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Jour 5 – Vendredi 14 avril 2017 – Pyongyang – Nampo – Pyongyang

En descendant au rez-de-chaussée pour prendre le petit-déjeuner, l’ascenseur s’arrête à l’étage numéro 7, sort du noir une guide Nord-Coréenne, reconnaissable à son badge. Sort du noir ai-je dit, car aucune lumière n’illumine l’étage. Pour en avoir parlé avec d’autres touristes, tous ont fait la même expérience. Etage 7 = noir absolu. Au rez-de-chaussée, près du restaurant où nous prenons notre petit-déjeuner, deux tables avec fax, horloges reglées sur plusieurs fuseaux horaires, panneaux « Associated Press », ordinateurs portables, caméras, valises de matériel audio-visuel. La guerre déjà ? Non, on me dit qu’ils sont là pour couvrir la grande fête du 15 avril, anniversaire du Kim-Il-Sung, le lendemain donc.

Nous partons dans notre fidèle minibus vers l’Ouest pour visiter un immense barrage à Nampo. L’autoroute est encore plus grand et, oui c’est possible, en plus mauvais état que celui qui mêne au Sud. Arrivée sur place, panne de courant. Une fois celle-ci terminée, on nous emmène dans une salle où trône une maquette de la construction et un grand écran plat. Projection d’un film d’une quinzaine de minutes sur la réalisation de cet ouvrage, ma foi très impressionnant. Ce barrage avec des écluses fait 9 kilomètres de long et est le passage obligé de tous les bateaux. Il assure l’irrigation d’une bonne partie des terres de l’Ouest, jusqu’à Pyongyang.

Barrage de Nampo

Barrage de Nampo

Pour une Valaisanne comme moi, un barrage doit produire de l’électricité. Ce n’est pourtant apparemment pas le même but pour celui de Nampo. J’ai utilisé mon ami Google à mon retour, qui n’a pas su m’éclairer – dommage pour un tel sujet.

En parlant de Google, avant mon départ, j’avais, à l’aide du programme du voyage et de google maps, préparé et imprimé un itinéraire. En me voyant le consulter la guide m’a demandé ce que c’était. Je lui montre la carte, les trois points hors de Pyongyang qui correspondaient à nos excursions. Elle prend la feuille, la regarde longuement, me la rend en demandant : « Qu’est-ce que c’est *Google* ? »…

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« Qu’est-ce que c’est *Google* ? »
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Cette question, dans la bouche d’une jeune femme de 26 ans trilingue, universitaire, fille de diplomate. Où ailleurs qu’en Corée du Nord pourrait-on la poser ?

« C’est un site internet où on trouve beaucoup d’informations ».

Voilà.

Au retour vers Pyongyang, nous aurions dû pique-niquer et voir un temple mais la pluie nous en empêche. Comment un pique-nique pourrait-il nous priver de la visite d’un temple ? Maintenant que j’ai vu l’état des routes hors de localités, je comprends mieux. Nous reprenons donc le chemin de la capitale où nous mangeons dans un restaurant – désert. L’après-midi est bien occupée par la visite d’une sorte de cité des sciences, réalisation nouvelle ouverte en 2016 à l’impulsion du Grand Maréchal que nous aimons tant. Une des premières choses que nous admirons est une agora. Le siège où Kim-Jung-Un a posé le sien est à jamais marqué d’un plot rouge et malheur à qui voudrait s’y asseoir à son tour. Diverses salles et expositions plus ou moins interactives et très désertes se suivent et ressemblent à ce qu’on peut admirer dans bien des villes du monde. Seules les expositions destinées aux enfants comptent quelques jeunes visiteurs. Etant assez friande ce ce type d’attractions, j’ai regretté de ne pas comprendre les explications écrites en Coréen.

Cité des sciences

Cité des sciences

Cité des sciences

Ailleurs, d’autres salles comptent des dizaines d’ordinateurs, certaines sont dédiées aux enfants et n’offrent qu’un accès à l’intranet du musée. D’autres sont destinées à toute personne majeure qui le souhaite et donnent accès à, je cite, l' »Intranet » qui est, à ce que j’ai compris, l’internet purement Nord-Coréen. Toute personne ? Mais où sont les visiteurs ? Le bâtiment est quasiment désert. Y-a-t-il des heures pour les touristes et des horaires pour les autres ? Pas de réponse. Le bâtiment est d’aspect moderne et alimenté, à ce qu’on nous dit, entièrement à l’énergie renouvelable.

USS Pueblo

 

Musée de la Guerre

Musée de la Guerre

Départ ensuite pour le Musée de la Guerre qui parle principalement de la celle de Corée (1950 – 1953). Celui-ci comporte une partie extérieure dans laquelle les photos sont autorisées, et un bâtiment neuf destiné à glorifier les héros nationaux et démontrer les atrocité des autres. A l’extérieur, sur la rivière Pothong, est stationné l’USS Pueblo, navire Etatsunien capturé par la Corée du Nord en janvier 1968. Dans le musée, nous avons droit à nouveau à un petit film en français, dont le commentaire, déclamé sur fond de musique martiale, nous dépeint le déroulement de la guerre, vue du Nord. Nous sommes, comme dans chaque point touristiques, accompagnés d’une guide locale. Ces dernières sont usuellement habillées d’une robe traditionnelle très colorée et ample qui dissimule leurs formes. Celle qui nous a escortés au musée de la Guerre porte un uniforme militaire près du corps. Alors qu’en général j’ai regretté le manque de communication possible avec les Nord-Coréens, j’étais infiniment heureuse que cette guide ne comprenne pas le français et ait été épargnée par les commentaires douteux de mes compagnons de voyage.

La suite de la visite se déroule un peu en dehors de la ville, aux studios de cinéma de Pyongyang. En fait de studios, nous avons vu des décors extérieurs en dur. Des rues faites d’anciens temples et bâtiments de l’époque Koryo, des ruelles bordées de chaumières, un quartier européen, une rue chinoise, une rue japonaise. Il aurait fait bon y flâner mais la pluie décidément voulait gâcher notre journée.

Décor de cinéma

Décor de cinéma

Décor de cinéma

Avant de rentrer, nous mangeons dans un restaurant, bondé cette fois, mais uniquement d’européens. J’y retrouve entre autre, quatre jeunes romands croisés déjà à l’aéroport et à l’hôtel. Les quelques milliers de touristes qui visitent chaque année la République Populaire Démocratique de Corée doivent faire tourner une sorte d’économie parallèle. Ce sont les seuls clients des restaurants que j’ai vus, des boutiques de souvenirs où on nous a trainés, les principaux clients également des hôtels.

Retour au nôtre. Les tables d’Associated Press sont toujours là.

Je passe le reste de la soirée à regarder Al Jazeera. Les préparatifs de la fête du Soleil – le lendemain – vont bon train. Trump a décidé d’envoyer un porte-avion dans les parages et son vice-président dans la région. Tous craignent que le jeune Kim ne profite de la grande fête pour lancer plus qu’un feu d’artifice dans le ciel du pays du matin calme.

 

Coucher de soleil sur Pyongyang

(à suivre)