Minsk – 5 et 6 mars 2019

J’ai reçu il y a quelques années une carte du monde à gratter, de celles où on découvre petit à petit les pays visités. 

Quel bonheur de gratter le Groenland, même en sachant que sa taille réelle n’a que peu à voir avec celle qu’il affiche sur une projection Mercator ! Quel bonheur encore plus grand de gratter la Russie après un week-end à St-Petersbourg !

À la fin de l’été dernier, après avoir parcouru les pays Baltes, après avoir vu l’Ukraine, j’avais un bon bout de monde à gratter. Dans mon enthousiasme, je n’ai pas prêté attention à la Biélorussie, coincée entre tous ces pays, et je l’ai découverte d’un coup de pièce de 2 francs un peu trop vif. 

Comme il n’y a pas moyen de réparer cette erreur en recouvrant le pays, il ne me restait plus qu’à le visiter pour « payer ma dette ».

Vérification : Il n’y a pas de vol direct pour Minsk depuis la Suisse, mais les liaisons sont relativement simples en passant par Frankfort ou Vienne, pour autant qu’on soit d’accord de prendre son temps. Par ailleurs, il est possible de s’y rendre pour cinq jours au maximum sans visa. Depuis la règle a encore été assouplie et on peut y séjourner pendant trente jours. 

À l’arrivée, on doit (oui, on doit) conclure une assurance maladie dont le coût est d’environ deux euros par jour. J’aimerais que ça soit aussi bon marché en Suisse ! Les formalités sont très rapides. Vous arrivez au guichet, vous dites le nombre de jour, vous payez (en Euros si vous le souhaitez, les cartes de crédit sont acceptées) et muni du précieux sésame, vous pouvez vous présenter au contrôle des passeports. Là, le mien a été scruté pendant de longues minutes, même à la loupe – littéralement. Et j’ai eu droit à mon stampfle d’entrée, juste en dessous de celui de l’Ukraine – solidarité entre anciennes Républiques Socialistes Soviétiques ?

Rue Lenine

Comme j’arrivais tard le soir, j’avais commandé un transfert à l’Hôtel. 35 euros, c’est sans doute cher pour la région, mais je n’avais pas envie de me retrouver à négocier des tarifs en anglo-russe avec des chauffeurs aux abois, une fois la nuit tombée. 

Cela dit, pour un trajet de trois quart d’heures, c’est loin d’être exagéré.

Le Boutique Hôtel Buta est une agréable surprise. Petit, il comporte un club et un casino. Je craignais le bruit, mais soit il est désert, soit l’isolation phonique est parfaite. Bonne situation, grande chambre, mini-bar, plateau à thé, et climatisation.

Oui, climatisation.

GOUM

Je ne sais pas pourquoi, alors que la température dehors flirte avec le zéro, la chambre affiche 25 degrés. 

Un calvaire. 

Heureusement qu’il y a la clim !

En parlant de température, quelle gifle le lendemain matin. Je surveillais depuis plusieurs jours la météo pour savoir quoi mettre dans ma valise, et au dernier moment j’avais ajouté une doudoune chaude et légère. J’ai bien fait. Sans ça, je ne sais pas comment j’aurais passé cette journée. 

Ce n’est pas tant la température que le vent qui s’est mis en travers de mon chemin et qui a frigorifié le bout de mes oreilles et de mon nez ! 

Minsk est une grande ville. Elle compte près de deux millions d’habitants, mais son centre se visite facilement à pied. 

Elle a terriblement souffert, en particulier pendant la Deuxième Guerre Mondiale et tout ce qui semble ancien a été reconstruit. Pour le reste, c’est un doux mélange de grandes avenues « soviétiques » et d’hyper moderniste pas forcément du meilleur goût non plus.

Vladimir Ilich

Il y a du trafic, comme dans n’importe quelle capitale, mais ça ne semble pas étouffant car comme les rues sont très larges, il n’y a pas de bouchons. Les trottoirs également sont grands et il y a partout des passages souterrains pour permettre aux piétons de piétonner.

Ces passages cachent parfois des entrées vers des centres commerciaux, ou des bouches de métro. Il y a une vie sous la surface, ce qui doit être agréable au cœur de l’hiver. 

Il y a aussi de très nombreux parcs et espaces verts qui doivent être de véritables oasis de bonheur aux beaux jours.

Donc, il fait froid. Je visite les mains dans les poches et le capuchon sur la tête, je me réfugie dans un grand magasin « Goum« .

Goum, donc permet un voyage dans le temps. Si vous avez connu « Les Portes Neuves » ou « Chez Kuchler » à Sion dans les années 70, vous ne serez pas dépaysé. Ce magasin fondé à l’époque soviétique en a gardé l’atmosphère.

Il semblerait que son grand frère habite Moscou ! Je vérifierai cet été.

Mes pas me mènent ensuite jusqu’au « Musée d’Histoire de la Grande Guerre Nationale de Biélorussie » (Pour nous autres, c’est la Deuxième Guerre Mondiale). Munissez-vous de l’audioguide car même si des panneaux sont traduits en anglais, il vous sera impossible de tout comprendre si vous ne maîtrisez pas le russe ou le biélorusse. 

Je cite Wikipedia« C’est un des plus grands musées de guerre au monde ; il regroupe une importante collection d’objets, uniformes, armes, photos, textes… datant de la Seconde Guerre mondiale. Ces témoignages évoquent la lutte de l’Armée rouge et des Biélorusses contre les Nazis et rappelle au visiteur que la Biélorussie fut un des lieux les plus sinistrés par la guerre. »

L’ambiance est pesante.

Surprise, le drapeau qui flotte sur la coupole est celui de l’URSS. Et quand, à la fin de la visite, dans la boutique de souvenirs, je veux acheter celui de la Biélorussie pour ma collection, on me propose également celui frappé du marteau et de la faucille.

Le ciel s’est découvert et le soleil rend le froid plus supportable. 

29 – 30 décembre – Danser à Rome


Si je résume bien, j’ai vu le Vatican, la Piazza Navona, La Fontaine de Trevi, Le Panthéon, la Place d’Espagne… il ne me manquerait donc plus que… ah bah voilà, Le Colisée !

Je me connecte sur le site officiel et regarde pour acheter mon billet à l’avance. Oh… il faut choisir un créneau horaire ? Prenons le plus tôt possible. Tiens… plus de place ? Alors plus tard. Non plus ? Mais quand ??

Un kilomètre à pieds…

Toute la journée était réservée. Et le lendemain ? (C’est une question rhétorique… le lendemain je rentre chez moi) pareil.

Bon. Ça m’apprendra. J’ai vu, hier, en trainant par-là, que des vendeurs à la sauvette propoient des billets coupe-file spéciaux…. Mais je n’ai pas trop envie de favoriser le marché noir. Et Rome n’est pas si éloignée que je ne puisse imaginer y retourner un jour.

D’autant plus que, voilà, cette ville m’en a mis plein les yeux. Vraiment. C’est une des plus belles. Et j’en ai vues… 

Donc pas de Colisée. Mais alors, que faire ? Ma maman en apprenant ma destination m’avait fait part de ses anciens souvenirs, d’une visite des Catacombes qui était restée dans sa mémoire.

Photos interdites

Ni une, ni deux… c’est parti pour Les Catacombes

Le métro jusqu’au…. Colisée décidément, puis l’autobus 118.

Vous souvenez-vous de la première fois où vous vous êtes senti un peu vieux ? Le jour où un ado vous a vouvoyé ? Où il vous a appelé Monsieur ou Madame ? Et bien moi, dans le 118 jusqu’aux Catacombes, j’ai franchi une étape supplémentaire. Une jeune scoute a voulu me céder sa place assise… (l’impertinente). 

Deux kilomètres à pieds

Va falloir que je rebaptise ce blog « Travellers over 50 » ou « Le voyage pour les vieilles » – (Il y a peut-être un marché à prendre… je vais essayer ces tags !). 

Bon… Les Catacombes… une fois le billet acheté, des files dans lesquelles se mettre selon la langue dans laquelle vous voulez suivre la visite – il n’est pas possible de se passer de guide. Je me mets courageusement devant le petit drapeau français… je suis seule. C’est quitte ou double, soit j’aurai droit à une visite privée soit à une attente interminable. Au bout de quelques minutes, je me décide à partir avec le premier groupe qui parle une langue que je comprends.

Alors oui, c’est intéressant, impressionnant, mais jamais oppressant ou angoissant.

Au sortir des catacombes, le soleil brille presque plus fort. Je décide de rentrer à pied. Il faut dire que c’est le chemin de la voie Appienne et que mes souvenirs d’histoire et de latin me donnent du courage.

Trois kilomètres à pieds

Et puis (l’ai-je déjà dit ?) la ville est tellement belle que je serai heureuse de la traverser le nez en l’air une dernière fois plutôt que dans ses souterrains. 

Passage par la Fontaine de Trevi toujours aussi fréquentée, par la Place d’Espagne tout pareil et petit arrêt sur la place Campo di Fiori et son marché… le temps de marchander un morceau de nougat. 

Arriverderci Roma

Quatre kilomètres à pieds

Et merci à Romain Didier, Benjamin Biolay, Etienne Daho et Renaud pour les titres de chansons.

Campo di Fiori


28 décembre 2018 – Week-end à Rome


Un petit défi : comment voir la Chapelle Sixtine dans les meilleures conditions possibles lorsqu’on n’a pas d’entrée secrète, de passe-droit ou de cape d’invisibilité ?

Et bien c’est possible en se levant tôt (yes, je peux cocher cette case-là) et en prévoyant un petit budget (celle-ci aussi).

Sur mon chemin

Cela se passe ainsi : vous réservez et payez votre billet sur le site, vous arrivez à 7h15 pour un petit déjeuner buffet (copieux, on ne se moque pas de nous), et à partir de 08h, on vous ouvre les portes des Musées du Vatican, avec un audioguide, et donc… l’accès à la Chapelle Sixtine. Notez que les portes ne s’ouvrent au public qu’à partir de 9h, vous avez donc 60 minutes montre en main pour profiter au maximum de ce calme relatif.

Au tout petit matin

Et tout ça pour… 68 euros. Outch. Mais bon… 

Place d’Espagne

J’imagine que si vous visitez hors saison, il est possible de profiter du Musée sans payer aussi cher… mais existe-t-il vraiment une saison basse dans la Ville Eternelle ?

Regarder en paix…

Je vous mets le lien pour toutes les options.

(Et sinon, oui, ça vaut la peine).

Comme la journée est encore neuve, je fonce en métro – facile, bon marché, jusqu’au Colisée – et me retrouve face à des files d’attentes propres à décourager la plus courageuse des touristes. Enfin peut-être pas, mais en tout cas propres à me décourager moi. Tant pis me dis-je… je regarderai s’il y a moyen de réserver en ligne.

Une église au hasard

Profitons de cette magnifique journée pour faire bouger les jambes et voir la ville tranquillement. Merci internet et les applications de cartographie, on peut se perdre en étant sûre de se retrouver. Je retourne lentement vers l’hyper-centre et profite des merveilles sous mes yeux. 

Escaliers du Musée (tout à la fin de la visite)

La place d’Espage, ses escaliers, et, juste en face, les Champs Elysées, enfin non… la Bahnhofstrasse… je veux dire, la rue de toutes les boutiques chères et chic. Celle qui ressemble à toutes les rues des boutiques chères et chics de toutes les grandes villes occidentales. 

Un petit tour au Panthéon, c’est gratuit, et retour au point de départ.  

Sur mon chemin

27 décembre 2018 – Rome en un seul jour…


Oui, je suis matinale et le Vatican est tout proche. À moi la Basilique, la Chapelle Sixtine etc.

Sur la place St-Pierre, je sors mon téléphone pour cocher la case « Vatican » sur mon appli de voyage préférée et je mets dans la file de ceux qui veulent entrer dans la Basilique St-Pierre. Auparavant, je vais monter dans la coupole pour voir la ville d’en haut. Il y a le choix entre entreprendre toute la montée à pied ou faire la moitié en ascenseur. Je suis un peu étonnée de la file d’attente, bien vingt minutes, pour passer les portiques de sécurité

La montée !

On n’arrête pas les braves. Ce sera « a piedi » pour moi, pour deux euros de moins. C’est parti pour 551 marches ! On connaît mon amour des escaliers. Ca tourne, ça tourne, et ça tourne encore, lorsqu’on est dans le dôme, on est heureux d’être de petite taille, mais une fois là-haut, sur le balcon de François… que la vue est belle sur la place St-Pierre et la ville éternelle. 

Le balcon de François

Un bref coup d’œil m’apprend que la file (de 20 minutes) de tout à l’heure à plus que doublé. La descente est plus simple, plus rapide, et mène directement dans la Basilique. Je vous fais grâce des descriptions que vous trouverez en abondance sur des sites dédiés.

Pour visiter la chapelle Sixtine, il faut passer par les Musées du Vatican. Ça tombe bien, j’avais l’intention de m’offrir la visite. Mais pas aujourd’hui. La file d’attente pour arriver jusqu’aux billets s’étend sur plusieurs centaines de mètres.

Je profite des nombreuses heures qui m’attendent pour me promener au petit bonheur la chance dans la ville. Nous sommes en décembre et le ciel est limpide. Il fait doux, proche de 10°. C’est idéal. Et je ne suis pas la seule à le penser. Ils sont des centaines à se presser autour de la fontaine de Trevi.  

Quelques badauds…

Je m’arrête pour manger dans un petit bistrot (Papa’s cafe) et en profite pour tester mon italien. Même s’il est un peu rouillé, l’effort me vaut toutes les attentions du personnel et un verre de Chianti gratuit ! Fallait pas ! Un seul verre et je n’ose plus conduire. Le deuxième me renvoie illico à l’hôtel, heureusement tout proche, pour une sieste de circonstance. 

Ce n’est pas à ce rythme que je pourrai visiter Rome en un seul jour.

Rome – 26 décembre 2018 – L’Aéroport de Fiumicino

Dans ma mémoire, la chanson de Romain Didier avait une orchestration soignée qui propageait une ambiance douce-amère, parfois à la limite de l’angoisse.

Est-ce que, en route pour Rome, j’aurais vraiment dû la télécharger et la confronter à mes souvenirs ?

Que de rimes douteuses… quel gâchis.

« Je cherche une fille pour finir la nuit,
J’veux une esclave au fond d’mon lit,
Je veux des caresses, j’arrive de Lutèce,
J’paie en espèces »…


… sérieusement ?

Blague à part, je suis allée en Italie des dizaines de fois depuis ma naissance, proximité oblige, mais jamais à Rome, par conséquent, jamais au Vatican. C’est le moment de profiter de ces quelques jours de trève hivernale, de ce moment suspendu entre Noël et Nouvel-An pour mettre les voiles vers la ville éternelle et cocher un pays de plus, fut-il le plus petit au monde.

L’avion est pour moi un plaisir coupable. Coupable oui parce que l’avenir de la planète ne m’est pas indifférent et qu’il est de plus en plus difficile de faire semblant d’ignorer le coût écologique de mes escapades.

Je me rassure et tente de me justifier par le fait que j’ai commandé un véhicule électrique, que je ne voyage vraiment que depuis trois ans, que ma consommation de viande est minime, que j’achète local et bio pour mon alimentation, que je dis non au plastique, etc…

Mais tout de même, l’avion…

Pour ce voyage, j’ai vraiment essayé et comparé avec le train ou les bus grandes lignes… pas photo. Et j’ai repris l’avion. Je reconsidérerai volontiers mes choix le jour où les trains de nuits seront à nouveau disponibles. J’ai apprécié ce choix ces dernières années lors de voyages en Ukraine et au Kazakhstan et suis prête à renouveler l’expérience lorsque ce sera possible.

Tout ça pour en arriver à…. L’aéroport de Fiumicino. Situé en bord de mer, il offre tout ce qu’il faut pour rejoindre Rome. La gare est à proximité immédiate et il n’y a pas moyen de se perdre. Des navettes express rejoignent Roma Termini. Prenez votre billet aux automates ou aux multiples guichets. Vous pourrez également vous procurer des tickets valables plusieurs jours pour les transports publics de la Ville. 

J’aime marcher dans les villes et Google Maps me dit que mon B&B se trouve à environ 40 minutes à pied. C’était sans compter avec l’exigüité des trottoirs, les rues pavées et la foule dans le centre historique.

C’est là qu’on se rend compte du bruit infernal que font les roulettes sur les pavés et qu’on comprend l’agacement légitime des locaux.

Dans une ruelle étroite, proche du Tibre, se trouve mon minuscule hôtel, l’Antica Locanda del’Orso.

La Piazza Navona est toute proche. Allons-y pour prendre l’air nocturne de la ville. À cette heure-ci, et à cette saison, ça doit être désert !

(Tu parles !)

Le meilleur pour la fin – 25 octobre 2018

Inutile de dire que j’appréhendais ce jour. 

Depuis quelques mois et en prévision d’un futur voyage à l’été 2019, je travaille ma condition physique en marchant régulièrement, le dimanche, avec un sac à dos inutilement chargé. Comme je suis loin d’être une sportive aguerrie, mes sorties dominicales comptent quinze ou vingt kilomètres, principalement au plat. 

Mais là c’est autre chose ! Le départ est à 2200 mètres et l’arrivée à 3300. Les kilomètres sont peu nombreux mais… la montée ! Et l’altitude !

Le guide avait tenté de me rassurer, ça fait dix jours que nous vivons dans les hauteurs avec parfois des nuits à plus de 3000 mètres, il nous avait vu crapahuter et estimait qu’on était capables de venir à bout de la grimpée. 

Mouais, pas convaincue.

Il faut savoir qu’il y a trois manières d’accéder au Nid du Tigre.

  • Celle qui consiste à chausser ses meilleures chaussures et grimper.
  • Celle qui consiste à louer un petit cheval ou une mule qui fera la moitié de la montée avec un humain sur son dos.
  • Celle qu’avait choisie Guru Rinpoche : demander à sa concubine préférée de se transformer en tigre volant et grimper sur son dos.

N’ayant pas de concubine, j’ai vite éliminé la troisième. Et la deuxième aussi, parce qu’on fait les choses correctement ou on ne les fait pas !

Un pas après l’autre…. Et le cœur qui s’emballe vite. La montre qui mesure les battements affiche un petit 150 des familles. On s’arrête, on reprend, on s’arrête 15 mètres plus loin, on reprend, on s’arrête encore. On se dit qu’à ce rythme là on y sera encore le lendemain. On reprend, on s’arrête. On tente de faire redescendre les battements de cœur, en vain. On reprend.

Et ainsi de suite. 

Le nombre total de kilomètres n’est pas impressionnant. C’est l’effort qui l’est. À mi-chemin, une cafétéria et le ravitaillement. Le Nid du Tigre est plus ou moins à notre hauteur, mais il reste des volées d’escaliers à descendre puis, bien sûr, à remonter pour atteindre la destination. Ici quelques touristes rebroussent chemin. D’autres sont frais (merci les mules et poneys) et sont prêts à commencer leur effort.

Après une petite pause, nous décidons, bien sûr, d’aller jusqu’au bout. Dans la file, beaucoup de touristes attirés par l’endroit, et bien des Bhoutanais pour qui le Nid du Tigre est un endroit sacré. Nous dépassons des jeunes, des moins jeunes, et même des personnes carrément âgées dont les pas minuscules et obstinés forcent l’admiration.

Non, vous n’aurez pas d’images de l’intérieur du Tiger’s Nest. On laisse à l’entrée téléphones et caméras. Ce n’est pas important. Ne dit-on pas que l’essentiel, c’est le chemin ?

Le soir, un repas traditionnel nous attend. C’est l’heure du bilan avec Tashi et Sonam, des cadeaux, des pourboires, je laisse du chocolat (évidemment), mon couteau-fourchette-cuiller au chauffeur, et mon gpalémo hau guide qui nous avait dit avoir passé une quinzaine terrible à guider un couple de japonais qui avait dépensé une fortune pour dormir dans les meilleurs hôtels possibles, mais ne parlaient pas un mot d’anglais et avaient refusé d’engager un interprète.

L’heure du bilan aussi. 

Devriez-vous aller au Bhoutan ? J’aurais tendance à dire non. Il faut que ce pays garde son côté fermé et préservé. N’allez pas au Bhoutan comme n’importe où ailleurs.

Lisez, renseignez-vous, passez du temps sur vos moteurs de recherche préférés, et si la curiosité est toujours là, allez-y !

Tourisme pour Tous en Suisse romande propose des parcours « tout faits », mais sinon contactez directement Bhutan Himalayan Experience qui s’occupera de vous concocter un voyage inoubliable. 

Et sinon, Globetrotter est toujours une valeur sûre ! (Non, je ne suis pas sponsorisée, si on excepte les cafés généreusement offerts)

18 au 24 octobre 2018 etc. Hit the road !


Nous quittons la région de la capitale pour nous enfoncer dans le Bhoutan profond. Il y a le choix entre la route et les airs, pour les plus pressés. Les distances ne sont pas grandes, imaginez que ce pays est un peu plus petit que la Suisse, mais il faut prendre son temps. Les tunnels sont inexistants, les ponts très rares et n’enjambent pas les vallées comme ils le feraient chez nous. Ils sont au ras des rivières et prolongent d’autant le chemin. Autant dire que nous nous armerons de patience. Le paysage est spectaculaire, et rappelle celui des vallées valaisannes ou grisonnes. Parfois on se croirait à la maison, puis on croise un petit moine en habit rouge qui nous rappelle la distance passée. Octobre est encore très vert et les teintes automnales n’en sont qu’à leur début. 

L’altitude compense la latitude. 

Il est étonnant de voir autant de sapins, pins, si haut perchés. Chez nous, ils auraient depuis longtemps laissé la place aux pierriers. 

Ce n’est pas seulement la flore qui nous rappelle la maison. La faune également… sauf qu’elle compte, en plus des loups, ours, auxquels nous nous (ré)habituons, des tigres et léopards des neiges, des yacks qui partagent leurs pâturages avec les bovidés locaux.

Ceux-ci d’ailleurs paissent librement et on en croise régulièrement le long des routes. Comme celles-ci sont, à l’exception de la région de Thimphu-Paro, étroites, sinueuses, et dans un piètre état, ce qui force les chauffeurs à limiter leurs ardeurs et prolonge d’autant le temps du voyage.

Sur ma route

Mais on ne va pas au Bhoutan pour son bitume, non ?

Pendant les semaines où je ne voyage pas, je suis prof. Enseignante est le terme exact. Mes élèves sont des adolescent.e.s avec tout ce que ça implique d’enthousiasme, de curiosité, d’esprit de rébellion et, il faut bien le dire aussi, parfois de pure bêtise. Cette dernière se manifeste parfois sous la forme de graffitts peu subtils sur les murs, les pupitres ou posters de la salle de classe. Et ces graffitis souvent figurent l’organe sexuel mâle, fait d’un trait de stylo malhabile. Tout ceci pour dire qu’on a rarement l’occasion de voir un beau phallus dessiné sur un mur. Si c’est ce que vous vous dites, c’est que vous n’êtes jamais allé à Punakha ! 

Rizières dans la région de Punakha

Drukpa Kunley, celui-là même qui a « créé » le Takin prêchait de manière originale, par des chants, des danses et un mode de vie que la morale aurait tendance à réprouver. Sur une colline près de Punakha, il a vaincu un démon et l’a enfermé dans un rocher, tout près de l’endroit où se trouve maintenant le monastère Chimi Lhakhang. 

C’est Drukpa Kunley qui a incité les gens à peindre sur les murs d’imposants phallus, et d’en suspendre des modèles en bois de belle taille aux quatre coins de leur maison. 

Graffiti local

Il ne me viendrait pas à l’idée de suspendre un mobile fait de membres masculins au-dessus du berceau d’un de mes enfants (quoi que… j’aurais peut-être dû ! Ils auraient mieux tourné) (non, non, c’est juste un piège pour vérifier qu’ils lisent bien mon blog… ils sont BIEN, mes enfants !), mais visiblement c’est le cas au Bhoutan, vu ce qu’on trouve dans les boutiques d’artisanat local. 

Le temple est bien sûr dédié à la fertilité et un moine nous bénit d’un coup de phallus sur la tête. J’ai dit à mon guide que trois enfants c’était assez et que j’espérais que ce temple ne soit pas trop puissant. Il m’a rassuré en me disant que le coup de phallus en bois sur la tête n’était vraisemblablement pas suffisant pour que je tombe enceinte.

Dzong de Punakha

Digne d’un Dzong.

Les temples au Bhoutan sont parfois à l’intérieur d’un Dzong. C’est une forteresse qui abrite en même temps l’Église et l’État. Il en existe dans les localités les plus importantes, bien sûr, à Paro, Thimphu, Punakha, Trongsa, Bhumtang, etc. Ils sont plusieurs fois centenaires et s’ils ont souffert du passage des ans, des inondations, des incendies, ça ne se remarque pas. Ils sont entretenus et restaurés selon les anciennes techniques et au regard du profane, il est impossible de dire si les murs ont 50 ou 500 ans.

Dzong de Trongsa

Si les administrations situées dans les Dzongs ne sont pas d’un grand intérêt pour le voyageur de passage, il n’en va pas de même pour les temples, il y en a souvent plusieurs dans chaque forteresse. Au fur et à mesure des visites et des explications de Tashi, on finit par se repérer dans les sculptures et les peintures, celui-ci c’est Guru Rinpoche, celui-là c’est le futur Bouddha, là c’est le cercle des réincarnations, etc. 

Les temples ne sont bien sûr pas tous situés dans des Dzongs. Eux aussi sont tous construits selon les techniques ancestrales et nous sommes incapables de distinguer un temple ancien d’un moderne. 

Le BNB

La conservation du patrimoine bâti fait partie des composants du bonheur national brut. Je ne sais pas exactement comment cette notion est née, mais j’aime imaginer que dans un sommet de chefs d’état, un grand de ce monde frimant avec son PIB, et le roi du Bhoutan répliquant que lui, il n’avait peut-être pas un grand PIB, mais qu’il avait le meilleur BNB du monde !

La préservation et la promotion des traditions culturelles bhoutanaises sont donc inscrites dans la constitution et expliquent la similarité entre anciennes et nouvelles constructions. Elles expliquent également que les guides, ainsi que tous les fonctionnaires, élèves, et bien des civils, portent l’habit traditionnel. Même les maisons « modernes », à plusieurs étages, ont un « look » bhoutanais avec des pignons, des décorations sur les murs (non, pas systématiquement des phallus, on n’est pas à Punakha !). 

Du premier au cinquième roi.

Ça peut paraître un peu cavalier d’appeler les rois par leur numéro et non leur nom, mais c’est ainsi qu’ils sont désignés. Aimés par le peuple, ils ne règnent plus car le Bhoutan est une monarchie constitutionnelle depuis une douzaine d’années, mais sont partout, en photo, en dessins. « Le roi et son épouse vivent dans une petite maison à un étage, comme tout le monde ! » nous dit Tashi. 

Le Lac de Feu

Comment se fait-il que le Bhoutan existe encore ? 

Coincé entre deux super puissances qui ont démontré par le passé des visées expansionnistes, le Bhoutan aurait pu être envahi soit par la Chine soit par l’Inde. Ça ne s’est pas fait. Résultat de la protection de leurs divinités ? Ou difficulté géographique ? Hautes montagnes au nord, gorges et vallées encaissées au sud, une forteresse en soi. Il est possible également que l’habileté diplomatique des rois ait joué un rôle. Peut-être aussi que ces deux géants ont trouvé plus confortable d’avoir un Etat-tampon qui minimise leurs frontières communes. L’invasion du Tibet, pays très proche culturellement, a incité les Bhoutanais à se tourner vers l’Inde pour son développement économique. C’est encore le cas actuellement car ce pays investit  d’importantes sommes, par exemple dans de très gros projets hydroélectriques. 

Trongsa, son Dzong, sa vallée en forme de gorge, son grand barrage en construction. 

Après avoir appris que la sauvegarde de l’environnement est un des facteurs du Bonheur National Brut, il est un peu surprenant de voir le flanc de la gorge partiellement déchiré par des routes de fortunes acheminant ce qui est nécessaire à la construction d’un barrage. Cela dit, ce n’est aucunement une critique, il faut bien que le Bhoutan vive, et l’énergie hydro-électrique est sans doute une des moins polluantes qui soit, une fois la construction achevée. Mais c’est curieux !

Ganthey

Cette sauvegarde de l’environnement implique aussi qu’on ne grimpe pas sur les montagnes, on n’installe pas de stations de skis, on ne déboise pas, au contraire, on plante et replante. Oui, il y a un certain tourisme de trekking, mais pas d’alpinisme. Ça doit rendre nerveux certains collectionneurs de sommets de savoir qu’il y a tous ces 7000 encore invaincus ! Ceci fait du Bhoutan le seul pays au monde au bilan carbone négatif. À lui seul, il ne pourra cependant pas sauver la planète, mais s’il nous fallait une preuve que c’est possible, nous l’avons sous nos yeux. 

Ça implique évidemment certains sacrifices. La constitution impose un minimum de terres boisées. Je ne me souviens plus du chiffre exact mais j’ai en mémoire 66%. Or, ça laisse peu de place pour l’agriculture dans un pays qui se voudrait autosuffisant. L’autre souci provient du fait que les jeunes, de plus en plus instruits, ne veulent plus effectuer les durs travaux des champs. Dommage collatéral d’une instruction gratuite pour tous. Gratuite, mais… pas obligatoire !

Alors, les Bhoutanais, heureux ?

Un certain taux de chômage des jeunes, des problèmes d’alcoolisme, l’impression de n’avoir pas un niveau de vie suffisant, le manque d’exercice physique, sont les principaux problèmes mentionnés par les Bhoutanais auxquels j’ai parlé. Mais globalement oui, ils dégagent une sérénité qu’on peut leur envier.

Tashi, notre guide

Après une semaine de route plus ou moins vertigineuses, nous avons vu des dzongs, Punakha, des temples, Trongsa, encore des temples, Bhumtang, des montagnes et des forêts, Gangtey, des chorten,s des temples, nous revenons vers les villes. Demain, c’est Paro et la grimpée attendues et redoutée vers le Nid du Tigre.

17 octobre 2018- mercredi – déjeuner sur l’herbe


Il paraît que pendant la nuit les chiens ont aboyé sur la place devant l’hôtel. Je n’ai rien entendu.

Réveil dans une Thimphu qui ne montre que les stores baissés de ses devantures. Tout est fermé pour les élections. Nous remontons la vallée sur quelques kilomètres, direction un temple ! Une quarantaine de minutes de marche en grimpée et nous voilà arrivés. Belle vue sur la vallée, on croise nos premiers touristes, en majorité anglophones, et on souffre de l’altitude. On devrait avaler ces quelques kilomètres facilement, mais le corps nous rappelle que l’air est plus rare, et que les ans se font plus nombreux. J’imagine que cette petite balade permet à Tashi de se faire une bonne idée de notre (manque de) condition physique ! Là-haut, des moines méditent pendant trois ans, trois mois et trois jours. 

À l’entrée, un guichet vide et un livre de visite que notre guide remplit pour nous. Ce guichet servira peut-être dans un futur proche à encaisser des droits d’entrée pour les touristes indiens.

Les ressortissants de certains pays du sud-est asiatique ne payent en effet pas le fameux visa hors de prix. Or, ils constituent la moitié des touristes entrant au Bhoutan. Il est donc question de leur demander une contribution au maintien du patrimoine local, contribution qui, pour nous, est comprise dans le prix du visa.

Nous ne pouvons pas tout visiter. Il semble que quelques indélicats se sont autorisé à photographier des endroits « interdits » et ont posté les images sur les réseaux sociaux. Résultat des courses : punition collective.

Le repas est un pique-nique sur l’herbe, mais quel pique-nique ! Pendant notre visite du Temple, Sonam est allé chercher le repas. Riz, poulet, piments, autres légumes, fruits, thé, café, sortent d’un panier qu’on croirait sans fond. Assis sur l’herbe, nous sommes rapidement rejoints par une dizaine de chiens que j’hésite à appeler sauvages. 

Takins

Ils ne sont à personne, donc ils sont à tout le monde. Ces chiens ne sont pas agressifs, ils semblent bien soignés, bien nourris par la communauté, mais un peu craintifs. Ils attendent la fin du repas pour se précipiter sur les restes. Tashi veille à ce que le plus maigre puisse avoir une bonne part du butin. Une fois que nos plats et nos assiettes sont vides, ils s’installent autour d’un autre groupe.

Cette attention portée aux animaux, à tous les animaux, sera constante pendant tout le voyage.

Nous quittons le bord de la rivière et croisons un groupe de touristes indiens. Tashi nous apprend que pour eux, rien que le fait de se retrouver au bord d’un cours d’eau rapide et propre est une source d’émerveillement et qu’une bonne partie d’entre eux préféreront passer la journée au bord de l’eau plutôt que de grimper jusqu’au Temple. 

C’est le début de l’après-midi quand nous reprenons le chemin de Thimphu. 

Un des personnages historiques les plus connus du Bhoutan est le Drukpa Kunley, le fou divin. Nous reviendrons sur sa vie, ses œuvres, mais une des plus remarquable est la création du Takin, à partie du cadavre d’une vache et d’une chèvre. 

Un parc zoologique sur les hauteurs de la capitale en abrite quelques dizaines. Peureux, ils ne s’approchent pas des visiteurs.

Surmontant la capitale, un des plus grands Bouddhas du monde, de bronze et d’or. Construite pour le 60èmeanniversaire du quatrième roi, elle a été financée par des fonds de Chine et de Singapour. Dans la douceur de l’après-midi, de nombreux Bhoutanais se promènent à l’ombre de la statue.

Retour en ville pour la visite du Chorten de Thimphu. Un Chorten est un monument religieux qu’on connaît aussi sous le nom de Stupa. Celui-ci a été construit en 1974 en l’honneur du troisième roi, Druk Gyalpo, Jigme Dorji Wangchuck (1928 – 1972). Contrairement à la plupart des Stupas, il ne contient pas de restes humains. Des Bhoutanais de tous âges en font le tour, dans le sens des aiguilles d’une montre, en animant les moulins à prière. C’est également un lieu de socialisation. Peut-être commentent-ils les résultats des élections du jour ?

Des cables semblent ancrer le monument au sol, résultat d’un rêve de l’architecte qui avait vu son œuvre s’envoler. 

Retour à l’hôtel et à son « Swiss Restaurant ». Demain nous quitterons la capitale.

Mardi 16 octobre 2018 – ça c’est du vol !

Il y a deux problèmes, vous diront ceux qui souhaitent se rendre au Bhoutan :

  • Le prix du « visa touristique », 250 dollars par jour et par personnes, incompressible, qui permet au Bhoutan d’échapper au tourisme de masse.
  • L’accès. Car à moins de venir depuis l’Inde par la route, et je ne suis même pas certaine que ça soit autorisé pour les touristes non-indiens, il faut voler jusqu’à Paro.

Et ça, c’est une aventure en soi.

La piste est courte, étroite, l’atterrissage se fait à vue après des zig-zags entre les montagnes, il n’y a qu’une poignée de pilotes autorisés à s’y poser et en cas de vents importants, l’aéroport ferme.

Soyons honnête, c’est impressionnant, mais pas de quoi trembler sur son siège. Bien des vidéos Youtube ont été prises par des passagers ou co-pilotes.  J’étais préparée.

Pour le premier point, soit le prix du voyage, il faut savoir que ce coût de $250 (auquel il faut ajouter encore $60/jour si on est seul ou à deux) comprend le gite et le couvert, le guide et le chauffeur. Donc on s’y retrouve vite. Bien sûr, ça reste un voyage qu’on ne fait pas à la légère, on y réfléchit, on compte ses sous, on économise et pendant ce temps, on lit, on se renseigne, et enfin on franchit la porte de l’agence de voyage. Ce n’est pas comme partir à Barcelone sur un coup de tête.

Et c’est exactement ce que veut le Bhoutan.

Aéroport international de Paro

 

Des touristes renseignés et décidés.

Dans l’avion – un ATR quelconque d’une quarantaine de places de la compagnie nationale Drukair (difficile de ne pas penser systématiquement à Michel), principalement des têtes grises. A peine plus d’une heure de vol, un petit-déjeuner et on se pose après le zig-zag précité.

Le Bhoutan… son petit aéroport qui gère une poignée de vols internationaux plus quelques vols internes quotidiens, et l’impression d’avoir changé de monde par rapport à Katmandou pourtant si proche. Déjà, on respire !

Une fois l’immigration passée, les bagages récupérés, l’ATM dévalisé, nous faisons connaissance de Tashi le guide et de Soman le chauffeur qui nous accompagnent pour les dix jours du séjour.

Ils portent l’habit traditionnel, le gho, qu’ils ne quitteront que le soir, une fois leur mission accomplie.

On s’aperçoit vite que Tashi est sympa, un puit de science pour ce qui concerne son pays, sans doute un peu atypique puisqu’il arbore tatouages et nous parle rapidement de son deuxième métier : chanteur !

Le véhicule ne nous dépayse pas : c’est un gros 4×4 Toyota, du genre que nous avions utilisé pour traverser l’Islande et ses rivières à gué. Je me dis que c’est un peu exagéré (gaspillage de ressources, tout ça….). L’avenir me donnera tort.

La route vers Thimphu la capitale est bonne, tortueuse mais confortable. Un premier arrêt vers un temple nous apprend la première règle : no shoes = no photo. Si on doit se déchausser, les images seront également interdites.

A l’arrivée dans la capitale, nous nous dépêchons de visiter quelques musées. Demain, c’est jour d’élections, les troisièmes de l’histoire du pays qui renouvelle son parlement. Tout sera fermé pour permettre aux citoyens de se rendre aux urnes.

Nous profitons donc de ce jour pour voir le Musée du Textile et ainsi admirer la complexité des dessins qu’on peut trouver sur les habits traditionnels, les tentures, les tapis.

Halte ensuite au Folk Heritage Museum qui est situé dans une maison de maître du XIXème siècle et nous donne un aperçu de la rude vie des locaux. Un étage est pour les bêtes, un pour le grain et les provisions, et le dernier pour l’habitat. Il se compose d’une cuisine, d’une pièce à vivre et d’une pièce qui sert d’autel. Ah oui, il y a aussi des toilettes.

Enfin, nous faisons un court arrêt à l’institut du Zorig Chusum, où l’on apprend les arts traditionnels : peinture, sculpture, chant, travail des métaux du bois ou du textile qui permettent de préserver la connaissance nécessaire aux nouvelles constructions ainsi qu’au maintien et à la restauration des trésors architecturaux nationaux.

Les élèves sont admis sur concours dans cette école quasiment gratuite.) gratuite.

L’heure avance, nous sommes partis tôt de Katmandou et c’est avec bonheur que nous découvrons l’hôtel Sernya et son Swiss Restaurant (!!)

Sur la carte, c’est avec pas mal de stupéfaction que je lis raclette, fondue, röstis. C’est un Bernois qui a découvert le Bhoutan avec Helvetas qui a fondé l’endroit. Celui-ci est tenu par un de ses enfants.

L’heure de s’endormir en se remémorant aussi le choc du jour : l’Everest qui nous regarde droit dans les yeux entre Katmandou et Paro.

Katmandou – 14 et 15 octobre 2018 – Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Encore un voyage préparé avec amour (j’espère) et grand soin par Marlène, chez Globetrotter à Fribourg.

En route vers le Bhoutan, nous passons deux jours à Katmandou. En effet, il n’est pas possible de voler directement vers l’aéroport international de Paro. De toute façon, m’a-t-on jamais vu refuser une halte dans une destination originale ?

Pour moi, la capitale du Népal résonne encore du bruit des hippies venus y chercher l’illumination ou les paradis artificiels, à moins que ça ne soit les deux, à moins que les deux se confondent…

À l’aéroport, passage par des automates qui délivrent les demandes de visas, puis par la caisse, et enfin, par les officiels de l’immigration, donc beaucoup de temps pour observer les voyageurs en faisant les diverses queues. On distingue facilement les trekkers qui vont continuer sur l’Himalaya des autres touristes. Ils sont maigres, souvent grisonnants, ont de très beaux sacs à dos ainsi que des chaussures qui ont dû coûter presque autant que le prix du vol.

Le premier choc vient du trafic en sortant de l’aéroport ! Fou, bruyant, et… à gauche. Je ne sais combien de foi j’ai cru à la collision. Le deuxième, c’est la pollution. Je pensais avoir tout vu à Pékin mais j’ai bien plus souffert à Katmandou.

Deux jours à crapahuter, guidés par Bharat, (bon guide anglophone, je tiens son @gmail à votre disposition). Si vous n’aimez pas les temples, choisissez une autre destination. Si vous n’aimez pas la foule également. En revanche, si vous acceptez d’être ébloui, étonné, bousculé, il y a de quoi remplir quelques belles journées.

Nous visitons également Patan et Bhaktapur, deux villes tellement collées à la capitale que je n’ai pas vu la transition.

Dans la partie ancienne de la ville, vous trouverez des bâtiments en brique dont les portes, les fenêtres, sont en bois finement travaillés. Des ouvrages qui demandent une dextérité à peine imaginable ainsi qu’une patience d’ange. Durbar Square montre d’incroyables temples et est en même temps un lieu d’une infinie tristesse. Le tremblement de terre de 2015 a balafré la ville et détruit des trésors d’histoire et d’architecture. Tout se reconstruit ou se restaure lentement, avec l’aide de gouvernements étrangers ou organisations internationales, mais les dégâts infligés à ces bâtiments incroyables ne font que souligner ceux qui ont décimé la population.

Dans une ville où les systèmes d’égouts et d’eau courante sont rudimentaires, on imagine aisément le coût humain d’une telle catastrophe.

En plus de la circulation folle, en voiture, deux roues, ou à pied, on croise, se promenant librement, des vaches, animaux sacrés. D’autres bêtes n’ont pas la chance d’être bénies par l’hindouisme. Nous sommes en pleines festivités et c’est le temps des sacrifices. J’ai vu une chèvre à qui on allait trancher la tête… des poulets à qui on réservait le même sort, mais j’ai détourné la tête au moment fatal. Hypocrisie que de manger de la viande sans vouloir assister à la mise à mort ?

Un peu plus loin, j’assiste au partage de la carcasse d’un buffle. Autour, des chiens des rues attendent qu’on veuille bien leur laisser quelques bas morceaux.

Dans les quartiers les plus touristiques, on est assailli de vendeurs « good price, I made this bag myself, cheap price » qui ne semblent pas se contenter d’un « no, thank you ». Un peu plus loin, une jeune fille qui apprend l’anglais demande si elle peut se joindre à nous pour entendre les explications du guide. Encore plus loin, de faux moines en habits colorés proposent de se faire prendre en photo contre monnaie sonnante et trébuchante.

Dans un bâtiment ancien vit la Kumari. C’est une toute jeune fille, elle doit avoir entre cinq et sept ans, et vit au premier étage du Kumari Bahal, petit monastère bouddhiste aux extraordinaires gravures sur bois. On peut visiter la cour intérieure et voir la fenêtre par laquelle elle vient parfois observer et bénir du regard ses visiteurs. Elle est une déesse vivante qui est soigneusement choisie entre autre pour son caractère – elle ne doit pas être craintive – et reste enfermée dans son palais jusqu’à la fin de son « temps de service » à environ douze ans, âge à laquelle elle prend sa retraite et reçoit pour le reste de ses jours une pension de l’Etat.

Lorsqu’elle nous fait grâce de son regard, il est interdit de la photographier. Vous devrez me croire sur parole lorsque je vous dit qu’elle n’avait pas l’air particulièrement de bonne humeur.

Nous pouvons assistons à quelques démonstrations dans des boutiques soigneusement choisies par le guide (j’imagine qu’il touche son pourcentage) d’utilisation de bols chantants, de création de poterie, de choix de pashminas, de peinture de mandalas.

Les trois formes de temples sont la pagode, la forme de montagne et le dôme. C’est ce dernier qui m’a le plus impressionné, il faut dire qu’entre celui qui domine la vallée de Katmandou et celui qui offre une oasis de calme, blancheur et propreté, à quelques dizaines de mètres de l’enfer de la circulation, la ville est gâtée.

Un dernier passage près d’un temple très révéré des hindous, au bord de la rivière Bagmati. Celle-ci est sacrée et va se jeter, bien plus au sud, dans le Gange. Là, les hindous brûlent le corps de leurs défunts avant d’en confier les cendres à la rivière. Autour, des centaines de singes profitent du passage des touristes ou des fidèles pour récupérer un peu de nourriture.

A chaque repas, bien que des plats occidentaux soient proposés, j’ai choisi de la nourriture locale. Je connais donc le poulet au curry, le sanglier au curry, le tofu au curry, le mouton au curry… Je suis presque soulagée de ne rester que deux jours au Népal.

Blague à part, c’est très bon !

En deux jours, j’ai en même temps l’impression de n’avoir fait que survoler l’histoire millénaire de la ville et d’avoir été épuisée par celle-ci. Katmandou est un tourbillon.