, bien sûr, le Parisien est l’original et celui que le monde envie à la France, ce qui explique les multiples copies.

Arc de Triomphe

Plus tard, alors que Mademoiselle Ri veut parler du marathon de Pyongyang et de son vainqueur coréen. Le Français qui n’a entendu que le mot marathon pense qu’on parle de celui de Paris rétorque que non, c’est un Africain qui s’est imposé.

Nous reprenons le mini-bus pour partir vers le nord, dans la région des Monts Myohyang, région qu’appréciait beaucoup Kim-Il-Sung. Je sais, pour avoir repéré l’endroit sur une carte, que nous passerons non loin de Yongbyon, l’endroit où se développe le programme nucléaire nord-coréen. Je vais éviter d’aborder le sujet. L’autoroute me semble encore plus désert que les autres. Nous avons croisé 2 véhicules en 200 kilomètres.

Nous arrivons tôt à l’Hôtel Chongchon à Hyangsan. On nous informe que l’eau chaude est rationnée. Nous n’y aurons accès que deux heures le soir et le matin. C’est amplement suffisant. La chambre est curieuse. Le lit très dur, les prises électriques ne marchent pas. La télévision qui date du siècle dernier est en panne. Il fait 30 degrés et pas moyen d’éteindre le chauffage. L’air conditionné est hors service. Kim merci, j’arrive à ouvrir la fenêtre qui donne sur l’arrière de l’hôtel et les montagnes voisines. Quelle absurdité de ne pas pouvoir éteindre le chauffage et de n’avoir que ce moyen de baisser la température de la chambre alors que je connais les soucis d’approvisionnement en énergie du pays. Heureusement la bouilloire fonctionne. Je remercie Margareth, une voyageuse chevronnée croisée à Cuba dans une maison d’hôte et qui m’avait donné sa règle numéro un : ne jamais partir en voyage sans une collection de sachets de thé.

Paysage

Autoroute

Paysage

Paysage

Avant le repas à l’hôtel, j’aimerais pouvoir faire quelques pas dehors. Nous n’avons pas le droit de nous aventurer seuls dans le village. Je me console à l’idée de la petite promenade en montagne prévue pour le lendemain.

Nuit étouffante malgré la pluie. Au matin, la température a enfin atteint 22 degrés.

(à suivre)

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Jour 4 – 13 avril 2017 – Kaesong – Pyongyang.

 

Après le petit-déjeuner à l’Hôtel « Folklorique », on se rend dans la montagne pour atteindre le temple bouddhiste Kwanumsa. En chemin (de terre, escarpé, tortueux), notre chauffeur se perd et nous nous retrouvons aux portes d’une base militaire. Il est tôt, le soldat dort debout dans sa guérite. Attention ! On ne photographie pas les soldats – surtout endormis – à quelques kilomètres de la frontière.

Ce temple bouddhiste érigé dès 970 est remarquablement bien conservé et restauré. Les guides nous font remarquer que, contrairement à Pyongyang entièrement détruite lors de la Guerre de Corée, la région proche du 38ème parallèle a été passablement épargnée. L’endroit, par son isolement sans doute, dégage une grande impression de sérénité. Sommes-nous vraiment à si proches de la frontière la mieux gardée au monde ?

Temple Kwanumsa

Temple Kwanumsa

Retour vers Kaesong et, en chemin, vision d’un autre monde. Au cours d’eau d’une rivière, des villageois font leur lessive. En ville, visite de Sungkiunkwan, anciennement la plus grande université de Corée sous la dynastie Koryo. Cet établissement est maintenant un musée, considéré comme trésor national. Dans ses alentours immédiats se trouve la nouvelle université, spécialisée dans les nanotechnologies, la biotechnologie et l’informatique.

Départ enfin pour un passage obligé de tout touriste qui visite la Corée : la DMZ ou zone démilitarisée. A un check point plus sévère que les autres, nous descendons de notre minibus, nous sommes contrôlés, avons droit à un briefing dans une salle où on nous montre, cartes à l’appui, la ligne démilitarisée et la partition de la Corée. Puis nous embarquons avec un soldat dans un autre véhicule.

Frontière – Corée du Sud

Les militaires, dans cette zone de quatre kilomètres (deux de part et d’autre de la frontière) n’ont pas le droit de porter une arme autre qu’un pistolet pour leur protection individuelle. En chemin, nous longeons des champs cultivés. La DMZ est peut-être démilitarisée, mais pas inhabitée.

Arrêt dans la salle des négociations et dans celle où le traité d’armistice a été signé. Au milieu des azalées et des forsythias en fleurs, j’avoue avoir de la peine à imaginer la tension qui y a pu y régner. Nous y apprenons que la Corée n’est qu’un pays pour deux gouvernements,

Table des négociations

que les deux parties de la Corée rêveraient de se réunir. Ce qui rend cette union impossible, c’est uniquement la faute des (méchants) (impérialistes) Etatsuniens.

Ici, je souhaite préciser que je ne rapporte en aucune manière l’opinion des Nord-Coréens en général, tout au plus celle de nos guides car ils sont les seuls avec qui j’ai pu avoir des conversations. Il aurait été facile de tout remettre en doute, de pointer du doigt la moindre contradiction, de rire ou de se moquer, mais à quoi bon ? Je n’aurais fait changer d’avis personne et au pire, ça aurait pu se révéler dangereux pour mes guides si ce n’est pour moi.

L’armistice a été signée par la Corée du Nord et la Chine d’un côté et l’ONU de l’autre. La Corée du Sud ne l’a jamais signé et les deux moitiés de pays sont, de fait, toujours en guerre.

Encore un petit trajet en bus et nous sommes maintenant à la frontière même, à 15 mètres de celle-ci, mon téléphone vibre et des dizaines de notifications s’affichent sur l’écran. J’ai capté un réseau du Sud. Le temps d’envoyer un message à la maison.

Six baraquements se font face, à cheval sur la ligne de démarcation. Les bleus sont ceux du Sud, les blancs ceux du Nord. Les soldats du Nord sont de sortie, ceux du Sud sont invisibles. Face à face, deux bâtiments rectangulaires accueillent les touristes. Nous montons sur la terrasse et pouvons enfin prendre autant d’images que nous le souhaitons, y compris, à notre grand étonnement, des soldats souriants qui assurent les visites.

Autoroute Pyongyang – Kaesong.

Un jour, peut-être, je visiterai la DMZ depuis le Sud et je prendrai l’image inverse. Le bâtiment du Nord vu de celui du Sud.

J’ai demandé aux guides où étaient les touristes du Sud et n’ai obtenu qu’un « pas là » avec un rire gêné. Je crois savoir qu’ils se concertent et harmonisent les heures auxquelles ils amènent « leurs » touristes afin qu’ils ne se croisent pas. Dommage, j’aurais bien aimé faire « coucou » à Mike Pence. Pour la petite histoire, il y est venu quatre jours après moi.

Que n’ai-je pas entendu sur cette DMZ, du mur construit par le Sud au mépris des conventions internationales, aux tunnels creusés par le Nord au mépris d’accords. Drapeaux géants de part et d’autre (j’en ai vus, de grands, mais pas de géants), propagande hurlée par des

Autoroute Pyongyang – Kaesong

haut-parleurs. A ce sujet, j’ai effectivement entendu au loin quelque chose d’approchant, sans, bien sûr, savoir ce qui se disait ou même de quel côté provenait le bruit. A ma question, la guide a tendu l’oreille puis m’a répondu « c’est la radio ». C’était donc la radio  J’ai aussi lu que la DMZ était couverte de mines. De ce que j’ai vu, elle était plutôt, dans la région de Kaesong, couverte de champs cultivés.

 

Retour en ville pour le repas – délicieux et copieux. A nouveau, dans le restaurant, nous ne trouvons que des touristes et leurs guides. Les guides parfois mangent à notre table, parfois à une autre table, parfois encore ils disparaissent et mangent vraisemblablement entre eux dans une autre salle. Aucune logique, aucune systématique dans le fait qu’ils se joignent à nous ou pas. J’ai apprécié de pouvoir parfois partager leur repas ce qui me permettait d’échapper un peu au cours d’histoire et de géographie sur les grandeurs et réalisations de la France. Le restaurant se situait sur une avenue traversant la ville, au pied d’une colline sur laquelle se trouvaient, comme dans chaque localité visitée, les statues des deux Grands Leaders.

Temple Songbul

A ce moment du voyage, je commence à comprendre que le « parti », le « système », le « Juche » est semblable à une religion et que les Kims sont de vrais dieux. Chez eux, tout le monde est croyant, tout le monde est « Kimiste », tout le monde est un fanatique, si ce n’est au fond de son coeur, au moins en apparence. Il faut dire que chaque Nord-Coréen porte sur son coeur un pins à l’image de Kim I oui Kim II, parfois les deux.

 

Le jeune guide m’a dit, comme en confidence, lors du trajet en bus, « Vous savez, nous aimons *vraiment* *beaucoup* le maréchal Kim-Jung-Un ». Je n’ai pas su que faire de cette affirmation. Tout d’abord il m’est venu à l’idée que, quelle que soit mon orientation politique, il ne me viendrait jamais à l’idée de dire « Vous savez, nous aimons vraiment beaucoup Doris Leuthard ou Johann Schneider-Amman ». Tout au plus nous les apprécions, admirons, ou pas. Mais à aucun moment je ne pourrais dire « Les Suisses aiment vraiment beaucoup leur président(e) ». Est-ce que c’était une mise en garde « Attention, on ne dit pas de mal de notre Dieu vivant sous peine de représailles » ? ou une demande « Si vous en dites du mal, vous nous briserez le coeur » ? Je ne saurai jamais. Mais ce moment, cette quasi confidence, me trotte dans la tête.

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons au temple de Songbul avec son moine si souriant. Que j’apprécie ces visites sans propagande autre que « ce temple a miraculeusement survécu aux destructions des guerres que se sont abattues sur notre pays » et « le régime finance la restauration et la préservation de ce lieu » avec l’aide des visiteurs invités à laisser quelqu’argent. Ces temples perdus dans la

Temple Songbul

nature sont par ailleurs exempts des boutiques où les touristes achètent moult cartes de propagandes ou autres livres réunissant les pensées profondes d’un ou l’autre Kim.

Retour à Pyongyang par le bus, sur cet autoroute gigantesque, désert, cahotique. Arrêt d’une vingtaine de minutes à un « restoroute », petite structure avec WC, places de parc et stand où on peut acheter nourriture et boisson. Ici encore, uniquement des bus et minibus de touristes et leurs chauffeurs – guides. Et ce n’est pas tout, je réalise que je vois souvent les mêmes têtes. J’ai un peu l’impression de me retrouver dans un Truman Show géant.

Hotel Yanggakdo, Pyongyang

Après un repas à Pyongyang, nous retournons à l’Hôtel Yanggakdo où nous poserons nos valises pour quelques nuits. Alors que l’hôtel fait 47 étages et donc un nombre important de chambres, on nous attribue les mêmes que lors de la première nuit. Ce n’est pas pour me déplaire, la mienne a une belle vue sur le fleuve. Je me branche sur Al Jazeera et apprends que les tensions sont grandes dans la péninsule Coréenne et que le monde redoute un tir de missile ou un essai nucléaire de la part du Maréchal Kim-Jung-Un, celui que « nous aimons beaucoup ».

Pyongyang la nuit