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Jour 3 – Mardi 24 octobre –  Aralsk – Mer d’Aral.

Il faut sauver, non pas le soldat Ryan ou Willy. Il faut sauver la mer d’Aral.

J’ai toujours cru que le seul critère qui différenciait une mer d’un lac était la salinité de l’eau. Il semble que j’ai tort. J’aimerais bien étaler ma science tout droit issue de la lecture d’une page wiki, mais… internet par ici ce n’est pas gagné !

La mer d’Aral, nommée ainsi, m’a-t-on dit, par analogie avec la mer Caspienne, n’est en fait qu’un lac me confie le pêcheur qui nous emmène faire un tour. Mais that’s not the point.

Si hier encore je me croyais installée dans un confortable été indien, laissant le soleil d’automne caresser mes bras nus, ce matin je suis ramenée à la réalité. -3° !

Mais le soleil brille tant qu’il peut. Le programme disait quelque chose comme « trajet en 4×4 jusqu’à la mer d’Aral ». Les 4×4 maintenant je connais pensais-je. J’en ai conduit un sur les routes les plus reculées d’Islande, franchissant des rivières en folie avec de l’eau au moins jusqu’à mi-roue.

Un 4×4 comme ça, datant de l’époque soviétique, je n’en avais jamais vus. L’intérieur ressemble plus ou moins à celui d’un bus VW de la grande époque. L’extérieur, lui, manque un peu de fantaisie. Cela dit, il nous a amenés sans coup férir jusqu’au nouveau bord de la mer d’Aral.

Depuis 1930, elle a reculé, s’est recroquevillée dans les terres, s’est scindée en deux puis en trois, puis en plus encore d’étendues d’eau, la majorité d’entre elles se sont évaporées, ont disparu dans le sable. Leur principale source d’approvisionnement ayant été détournée pour alimenter les champs de cotons ouzbeques.

L’assèchement de la mer d’Aral a eu de nombreuses conséquences.

Bien sûr, la pêche qui était la principale activité économique, n’existe presque plus. Ce qu’on appelle la Mer d’Aral mineure, celle que j’ai vue, compte encore quelques pêcheurs, mais ce qu’on appelle là-bas la « Grande Aral », est devenue trop salée. Plus rien n’y vit.

Le long de la mer, nous voyons des cimetières de bateaux. Il en reste encore trois, mais ils disparaissent. Alors qu’on devrait les conserver, reliques de la disparition de la mer, les autorités préfèrent les faire disparaître petit à petit, comme une plaie honteuse qu’on veut dissimuler.

Avec la disparition de l’eau, le sable, le sel, et tous les produits chimiques ou engrais qui étaient contenus dans l’eau s’évaporent, sont dispersés par le vent des steppes, et provoquent des effets indésirables sur ceux qui les respirent. Des maladies respiratoires se développent chez les habitants.

Certains villages sont petit à petit ensevelis sous le sable libéré par le recul de la mer.

Conscientes du problèmes, les autorités ont construit un barrage au Sud de l’ « Aral Mineure » entre 2005 et 2007 et, depuis lors, l’eau regagne petit à petit du terrain.

Un autre moyen envisagé pour alimenter Aral Mineure est de détourner l’eau de la rivière Syrdaria

Mais cela impliquerait de mettre en danger un autre écosystème.

Peut-être un jour reverrons-nous un vrai port à Aralsk.

En chemin, nous avons vu un groupe de pêcheurs qui, ayant ramené leurs filets, les démêlent puis chargent le poisson dans un véhicule d’un autre âge.

Nous négocions un petit tour sur la mer, pour 5000 Tenge, de quoi améliorer l’ordinaire d’un pêcheur.

Le souci, il y en a toujours un, c’est que la barque est à une dizaine de mètres de la rive et que nous sommes tous en baskets et, souvenez-vous, il fait très froid malgré le soleil éclatant. Comment faire ? Les pêcheurs ont une paire de bottes supplémentaire. Elle ira à la doyenne du groupe (73 ans). Une autre touriste, Maggie* l’idée du bateau. Les deux anglais et la guide envisagent de se déchausser et de traverser les 10 mètres pieds nus.

Il fait si froid que j’ai mon bonnet, mes gants, mon écharpe… ceux qui me tenaient chaud il y a quelques mois face aux icebergs du Groenland. J’abandonne.

C’est là que la guide dit en regardant les anglais : « Look at those brave English guys !» Ah, il ne fallait pas chatouiller ma fierté nationale (ou il ne sera pas dit que les femmes manquent de courage, au choix).

Je laisse mes baskets avec les autres et je cours dans l’eau.

Quelles belles 20 minutes sur la mer d’Aral. Il faisait si froid que j’ai failli écrire Lac Baïkal ! L’impression d’y laisser mes orteils est largement contrebalancée par le bonheur d’y être allée.

Un bon thé et quelques heures plus tard ne restent que les bons souvenirs – et un peu de fierté nationale / féminine.

… et beaucoup de souci et un peu d’espoir pour la mer d’Aral.

Bien sûr, le wifi de la Guesthouse est inutilisable.

 

*Prénom modifié.

Jour 2 – 23 octobre 2018 – Almaty – Kyzylorda – Aralsk

Se lever très tôt pour, à l’Aéroport d’Almaty prendre un vol d’Air Astana pour Kyzylorda. Là, trouver le chauffeur du minibus qui roulera environ sept heures pour nous amener à Aralsk.

C’est le résumé factuel de la journée. Le seul « point d’intérêt » fut cet arrêt, au milieu du chemin, dans une cafétéria située non loin d’un « complexe ». C’est un bien grand mot, mais c’est celui utilisé par la guide pour décrire ce… mouais… je ne sais vraiment pas comment le dire autrement…

Il y a un petit musée, la statue d’un bélier, puis un théâtre type théâtre romain à ciel ouvert. Chaque deux ans s’y déroule un festival de musique traditionnelle et cette plaine absolument déserte se couvre de yourtes qui accueillent les festivaliers.

C’est le lieu de célébration du Kobyz instrument traditionnel à deux cordes dont le son est capable de dompter humains et animaux.

L’histoire raconte que Korkyt-Ata est né après une gestation de trois ans et neuf jours. Le jour de sa naissance, il y eut un orage si impressionnant que le bébé fut nommé Korkyt, ce qui veut dire « celui qui est craint». Il aurait vécu 300 ans.

Toute sa vie, il a cherché un élixir d’immortalité et pour le trouver, il a en vain parcouru le monde. Un peu partout il rencontrait des personnes où des événements qui lui rappelaient sa propre fin. De retour chez lui, il s’est assis sous un arbre et a entendu une voix lui dire que, s’il voulait échapper à la mort, il devrait inventer un instrument de musique et en jouer sans cesse.

Il a créé le Kobyz, en découpant une pièce de bois et en la recouvrant de cuir de chameau. Les deux cordes étaient faites de crins de chevaux. L’instrument avait un son merveilleux et, lorsque Korkyt-Ata en jouait, le temps s’arrêtait. C’est ainsi qu’il a tenu la mort à distance.

Un jour, cependant, il s’assoupit. Un serpent en profita pour le mordre. Il avait plus de 300 ans.

C’est ainsi que le corps de Korkyt-Ata mourut, mais à ce jour, il vit encore à travers sa musique.

Ce mémorial curieux lui est dédié. Il a été achevé en 1986, conçu par l’architecte Ivrayev et le physicien Issatayev. Quatre piliers verticaux, en forme de Kobyz, renferment des tuyaux métalliques qui, lorsque le vent souffle, comme s’était le cas lors de ma visite, rappellent le son de l’instrument.

Et sinon, des kilomètres de rien. Plus de trafic toutefois que sur les pistes du centre de l’Islande ou les autoroutes défoncées de la Corée du Nord, mais pas beaucoup plus. Parfois le paysage se pare d’un troupeau de chameaux.

Fascination des Steppes de l’Asie Centrale.

Pour moi qui viens d’un pays où le paysage change radicalement dès qu’on parcourt 100 kilomètres, l’immensité de la pleine a quelque chose d’hypnotisant.

Le soir, nous arrivons à Aralsk, petite ville aux airs de village poussé tout en largeur, qui était, il n’y a pas si longtemps, un port de la Mer d’Aral. Aujourd’hui elle n’est plus que la gardienne du sable alentours.

Mais nous reviendrons largement sur le sujet demain.

La nuit se passe dans une « Guesthouse » qui a des prétentions hôtelières. Mais c’est la première fois qu’une employée à l’air revêche vient apporter le linge, le pose sur le matelas nu, et s’attend à ce que les hôtes fassent eux-mêmes leur lit. Les serviettes de la salle de bain sont en gros de la taille d’un timbre-poste. Et il faut se laver et se sécher dans le noir. Heureusement que je ne suis pas adepte du maquillage. Je ressemblerais sans doute à un clown.

Nuit malgré cela paisible, en bordure d’Aralsk.

 

 

Kazakhstan – Jour 1 – 22 octobre 2017 – Le trajet

Alors que Zurich et son arrogance (souvenez-vous de « Downtown Switzerland » et « Unique Airport) tendent à m’agacer, je dois bien avouer que je préfère décoller de Kloten que de Cointrin. Le seul avantage de ce dernier, c’est qu’Etienne parfois guide mon avion.

A ZHR, je finis par me sentir un peu comme chez moi. Tout juste si je ne reconnais pas les douaniers ou les agents de sécurité d’une fois à l’autre.

Pour Almaty, le plus simple c’est de passer par Istanbul. C’est donc avec Turkish Airlines que je vole pour la première fois. J’ai lu que plusieurs années de suite, cette compagnie aérienne s’est très bien classée dans les rankings. Vaut-elle sa réputation ? Les avions sont propres, la nourriture est étonnamment bonne, mais, comme partout d’ailleurs, on a vraiment l’impression de voyager dans une boite de conserve. Contrairement à mon habitude, j’avais choisi des sièges hublot, espérant vaguement pouvoir m’endormir, la tête contre la paroi de l’avion. Et bien je crois que je ferai le retour côté couloir. C’est oppressant de penser qu’on ne peut pas se lever, faire quelques pas, sans déranger les voisins qui, eux, connaissent le numéro de portable de Morphée.

Jusqu’à Istanbul, j’étais victime d’un manspreader…. Mais bon, vue la taille de ses jambes, il aurait difficilement pu les ranger ailleurs qu’en empiétant sur l’espace de ses voisines. Quelle torture ça doit être de voyager en Economy lorsqu’on est grand !

Sinon, oui, Turkish est une bonne compagnie – so far – si on excepte le fait que j’ai beaucoup de mal à comprendre l’anglais parlé avec l’accent turc.

Et pas seulement l’anglais des hôtesses de l’air ! À l’aéroport d’Istanbul, avant d’embarquer pour Almaty, on passe un nouveau contrôle des bagages. En voyant mon MacBook, l’agent me dit

– Sitchon

– ??

– Sitchon !!

– ???

– Sitchon the laptop !

– Oh… okay… I switch it on.

Après une nuit de non sommeil passée à regarder défiler les noms des villes survolées, j’arrive à l’hôtel. Il est 10 heures du matin. Je rêve d’une douche, d’une sieste, de prendre un coca frais dans le mini bar.

– No you cannot have the room before 12

– Oh… when will the room be ready ?

– It is ready but you cannot have it.

– Why ?

– You have to pay for it.

– Oh…. How much ?

– Well… I don’t know.

Elle m’a donnée la clef, mais pas la permission d’aller dans la chambre. Oh well… je me retrouve à somnoler devant un café au lait avec deux autres voyageurs dans la même situation. Et le wifi qui ne veut pas marcher.

A 12h30 je suis installée, douchée, je me prépare à ma sieste quand on toque à ma porte.

– André ? But… you’re not André !

– (finement observé)

A 14h30 je suis au milieu d’un rêve quand on rentre carrément dans ma chambre.

– Oui ??

La porte qui se referme et des pas précipités dans le couloir.

Rassurant !

Réveillée pour réveillée, je me décide d’aller faire le tour du quartier. Non sans avoir cherché à mettre mon ordinateur et ma tablette à l’abri dans le coffre-fort qui, bien sûr, ne fonctionne pas.

L’automne est aussi beau à Almaty qu’ailleurs. C’est dimanche après-midi et les familles se promènent. Je pousse jusqu’à « Central Park » puis au « Green Bazar ». Par deux fois on m’aborde. Le Kazakhstan compte deux langues officielles, le russe et le kazakh. Ce n’était pas du russe.

Ce soir je rencontre mes compagnons de voyage. Je serai dans un petit groupe. Un des points forts de ce séjour est la visite du Cosmodrome de Baïkonour, or, ça ne se visite pas en dehors de tours organisés. Deux Anglais, deux Australiennes et moi et moi et moi. Notre guide est une Russe qui vit au Kazakhstan depuis le démantèlement de l’URSS.

Tout va bien  – sauf le Wifi qui ne fonctionne toujours pas !

Repas avec le groupe dans un restaurant géorgien des environs. Je sais maintenant que lorsque je visiterai la Georgie, ça ne sera plus seulement parce que l’alphabet est très beau ou que la musique traditionnelle y est superbe, mais aussi parce que… miam.

21 octobre 2017 – Le mur de la cuisine

Lorsque j’étais enfant, le nez collé à la carte du monde, je m’extasiais sur la taille de l’URSS. Mon père me parlait de pays disparus, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, égarés à jamais dans cette immense masse verte.

Bien plus tard, un prof d’histoire-géo, toujours en parlant de l’URSS nous détaillait ces pays en ‘stan’ « Je vous donne les noms, mais vous pouvez les oublier. Souvenez-vous juste qu’il y en avait beaucoup et qu’ils étaient situés plus ou moins au sud. Et moi, je m’étais obstinée à les noter scrupuleusement, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, Le Kazakhstan,… Comme si le fait de les graver dans ma mémoire leur permettait d’exister encore un petit peu.

Bien sûr, arrive Gorbatchev et sa Glasnost. Le mur tombe et, petit à petit, ces pièces de puzzle retrouvent une existence sur la nouvelle grande carte du monde du mur de la cuisine.

Non, ce n’est de loin pas mon premier voyage à l’Est, en revanche c’est mon premier « stan » que je me réjouis de découvrir dès demain.

Lorsqu’on demande à Wikipédia de classer les pays par taille, on trouve, en bonne place le Kazakhstan. Et lorsqu’on voit « Le Souffle », splendide long-métrage qui se déroule dans les plaines de l’Asie centrale, on ne peut que vouloir contempler cette autre sorte d’infini de nos propres yeux.

Voilà. J’espère que ça répond à cette question entendue des dizaines de fois ces dernières semaines : « Mais pourquoi diable le Kazakhstan ? »

1741

15 au 17 août 2017

Ilulissat – Groenland.

L’aéroport international de Reykjavik est minuscule. L’avion qui embarque une trentaine de passagers vers le Groenland également. Seule l’hôtesse est immense.

Après un peu moins de trois heures de vol au dessus de la mer, puis des glaciers et montagnes, nous atterrissons à Ilulissat.

L’aéroport international d’Ilulissat est également minuscule.

Troisième ville du Groenland avec près de 5000 habitants, elle se situe sur la côte Ouest, au centre de la baie de Disko. Elle a été fondée en 1741 par Jakob Severin, d’où son nom original de Jakobshaven.

Après les villages soignés, les lieux touristiques immaculés vus en Islande (le moindre mégot au sol était tellement rare qu’il incitait à se baisser pour le ramasser), c’est le retour à la normale. L’environnement n’est pas (encore) une préoccupation de tous les instants. C’est plutôt la survie dans ce bout de terre et de roc bien au delà du cercle polaire.

Ilulissat n’est pas un village de carte postale. Il n’a pas une vocation touristique. Alors que le réseau routier ne fait que quelques kilomètres, il y a beaucoup de circulation, des véhicules en mauvais état. Comme tout vient par la mer ou par avion, c’est difficile de réparer, alors soit on ne répare pas, soit on fait une réparation de bout de ficelles. Le port abrite des bateaux de pêche ainsi que ceux destinés aux excursions touristiques, ou ceux qui font la liaison entre les diverses localités de la côte. On va de l’une à l’autre en bateau ou en avion. L’hélicoptère n’est employé qu’en cas d’urgence, ou comme moyen de découverte pour les plus fortunés parmi les touristes. On y vit un peu des visiteurs, beaucoup de la pêche. Une usine récolte les crevettes et les transforme avant de les envoyer dans le monde entier.

Le 15, tour à pied. On repère l’ancienne église, le musée d’histoire, celui d’art, les quelques commerces et boutiques d’artisanat.

Le 16, départ matinal à bord d’un bateau comportant une quarantaine de passagers pour le glacier Eqi.

Eqi

Trois heures de mer pour se retrouver à distance respectueuse de ce mur de glace. Winter is coming.

Et là on coupe le moteur, on observe, on écoute le bruit du silence, on se laisse surprendre par la glace qui se détache à intervalles réguliers. Une heure à admirer un des derniers géants du monde.

Respire !

On dépose les quelques courageux qui passeront une nuit ou deux au « Glacier Lodge Eqi ». Je parle de courageux, mais les cabanes semblent toutes très bien équipées. Nous embarquons au passage ceux qui en reviennent. C’est peut-être une aventure à tenter si vous voulez découvrir cette partie-là du Groenland.

Retour le soir à Ilulissat, à temps pour voir que deux bateaux de croisière stationnent près de l’entrée du port. Ils sont beaucoup trop grands pour y accéder et des navettes font… et bien, la navette pour emmener les visiteurs, monopolisant le seul ponton « à touristes ».

Le 17, réveil et lecture d’un article du Temps décrivant les feux de broussailles qui s’attaquent au Groenland, suite à un mois de juillet beaucoup trop sec. C’est le moment de bénir la petite pluie qui tombe depuis quelques heures. C’est le moment également de visiter les deux musées de la ville. Etonnement à la troisième fois qu’un touriste s’adresse à moi en allemand. Je réponds dans mon allemande de cuisine, puis en anglais, un peu interloquée. Que se passe-t-il ? Mes cheveux auraient-ils blondi ? Est-ce que je chantonnais « Deutschland über alles » ou « 99 Luftballons » sans m’en apercevoir ? À la fin de la visite du musée d’Art, le conservateur vient me parler (en anglais) et me demande si je suis aussi de ceux du bateau de croisière. Non. C’est là que j’apprends que les deux navires vus près du port sont affrétés par des compagnies allemandes pour leurs nationaux et qu’un bon millier de personnes débarquent chaque matin, puis rentrent à midi pour manger (croisière « all inclusive » oblige) et reviennent peut-être l’après-midi.

J’étais loin de m’imaginer que ce phénomène observé plus tôt cet été à Kotor puis Dubrovnik atteignait également les cotes Groenlandaises. Je cite l’homme de mémoire« They walk around the town, see the museum, and when they realise that they have to pay something, they turn around. They don’t spend a thing here, maybe just a postcard. I’m not sure this kind of tourism is good for us ».

Départ ensuite d’une douzaine de personnes pour quatre heures d’observation des baleines au milieu des icebergs. A nouveau le ponton complètement envahi par les navettes « de croisière », nous attendons notre tour pour enfin embarquer. Sur les douze passagers, huit proviennent des navires allemands. Comme quoi ils nourrissent tout de même un peu l’économie locale.

Temps de chien (groenlandais) comme dit plus haut. La cabine est assez grande pour nous abriter tous, les thermos sont pleins de café ou thé, les plus téméraires, ceux qui ont des doudounes de luxe, des gants en peau de radiateur et des appareils photo entièrement tropicalisés restent au dehors le zoom 500-1000 à l’affut.

En parlant de bien s’habiller, j’avais repéré une doudoune qui me semblait tellement chaude et confortable sur le dos d’une touriste. J’ai soigneusement mémorisé la marque et le modèle dans l’idée de m’en offrir une. Un petit tour sur google m’apprend qu’elle coûte $ 995.- De quoi me faire recracher mon chocolat chaud ! Deux doudounes et je remplace mon Olympus qui décidément se montre peu coopératif depuis le début du voyage.

Au bout d’une heure, nous ralentissons au milieu d’un cirque d’icebergs. Nous voyons au loin d’autres embarcations, le moteur se coupe et on observe. Et c’est à celui qui repérera le premier un dos qui émerge. A celle qui entendra la première le fameux jet d’eau.

Et le ballet commence. Souvent elles longent la paroi des icebergs, parfois se promènent à deux. Après être restées à la surface pendant plusieurs secondes, elles plongent en profondeur, nous montrant leur spectaculaire nageoire caudale. Certaines encore stationnent, leur dos en évidence, pendant de longues minutes. Peut-être qu’elles dorment nous dit la guide.

Retour au port. En chemin vers l’hôtel, j’observe encore une fois les chiens d’Ilulissat. Ils sont répartis autour du village, en groupes. Chacun est enchaîné à sa niche. Les chiens adultes n’ont pas le droit de se promener librement. Il ne s’agit pas d’animaux de compagnie, mais de chiens de traîneaux. Ils ne sont pas dressés pour être aimables, mais pour le travail. On demande aux visiteurs de ne pas s’en approcher, car, même si les incidents sont rarissimes, lorsqu’un chien mord un touriste, il doit être abattu, ce qui n’est drôle pour personne, surtout pas pour le chien. On les observe à bonne distance. Ils sont beaux, forts, curieux. Il est si tentant de s’en approcher.

Les autres races ne sont pas admises sur l’île. Même à l’intérieur de celle-ci, j’ai lu qu’un chien du Groenland qui descend au dessous du cercle polaire n’aura jamais le droit de revenir au dessus.

Et sinon, on y parle le groenlandais, le danois, et volontiers l’anglais. Les quelques affiches dans la langue locale me laissent perplexe. Tant de voyelles et consonnes doublées lui donnent un aspect étrange. La lettre C n’existe pas en groenlandais. D’où cet étrange « abédédaire ». Dans le musée, nous voyons la liste de tous les pasteurs, les facteurs et les médecins de la ville depuis sa fondation. On y trouve un nombre important de « Christian ». Ça a dû rendre aussi perplexe les locaux que moi devant le þ islandais. Les supermarchés ne nous dépaysent pas, moins qu’en Islande, on y trouve les mêmes pampers, soupes knorr, kellogs qu’un peu partout en occident. Le rayon animaux nous apprend qu’il doit y avoir des chats, même si je n’en ai pas vu se promener en liberté, et pas mal de souris, vues les trappes en vente.

Soyons claire : Le Groenland n’est pas pour toutes les bourses. D’abord, il faut y aller. Les trajets depuis Reykjavik sont chers, cela s’explique sans doute par le manque de concurrence ainsi que la taille réduite des avions.

Ensuite, sur place, le coût de la vie dans les supermarchés est raisonnable, de même que la nourriture dans les quelques restaurants du coin. Vous y trouverez plus facilement une petite restauration qui m’avait manquée dans les coins reculés de l’Islande. En revanche, les activités d’exploration de l’île sont très chères. Bien sûr, les vols en hélicoptère, séjours dans les campements, virées sur les glaciers ont un coût justifié, mais, même pour un touriste suisse, ça fait mal à la MasterCard.

 

Et sinon, vous n’avez pas besoin de vous offrir une doudoune à $ 1000. Oui, la sienne avait l’air terriblement cozy, mais ma columbia avec les gants, bonnets, chaussettes et guêtres heat holders par dessus mon jean et mon t-shirt suffisaient largement pour les deux sorties en mer.

On est en été !

Reykjavik.

14 août 2017

Reykjavik.

Dire adieu au Monstre, aux routes cahoteuses, et de rejoindre la capitale pour quelques heures seulement. Le temps de réaliser que l’hôtel est situé dans la rue la plus marchande et la plus touristique, en partie piétonne, ce qui ne gâche rien.

Le temps également de goûter un merveilleux agneau, cuisson lente au four, d’un fondant merveilleux. Si vous voulez aller au Old Iceland (Laugavegur 72), réservez, ou venez tôt, ou priez pour qu’une table se libère au moment où vous arrivez, car les places sont rares et chères.

C’est un très court arrêt, car demain matin, c’est le départ pour une destination bien moins courue : Ilulissat.

Et vous croyiez avoir tout vu avec Eyafjallajükull !

En 1783, le Laki déclencha la Révolution française.

Rien que ça.

et je ne plaisante pas.

Bon. Comme dit précédemment, je ne suis pas Madame Irma. Je ne suis pas non plus historienne, mais selon certains, les suites de l’éruption de 1783 se sont fait sentir dans toute l’Europe et auraient contribué à la révolte populaire. Voir Wikipedia ou cet article du Point.

C’est un panneau Laki 45 km vu en passant qui m’a incité à aller y faire un tour. Un petit tour, après tout, 45 kilomètres. Un peu plus qu’un marathon et il y en a qui le courent en à peine plus de deux heures. C’est quasiment le temps qu’il a fallu pour y aller. Routes défoncées, rivières à franchir dans lesquelles je trouve une plaque minéralogique – non, le Monstre n’est pas seul à perdre les siennes -, croisements hasardeux etc.

Mais aucun regret. À peine au parking, un ranger vient au devant du touriste et lui présente les possibilités de randonnées. Oui, on peut monter sur le Laki et en redescendre en à peu près 1h30. Ça veut dire bien 1h45 pour moi, arrêts reprise de souffle et photo compris. En fait, lui-même n’est pas un volcan, mais une montagne située au milieu d’une série de plus petits cratères qui forment une ligne droite et sur lesquels on a une vue magnifique.

Ce qui devant n’être qu’une petite journée pépère où j’aurais pris le temps de mettre à jour le blog, voire même de m’autoriser une sieste dans la charmante cabane du guesthouse Hunkubakkar, a pris une autre tournure. En bas du Laki, on reprend la route pour aller rendre visite à un cratère, un des rares (le seul ?) dans lequel un lac s’est formé. C’est le Tiarnargigur pour les intimes.

Pour bien terminer la journée, non loin de Vik se trouve une plage de sable noir et des formations rocheuses étonnantes, restes d’éruptions – what else ? Oui, comme on est à portée de la route 1 et qu’il s’agit d’un endroit bien indiqué, il y a foule sur la plage malgré l’heure tardive et le temps maussade. Allez, partageons gaiment les beautés alentours. L’endroit se nomme Reynisfajara.

Le monde à l’envers

12 août 2017

Dans mon monde, on va au Sud pour voir la mer.

Normalement.

Premier jour au Sud de l’ile et je vais voir des glaciers. Le fabuleux, l’extraordinaire, le majestueux, le splendide, l’impressionnant, le royal, le fier, le souverain, le somptueux, l’imposant, l’époustouflant Vatnajökull laisse trainer ses langues bas sur la plaine et on imagine aisément qu’il ait pu, dans un passé pas si lointain, les enfoncer jusque dans la mer.

Certaines de ses langues rappellent un peu le glacier du Rhône de mon enfance, avant qu’il ne se retranche dans les altitudes, chassé par le réchauffement climatique. FAKE NEWS. En fait s’il recule ainsi c’est plus vraisemblablement par le plus grand des hasards.

Le contraste est d’autant plus saisissant que la neige s’étale sur cette terre noire, colorée par les cendres des dernières éruptions. Il est possible d’aller se promener dessus, voire même dessous, mais uniquement bien équipé et accompagné par un guide expérimenté. Je n’ai pas tenté l’expérience.

 

J’ai eu la chance, peu avant le début de mon voyage, de découvrir l’auteure Alda Sigmundsdottir, Islandaise comme son nom le laisse deviner, qui a grandi dans diverses parties du monde et qui, de retour dans le pays de ses aïeux, écrit sur lui, sur la langue, sur les touristes et le tourisme, etc.

Quelle joie de se plonger dans des récits légers, des anecdotes amusantes, qui donnent un éclairage original sur le pays et ses habitants. J’ai l’impression que mes lectures vespérales enrichissent mes pérégrinations diurnes, et inversement.

Quelques uns sont traduits en français, d’autres disponibles en anglais. Je vous invite chaleureusement à les découvrir pour préparer au mieux un futur voyage.

Le petit livre du peuple caché nous conte les histoires et légendes des elfes et autres créatures islandaises.

Le petit livre des Islandais du temps jadis nous conte comme son nom l’indique la manière de vivre en Islande avant que la modernité et les hordes de touristes l’envahissent.

The little book of tourists in Iceland, devrait être votre première lecture. Vous saurez ainsi comment être le pire touriste bien vous comporter.

The book of the Islanders devrait être votre deuxième lecture. Amazon ne le vend plus que d’occasion, et en anglais. Cela dit, il devrait être trouvable en français et neuf. Je l’ai vu de mes yeux vu à Husavik.

 

Les moutons islandais vont toujours par trois.

 

 

11 août 2017

Mes amis, j’ai passé une bien curieuse journée. La nuit dernière, peinant à trouver le sommeil, je zonais sur Facebook et suis tombée sur l’article suivant :

http://tcrouzet.com/2017/07/25/20-raisons-de-ne-pas-voyager-en-islande/

Je l’ai lu et au premier abord ai rejeté en bloc cet écrivain qui crachait sur mon magnifique voyage. Et j’ai relu. Toujours aussi perplexe, remettant en questions mes certitudes. Peut-être est-ce moi, l’idiote du voyage. Décidément, l’Islande que M. Crouzet a visitée en juillet n’est pas la même que celle que je parcours en août. Au jeu des 7 erreurs j’en compte 777, au bas mot.

 

Alors je suis allée lire son journal de juillet.

Et j’ai compris que nous n’avons effectivement pas visité le même pays. Il ne faut pas s’étonner de ne pas trouver la nature sauvage si on se contente de Reykjavik et des endroits les plus touristiques. Quand on a pris la peine de louer un 4×4, il est franchement dommage de s’arrêter à la route 1.

Allez. Point par point.

  1. Si tout le monde dit que l’Islande c’est merveilleux, c’est peut-être que l’Islande est merveilleuse. Non ? Okham, son rasoir, etc.
  2. La haute densité des touristes me fait bien rire. Moi qui ai roulé des dizaines de kilomètres sans voir âme qui vive.
  3. Et ? Heureusement, tous les touristes ne suivent pas les mêmes chemins. « Mais les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. »
  4. En dehors de quelques hôtels, j’ai dormi dans quatre guesthouses. Aucune ne m’a donné l’impression de servir de dortoir à touriste. Elles étaient souvent décorées avec charme et goût. L’accueil était sympathique et chaleureux. Allez savoir, peut-être est-ce mon charme personnel qui m’attire la sympathie ? Mais je m’en voudrais de généraliser à ce point. Il me reste encore une guesthouse à visiter. Fera-t-elle pencher la balance ?
  5. En effet, j’ai croisé plusieurs non Islandais dans le service. Mais non, ils ne m’ont pas paru faire preuve de mauvaise volonté ni ne se sont empressés de me réserver un accueil déplorable, au contraire. Mon charme ici encore a dû fonctionner à plein régime.
  6. Ah oui, l’Islande est au Nord. C’est un scoop. Et nous qui nous moquons volontiers du manque de connaissances géographiques des Etatsuniens…
  7. L’Islande n’est pas un pays sauvage ? J’ai failli recracher mon Skyr en lisant ça. Et puis je me suis souvenue. En effet, Reykjavik peut difficilement passer pour le cratère d’un volcan. Je vais me répéter, mais il faut sortir de la route principale qui fait le tour de l’ile. Tiens… c’est comme si quelqu’un visite Zurich puis Bâle puis Genève et vient dire que décidément non, la Suisse n’est pas un pays de montagne, d’ailleurs on n’y skie pas.
  8. Les parkings remplis de bus autour des geysers ou cascades ? Eh oui, ça existe à Gudafoss, à Geysir. Mais je ne sais combien de cascades j’ai pu contempler sans aucun touriste aux alentours. Ici encore, il faut savoir sortir de sa zone de confort et des sentiers battus. Non, je ne conseille pas de rouler hors des pistes, c’est d’ailleurs formellement interdit, mais simplement de ne pas suivre uniquement les routes goudronnées.
  9. Oui, l’Islande c’est cher. Oui, c’est une île isolée. Oui, le climat est rude et il faut donc importer bien des produits. Oui, il y a l’offre et il y a la demande. Mais franchement, va-t-on en Islande pour faire des vacances bon marché ? Il me semble qu’aujourd’hui, il y a des outils comme Google (ou même mieux, Qwant) qui servent à se renseigner. Ou même, à l’ancienne, le Petit Futé ou Lonely Planet donnent des indications fiables sur le coût de la vie. Venir s’en plaindre à posteriori démontre une bien médiocre préparation.
  10. Oui, beaucoup de routes ne sont pas goudronnées. ET C’EST VOLONTAIRE. Même remarque que plus haut. C’est difficilement un scoop. Cinq minutes de recherches l’apprennent à qui veut bien se renseigner.
  11. Il arrive que, dans un refuge de montagne où on se donne beaucoup de mal pour préserver l’environnement et offrir un accueil au voyageur de passage, on se permette de demander une contribution pour l’usage des infrastructures. Il arrive aussi que dans certains rares restaurants on demande également une contribution aux personnes qui souhaitent utiliser les sanitaires sans consommer quoi que ce soit. Ça ne me choque pas. Notons qu’il s’agit souvent d’un bocal posé là avec le tarif indiqué, et que jamais je n’ai vu qui que ce soit contrôler que je déposais bien la somme demandée.
  12. Si on n’aime pas les grottes balsamiques ou les bateaux remplis de touristes, On n’est en aucun cas obligé de s’embarquer dans l’un ou de pénétrer dans l’autre. Contrairement à la Corée du Nord où on vous dit « visitons tel musée » ou « allons voir ce temple », les excursions touristiques en Islande ne sont pas obligatoires. Et partout où je suis allée, les prix étaient clairement indiqués.
  13. Très peu de chemins de randonnée ? Mais où donc vont les milliers de randonneurs qui randonnent en Islande ? J’en ai vu beaucoup à Hrauneyjar, à Landmannalaugar, à Kerlingarfjöll, à Hveravellir.
  14. Conditions climatiques difficiles ? Eh oui. Un petit coup d’oeil à la carte du monde montre que l’Islande est très au Nord. Monotonie du paysage ? Nous n’avons pas vu le même.
  15. Hors de Reykjavik on ne trouve personne. Il faudrait savoir ? Ce qu’on reproche à l’Islande, c’est qu’elle soit bondée ou déserte au juste ?
  16. Tant mieux ! Ça permettra de faire venir les gens qui manquent au point 15 !
  17. Pour les conditions de voyage déplorables, ici à nouveau je n’ai pas vécu la même expérience. Il faudra que je fasse un check up pour vérifier d’où me vient ce petit supplément de charme.
  18. Alors là, je ne suis pas Madame Irma, et je ne peux pas prédire ce que feront les tour opérateurs. Pour l’instant, j’ai plus croisés de voyageurs individuels que de clients de grands groupes. Est-ce que ça va durer ? No lo se.
  19. Oui, l’Islande c’est cher. Non, on ne dort pas dans des conditions infâmes (en tout cas pas moi…. la chance et le charme !). Oui, la Grèce est moins chère et il y fait une température plus clémente. Alors pourquoi diable s’obstiner à vouloir aller en Islande. Vous seriez-vous trompé d’avion ?
  20. CF 19. Pourquoi aller en Islande ? Erreur de Google qui, lorsque vous avez tapé Reykjavik vous a redirigé sur la page de Phoenix ?

Ma grande perplexitude à la lecture des 20 points m’a accompagnée lors de cette journée de route (avec deux arrêts promenade, les deux pour aller voir une chute d’eau hors des grands circuits touristiques, en l’absence de cars de tour opérateurs).

À chaque découverte de nouveau paysage, j’avais le « oh que c’est beau » facile, accompagné in petto par un « oh que c’est cher » ironique.

Mais alors ? Est-ce que M. Crouzet ment ? Absolument pas. D’ailleurs je conseille vivement à tous ceux qui souhaitent partir en Islande de lire son journal de juillet 2017 et ses « 20 raisons ». Je pense que lui et moi n’avons pas les mêmes attentes face à un voyage et qu’il ferait mieux de viser des destinations plus clémentes au niveau tarif, température et implantation de Starbucks.

Il est vrai, qu’il est dommage pour n’importe qui dépenser de l’argent durement gagné dans une destination qui ne nous convient pas.

Donc oui, lisez-le et examinez vos attentes avant de vous précipiter chez votre agent de voyage.

Tout ceci me mêne à Kirkjubaejarklaustur pour deux jours.

Et le moutons islandais me demandez vous ? Ah oui, et bien ils vont toujours par trois.