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Jour 8 – Lundi 17 avril – Juche 106 – Mt Myohyang – Pyongyang. Début du jour 9 – Mardi 18 avril Juche 106.

Poyon

Il pleut à verse. Nous nous dirigeons vers le temple de Poyon, merveille bâtie au temps de la dynastie Koryo, au XIeme siècle. Le cadre est à couper le souffle et j’aurais voulu m’y arrêter toute ma vie ou presque. Je devais être la seule de cet avis car nous traversons le site au pas de charge (la pluie, le vent, le fait que ce ne soit pas un monument à la gloire du régime, que sais-je ?). Dans le minibus, notre guide est inquiète. L’après-midi doit être consacré à une « promenade en montagne » mais le temps ne le permettra sans doute pas. Elle nous propose une alternative : concert symphonique ? Oh oui, m’écriai-je. Oh non ! Rétorque un de mes compagnons de voyage. Pas de concert donc. Je suggère la visite du Palais des Enfants ? C’est lundi, donc impossible. Retour à l’Hôtel de Pyongyang pour préparer nos bagages ? Mouais….. je ne vais pas passer 5 heures à fermer ma petite valise.

Mt Myohyang

Nous en sommes là de nos réflexions lorsque nous arrivons au « Salon d’exposition de l’amitié internationale », bâtiment imposant qui accueille les cadeaux offerts aux Grands Dirigeants sur trois générations. A chaque arrêt touristique, une guide locale nous accueille. C’est le cas ici également et je dois dire que celle qui nous est attribuée aujourd’hui est particulièrement remarquable. Non par sa beauté – qui est éclatante – ni par sa robe traditionnelle – c’est traditionnel – mais par sa ferveur et son sourire. Contrairement aux autres guides locales qui se contentaient de réciter une leçon bien apprise, celle-ci donnait l’impression de créer un réel contact humain et de vouloir nous envelopper dans l’Amour rayonnant du Juche et de Ses Prophètes.

Palais des cadeaux de l’amitié

Le bâtiment est impressionnant vu de l’extérieur, et encore plus de l’intérieur. Il est sans doute en partie creusé dans la roche. Les photos y sont interdites, hélas. Tout de marbre et de dorure, il comporte des centaines de pièces renfermant, dans des vitrines, les cadeaux les plus extraordinaires offerts au cours des ans à Kim I, Kim II et Kim III. Nous avons visité uniquement une partie de ceux destinés à Kim-Il-Sung. Les salles sont organisées par continent et ensuite par pays. Nous pouvions demander à voir un pays du monde quelconque – nous avons choisi l’Inde un peu au hasard, puis elle nous a menés dans les salles de la France et de la Suisse. Ça allait du beau vase en cristal offert par François Mitterand à la pièce d’or célébrant le 700ème anniversaire de la Confédération envoyé par Flavio Cotti. Plusieurs cadeaux ne mentionnaient pas le nom du donateur, simplement son titre. P.ex. Doyen des Sciences Sociales de la Faculté de *****. Il y avait également beaucoup de cadeaux d’entreprise. J’ai souri intérieurement en voyant un couteau Victorinox offert, si je ne m’abuse, par le Président de l’Association d’Amitié Suisse – Corée, un certain Martin L*. Je ne censure pas volontairement son nom, simplement je ne suis pas certaine de l’avoir compris correctement. Je ne maîtrise pas encore l’Allemand avec accent coréen. C’est une véritable caverne d’Ali Baba ! Nous passons devant des armes dorées, des tableaux, des peaux d’ours, présents de tout ce que la terre a compté de dictateurs ou présidents, avec une belle moissons de représentants de l’Europe de l’Est Ceaucescu, Honecker, Jaruselski, Brejnev, etc.

Myohyang

La pièce maitresse est un avion Ilyushin, cadeau de la Russie soviétique, ou peut-être un maillot des Harlem Globe Trotters offert par Dennis Rodman, ou la peau d’un ours tué par Tito ? (Je me perds dans les détails. Il serait amusant de posséder un inventaire complet).

Le principe de cette exposition est de montrer, non seulement que les dirigeants ou autres VIP du monde entier sont béats d’admiration devant les Kim au point de les couvrir de cadeaux, mais aussi que ces derniers sont tellement détachés des biens matériels et incorruptibles qu’ils ne les utilisent pas et les laissent à la disposition des yeux ébahis de leurs ouailles. En parlant d’ouailles, nous n’étions pas seuls, pour une fois, dans ce bâtiment, qui était visité par plusieurs classes de jeunes pionniers. Ceux-ci, en rang par deux ou trois, vêtus d’uniformes scolaires et arborant un foulard rouge à faire pâlir d’envie le Renaud de la belle époque parcouraient les couloirs et nous regardaient avec curiosité. Certains osaient même un petit geste de la main.

Là encore, j’aurais voulu pouvoir ramener des images.

À la fin de la visite, la guide locale m’a demandé si je souhaitais écrire quelque chose dans le livre d’or. Après mûre réflexion j’ai pondu une banalité du genre « Les présents offerts de bon coeur favorisent la paix et l’amitié ». Après traduction, elle a eu l’air un peu déçue, s’attendant sans doute à beaucoup plus s’enthousiasme de ma part. Comme depuis le début du voyage, j’étais partagée entre mon principe absolu de respecter les pays que je visite et leurs valeurs, leurs croyances, aussi absurdes puissent-elles me paraître, et ma ferme résolution de me pas cautionner le régime des Kim. Ça m’apprendra ! J’ai dû m’extasier un peu trop fort devant les aigles naturalisés, les vases Ming ou les Tour Eiffel miniatures.

Nous terminons la visite par la terrasse qui donne sur la vallée. Un paysage de montagne sous la pluie, très Wagnérien.

En parlant de musique, nous avons passé quasiment tous nos trajets à écouter le même DVD (il y avait un petit écran sur le tableau de bord, là où dans nos véhicules se trouverait l’écran du GPS. Comment diable le chauffeur peut-il conduire en regardant des clips videos ?) La musique était celle du groupe Moranbong, un ensemble entièrement féminin dont les membres ont été choisies par Kim-Jong-Un himself. Au bout de deux ou trois jours, j’avais l’impression de connaître par coeur les chansons. Le style, très pop, aurait sans doute beaucoup de succès à l’Eurovision. Je demande à M. Sin de quoi parle la chanson la plus « collante », celle qui, à mes oreilles fait « Kalimiraaaaa, Kalimiraaaa ». Il me répond qu’elle dit « Allons au Mont Paektu ». Le Mont Paektu est *la* montagne sacrée de la Corée du Nord, le point culminant de toute la péninsule, dont on voit des fresques un peu partout dans le pays. Je suis déçue, moi qui espérais qu’on allait me conter une histoire romantique. Je chantonne un autre air, également entraînant, et demande de quoi il parle. « C’est la chanson du drapeau du parti ». Raté encore !

Myohyang

Myohyang

Après le repas, la pluie a cessé, et comme je n’ai pas réussi à convaincre mes camarades d’aller écouter un concert symphonique, nous tentons de tenter la balade en montagne. Je suis Valaisanne, comme vous le savez, et donc, lorsqu’on me parle de montagne, je ne vais pas me laisser impressionner. Après quelques kilomètres de route, le minibus s’arrête non loin d’une chute d’eau. C’est là que commence le parcours. En guise de promenade en montagne, c’est une série interminable d’escaliers qui nous attend, certains normaux, quoiqu’inégaux, d’autres carrément taillés dans le roc. Autant dire que ce n’était pas drôle. Au bout d’une demie heure, je jette l’éponge. Les marches sont de plus en plus hautes et mes muscles refusent de me porter. Ma tête également dit que chaque marche montée devra être redescendue, et j’appréhende cet effort. En effet, j’ai beau être bien chaussée, lors de la descente, je me retrouve sur les fesses. Oui, la roche mouillée glisse. Pour atténuer mon humiliation, mes petits camarades et notre guide se retrouvent également plusieurs fois le postérieur au sol !

Escaliers

Quelle drôle d’idée que d’avoir taillé ces escaliers. N’y aurait-il pas eu moyen plutôt de faire un chemin ? L’endroit est très beau, nous longeons un torrent, mais l’effort est en effet décourageant sans entraînement préalable.

Pour la petite histoire, après trois jours, les courbatures n’étaient plus qu’un mauvais souvenir.

De retour au minibus, je demande à la guide ce que signifie ce drôle de panneau avec des chiffres (500 – 1000 – 2000). Mes camarades français me répondent qu’il s’agit de distance jusqu’aux cabanes en montagne. La guide qui a renoncé à apprendre quoi que ce soir à des personnes qui savent déjà tout me souffle à l’oreille que c’est le prix. Tarifs différenciés pour les enfants, étudiants ou adultes. La promenade est donc payante.

Pendant ce voyage, il m’aura été impossible d’avoir une idée du prix des choses. Tout était compris – à l’exception évidente des babioles ou autres souvenirs. Jamais nous n’avons eu à mettre la main à la poche pour un repas, une excursion, une entrée. Nous n’avons pas non plus eu accès à la monnaie locale, car dans chaque boutique nous payions en Dollars, Euros ou Yuans. Devançant notre curiosité, notre guide nous a offert à chacun un billet de 50 won. J’ai par ailleurs acquis dans une boutique, un livret sur la monnaie locale. Quelle drôle d’idée me direz-vous. L’attrait de ce qui est interdit sans doute. Et puisqu’on en est à parler d’argent, si vous vous rendez sur place, sachez que vous devrez prendre du cash avec vous car vous ne trouverez pas de distributeur (ATM) et que les cartes de crédit ne sont pas acceptées dans les commerces. Ceci est valable pour 2017. Si par le plus grand des hasards vous me lisez en 2025, ne prenez pas ce paragraphe pour argent (hem) comptant.

Fesses endolories, nous reprenons l’autoroute désert et cabossé pour Pyongyang.

Avenue de la science

Comme il n’est pas encore l’heure du repas, nous nous promenons à pied le long de l’avenue de la science. Il s’agit de bâtiments modernes. Mademoiselle Ri nous désigne le plus important « C’est là qu’habite mon professeur d’université ». L’architecture est spéciale, un peu comme on aurait pu imaginer le futur dans les années 1970. Oui, je sais, nous sommes dans le futur de 1970 !

Avant de retourner à l’hôtel, nous mangeons en ville. Comme il s’agit de notre dernier repas en Corée, j’ai demandé si les guides et le chauffeur pouvaient se joindre à nous. Je voulais avoir la possibilité d’échanger avec eux et peut-être d’en apprendre plus sur leur vie.

Nous avons trinqué avec un peu de vin de riz et j’ai eu l’occasion de remettre aux guides et au chauffeur un petit souvenir. La visite de l’exposition de l’amitié le matin même m’avait offert la meilleure introduction. « Ce matin, lors de la visite, j’ai vu que M. Martin L* avait offert un couteau suisse à votre Grand Leader, je vois que nous les Suisses ne sommes pas très originaux ». Ceux que je leur ai présenté – des Victorinox évidemment – avaient bien moins de lames, mais c’était de bon coeur. Il est difficile de savoir si ce cadeau a été apprécié car un de mes compagnons de voyage s’est empressé de dire « Chez nous, lorsqu’on offre un couteau…. etc etc etc ». Ce à quoi je n’ai pu que répondre que chez nous on offrait ce qu’on avait envie d’offrir et qu’on n’était pas superstitieux.

A plusieurs reprises ce soir-là, j’ai essayé d’amener la conversation sur un terrain plus personnel afin de connaître mieux nos hôtes, mais c’est diablement difficile, lorsque, à chaque question que vous posez à votre guide, un des touristes prend la parole pour répondre. En plus du manspreading, le mansplaining est universel. Là où ils n’ont rien pu dire, c’est lorsque j’ai demandé à Mademoiselle Ri ce que son fiancé faisait dans la vie. Elle a rougi et m’a dit qu’elle ne pouvait y répondre qu’à voix basse. HA ! De quoi aiguiser la curiosité ! De quoi imaginer le pire ou le meilleur. Gardien de camps de travail ? Cuisinier de Kim-Jong-Il ? Chanteur de Karaoke ? Ce n’est que quelques heures plus tard, dans le hall de l’Hôtel Yanggakdo que, marchant plusieurs mètres derrière les autres, je lui ai demandé « Alors, maintenant que nous sommes seules, pouvez-vous me dire le métier de votre fiancé ? » « C’est un secret, il est ******** ». Je respecte son voeux et garde son secret, même si je n’en comprends pas la nécessité, tant ce qu’elle m’a dit semble normal, dans quelque société que ce soit.

Le soir, j’ai bouclé ma valise avec difficulté, ayant cédé au chant des sirènes des boutiques de souvenirs (quatre livres de contes, un t-shirt, un drapeau, des babioles, des bonbons, etc). Le lendemain, notre guide se rendrait trois fois à l’aéroport. La première fois très tôt le matin pour un des Français et moi. La deuxième fois en fin de matinée pour l’autre Français, la troisième fois pour accueillir un couple dont elle serait guide pour la semaine à venir. C’est le moment de réaliser que la semaine de 35 heures ou même de 42 heures n’existe pas pour elle. Elle est sur pied de guerre du matin au soir et enchaîne les groupes de touristes. J’ai aussi appris qu’elle changeait chaque semaine de chauffeur et de co-guide. J’imagine qu’il s’agit d’une volonté du pouvoir. Il ne faut pas qu’une trop grande complicité s’installe entre guides afin qu’ils puissent continuer à se surveiller les uns les autres. Il faudrait bien voir qu’un ou l’autre succombe aux charmes occidentaux et décadents qui émanent des touristes.

À l’aéroport tout se déroule bien. Nous faisons nos adieux et passons les contrôles. Un jeune douanier regarde mon passeport et me dit « Switzerland, rich country ». Je lui réponds : « Yes, nice country. But your country is very nice too ». Je jure qu’il a rougi sous sa casquette ! Le pire, c’est que je le pense vraiment. La Corée est en même temps tragique et belle. Et je ne peux que souhaiter le meilleur à ses habitants.

Le vol pour Pékin se déroule sans encombre. Comme à l’aller, nous avons droit au merveilleux burger mystère d’Air Koryo. La tension internationale (Mike Pence est dans la péninsule pour remuer le bâton dans la fourmillière) fait que je serai heureuse lorsque les roues toucheront le sol de Pékin.

(à suivre)

Lien sur les deux chansons mentionnées dans le texte :
https://youtu.be/mA5Yi6k1Yn8
https://youtu.be/RtsOvW1RfS0

Jour 7 – dimanche (de Pâques) 16 avril – Juche 106 – Pyongyang – Mt Myohyang

Dimanche de Pâques. Là où les Chrétiens fêtent une résurrection, nous allons nous incliner devant des dépouilles. Des centaines de touristes et moult locaux, militaires, mais également civils qui arborent des médailles, récompenses pour avoir été des travailleurs exemplaires, se massent près de ce qui a été le palais du gouvernement de la Corée du Nord, avant d’être transformé en Mausolée pour Kim-Il-Sung en 1994. A sa mort en 2011, Kim-Jong-Il y rejoint son père.

Mausolée

On nous demande de nous habiller le mieux possible. Je suis de noir vêtue, comme souvent, ce qui convient aux « censeurs » et j’ai troqué mes baskets de marche pour de petites chaussures de ville, ce qui me vaut un regard reconnaissant de la jeune guide. Nous laissons toutes nos affaires dans le minibus, à l’exception des appareils photos uniquement utilisables dans le parc, à l’extérieur du palais.

Mausolée

Mausolée

Nous passons plusieurs contrôles, aussi sévères que dans un aéroport. Les appareils photo sont déposés dans une consigne et nous passons sous des portiques de détection de métaux. Les visages sont graves, tant de la part des visiteurs que des employés du Mausolée. Mademoiselle Ri nous demande de ne pas croiser les bras ou les mains. Un de mes compagnons de voyage fait remarquer que la guide d’un autre groupe est sans doute une mauvaise Coréenne ! Mademoiselle Ri nous répond qu’elle n’est qu’une stagiaire. Plus tard, je la vois remettre à l’ordre sa jeune collègue. Nous avançons sur un très long tapis roulant, dans un couloir qui nous emmène dans le Palais. Aux murs, des photos des Grands Leaders. Sur une d’entre elles, je remarque que Kim-Jong-Il a les bras croisés. Je résiste à l’envie de le faire remarquer à haute voix. Quelque chose me dit que l’endroit n’est pas propice à la plaisanterie. En face, le tapis roulant qui mène à la sortie est totalement vide. J’imagine un instant qu’il s’agit d’un voyage sans retour. Comme dans la chanson Hotel California, on y rentre, mais jamais on n’en ressort. L’explication est plus simple, nous sommes tout simplement parmi les premiers. De discrets hauts-parleurs diffusent une musique à la fois martiale et triste. Je demande s’il s’agit de l’hymne national. Non, c’est une chanson en l’honneur du Président Kim-Il-Sung. A l’intérieurs du Palais, je perds le sens de l’orientation. Il n’y a pas de fenêtre et après quelques détours, je serais incapable de me situer dans l’espace. Nous passons enfin dans une sorte de soufflerie, j’imagine destinée à ôter de nos cheveux et habits toute trace de poussière, nous entrons dans la salle du Mausolée lui-même. Au centre, le corps du Président, en costume est recouvert d’un drapeau nord-coréen. Il repose au milieu de cette pièce immense, sous un « coffre » de verre ou plexiglas, l’endroit est sombre, une lumière rouge tombe du plafond et la musique solennelle est plus présente. Des soldats gardent la pièce aussi immobiles que feu le président.

Nous défilons, petit groupe par petit groupe autour du corps et nous inclinons. A la sortie de la pièce, nous contemplons des vitrines dans lesquelles sont exposés les diplômes et récompenses officielles reçues par Kim-Il-Sung. Dans la salle suivante (ou était-ce la précédente ?), un wagon de chemin-de-fer (un wagon de-chemin-de-fer, oui), et, au mur, une carte du monde sur laquelle sont inscrits tous les voyages effectués par le Président, le nombre de pays visités, de kilomètres parcourus, leurs voitures officielles…

Puis, après un trajet dans les couloirs du Palais, même parcours – jusque à la soufflerie – pour le deuxième corps, celui de Kim-Jong-Il. Même décorum. Salle des récompenses, salle des voyages, wagon. Mademoiselle Ri nous dit que le Général est mort dans ce wagon. Je regarde la salle, le wagon…. je demande à notre guide comment on a réussi à placer un wagon dans un Palais. Elle me répond que la technique nord-coréenne est très avancée !

Un de mes compagnons de voyage, pas très bien réveillé, nous demande pourquoi on nous a fait passer deux fois exactement au même endroit. Il n’a pas remarqué qu’il s’agissait de deux personnes différentes reposant dans deux salles différentes, tant la mise en scène était semblable pour les deux. Mais tout de même, Kim père et Kim fils sont loin d’être jumeaux !!

A la fin de la « visite », nous récupérons les appareils photo et nous promenons dans le parc impeccablement entretenu. Notre guide nous désigne les deux ailes du bâtiment en précisant que le Président était dans l’aile droite alors que le Général reposait dans l’aile gauche. Bien obligé de la croire sur parole.

Egalement à l’extérieur de la ville, nous visitons le cimetière des martyrs de la révolution. A flanc de colline, une centaine de héros nationaux reposent, sous des bustes en bronze les représentant. Quatre dates figurent sur les pierres tombales : la naissance, l’entrée en résistance, l’adhésion au Parti, le décès. Une tombe, au sommet, est particulièrement fleurie et respectée : celle de la femme de Kim-Il-Sung, considérée comme la mère de la patrie. Même s’il s’agit d’un cimetière, le cadre, la jolie vue sur Pyongyang au loin, et le contraste avec l’ambiance du Mausolée donnent à cette promenade une atmosphère légère.

Cimetière des Martyrs

Cimetière des Martyrs

Nous rentrons en ville pour le repas de midi pris au restaurant chinois de l’Hôtel Yanggakdo, au restaurant Chinèse comme dit un des touristes français. J’ai quelques minutes d’avance sur eux et, comme j’entends que mes voisines de table sont francophones. Je me présente, elles sont Valaisannes, mère et fille, et sont arrivées trois jours après moi. Je suis tellement heureuse de pouvoir parler avec quelqu’un d’autre que mes guides ou mes compagnons français, que j’échange impressions et anecdotes. Lorsque les Français me rejoignent à table, ils monopolisent à nouveau – bien entendu – la conversation. J’ai quand même appris qu’Al Jazeera disait la vérité : Air China a bel et bien annulé ses vols directs sur Pyongyang. Elles auront donc droit à Air Koryo pour le retour. Enchantée par nos brefs échanges, j’espère les croiser à nouveau d’ici la fin du séjour. Ça ne sera pas le cas.

Nous nous arrêtons au centre-ville pour une escapade dans le métro de Pyongyang. Il est profond, la descente en escalator semble sans fin et me rappelle celle de St Petersbourg. Je demande au jeune guide stagiaire si le métro sert également d’abri en cas de guerre. Il me répond que oui puis, après avoir échangé quelques phrases avec Mademoiselle Ri, revient sur ses mots et me dit que non, il ne s’agit que d’un métro. Notre guide nous montre un plan : il y a deux lignes et une vingtaine de stations (de mémoire). Tout est propre, impeccable. Les Coréens peuvent y lire le journal local affiché dans la station. Nous entrons dans un wagon qui a dû connaître des jours meilleurs. Nous nous asseyons sous les portraits des deux Grands Leaders. Un des Français fait remarquer que le métro de Paris est beaucoup plus grand, que dans les wagons il y a des annonces vocales et des panneaux indicateurs. Mademoiselle Ri nous fait sortir à la station suivante. Je suis déçue et je ne comprends pas très bien car elle nous avait promis plusieurs stations. Nous attendons simplement le métro suivant et là je comprends : dans ce wagon-là, il y a également une annonce vocale et un panneau lumineux annonçant le parcours – dans tes dents, Paris !!

Metro de Pyongyang

Dans le wagon, je constate que le manspreading est (hélas) universel. Devant moi, une adolescente me dévisage. Je n’arrive pas à déchiffrer son expression. Curiosité ? Hostilité ? Au moment de me lever pour sortir du wagon, je lui décroche mon plus beau sourire – ouf, elle me le rend. Glace brisée !

Metro de Pyongyang

Metro de Pyongyang

Un peu agacée par le comportement de mes compagnons de voyage, je profite de longue remontée vers la surface pour échanger avec le jeune guide et lui en faire part. Comme pour me donner raison, l’un d’entre eux questionne Mademoiselle Ri sur le nombre de touristes étrangers à Pyongyang et, à peine donne-t-elle une réponse, qu’il dit « ah….. en France nous en avons 40 millions par an ». Monsieur Sin et moi ne pouvons pas dissimuler un éclat de rire. Mademoiselle Ri nous demande la raison de notre hilarité et je bafouille une vague explication comme quoi je me lamentais du manque de métros en Suisse. Je veux à tout prix éviter de déclencher une guerre helvético-française que devraient arbitrer de neutres guides nord-coréens. Le monde à l’envers !

Il faut dire qu’ils donnent de l’eau à mon moulin. Nous sortons à la place de l’Arc-de-Triomphe. Celui-ci est de quelques mètres plus grand que celui de Paris, mais, bien sûr, le Parisien est l’original et celui que le monde envie à la France, ce qui explique les multiples copies.

Arc de Triomphe

Plus tard, alors que Mademoiselle Ri veut parler du marathon de Pyongyang et de son vainqueur coréen. Le Français qui n’a entendu que le mot marathon pense qu’on parle de celui de Paris rétorque que non, c’est un Africain qui s’est imposé.

Nous reprenons le mini-bus pour partir vers le nord, dans la région des Monts Myohyang, région qu’appréciait beaucoup Kim-Il-Sung. Je sais, pour avoir repéré l’endroit sur une carte, que nous passerons non loin de Yongbyon, l’endroit où se développe le programme nucléaire nord-coréen. Je vais éviter d’aborder le sujet. L’autoroute me semble encore plus désert que les autres. Nous avons croisé 2 véhicules en 200 kilomètres.

Nous arrivons tôt à l’Hôtel Chongchon à Hyangsan. On nous informe que l’eau chaude est rationnée. Nous n’y aurons accès que deux heures le soir et le matin. C’est amplement suffisant. La chambre est curieuse. Le lit très dur, les prises électriques ne marchent pas. La télévision qui date du siècle dernier est en panne. Il fait 30 degrés et pas moyen d’éteindre le chauffage. L’air conditionné est hors service. Kim merci, j’arrive à ouvrir la fenêtre qui donne sur l’arrière de l’hôtel et les montagnes voisines. Quelle absurdité de ne pas pouvoir éteindre le chauffage et de n’avoir que ce moyen de baisser la température de la chambre alors que je connais les soucis d’approvisionnement en énergie du pays. Heureusement la bouilloire fonctionne. Je remercie Margareth, une voyageuse chevronnée croisée à Cuba dans une maison d’hôte et qui m’avait donné sa règle numéro un : ne jamais partir en voyage sans une collection de sachets de thé.

Paysage

Autoroute

Paysage

Paysage

Avant le repas à l’hôtel, j’aimerais pouvoir faire quelques pas dehors. Nous n’avons pas le droit de nous aventurer seuls dans le village. Je me console à l’idée de la petite promenade en montagne prévue pour le lendemain.

Nuit étouffante malgré la pluie. Au matin, la température a enfin atteint 22 degrés.

(à suivre)

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage

Paysage