Archives quotidiennes : 5 mai 2017

Jour 6 – Samedi 15 avril 2017 – Juche 106 – Pyongyang

Le 15 avril est un jour de grande fête. C’est la date anniversaire de Kim-Il-Sung, grand soleil. Jour, donc, du soleil.

Nous partons en bus pour la « colline avec une très belle vue », traduction approximative de Mangyongdae où se trouve, restaurée, la maison natale de Kim Il Sung dans un charmant parc arborisé. On admire la chambre, la cuisine, les outils, la jarre déformée parce qu’ils étaient trop pauvre pour avoir une jarre normale. Bien qu’il soit encore très tôt, la file de touristes et de locaux s’allonge vite. D’après la légende, Kim a quitté sa famille à l’âge de 13 ans et a promis de ne revenir que lorsqu’il aurait bouté les Anglais hors de France, ou peut-être les Japonais hors de Corée.

Le moment où Kim-Il-Sung adolescent quitte sa famille pour conquérir le monde

Jarre déformée de Kim-Il-Sung

Tout proche se trouve l’entrée d’un parc d’attraction. Il est désespérément vide. Quand donc s’amusent-ils ? On me répond que l’heure d’ouverture n’est pas encore atteinte. Soit. Il est effectivement 9 heures du matin et quelques enfants sont devant les portes.

Parc d’attraction

Retour en ville et visite du monument de la Fondation du Parti des Travailleurs de la Corée : immense sculptures des les trois symboles de la politique du parti. Le marteau et la faucille, bien connus, auxquels s’ajoute le pinceau de l’intellectuel. C’est une des rares réalisations architecturales dues au Général Kim-Jong-Il, le fils du Président et père du Maréchal. Sa construction a été achevée en 1995. Il est situé dans l’axe des deux grandes statues où nous nous étions au jour 2 de notre voyage. Depuis là, on peut également voir, loin derrière les statues, la silhouette inimitable de l’hôtel Ryugyong.

Statues et Hotel Ryugyong

Les urbanistes s’en sont donné à coeur joie avec les perspectives. Il faut dire qu’après la guerre, tout était à reconstruire et je me suis imaginée de grands enfants jouant à un Sim City géant !

Sur cette grande esplanade, les Coréens se promènent, prennent l’air et le soleil. Ils bavardent, ils sourient. C’est jour de fête !

Jour de fête à Pyongyang

Alors que je m’étais étonnée auprès de mes guides de n’avoir croisé aucun chien ou chat dans les rues, ils m’avaient assurés que les animaux de compagnie étaient pourtant courants. Eh oui, j’ai en effet vu mon premier caniche ! Le fait qu’il soit rapidement entouré d’une nuée d’enfants voulant jouer avec lui contredit un peu cette assertion. Ça ne devait donc pas être si banal. Nous avons plaisanté sur le fait que le chien étant un plat courant, les enfants étaient sans doute en train de vouloir chasser leur déjeuner ! C’est une petite victoire que d’arriver à arracher quelques rires à mes guides.

Jeune Coréenne chassant

Tout proche de là se trouve le musée de la Culture. Nous avons le temps de visiter quelques salles (portraits, photographiques et peints des Grands Leaders et de leurs hautes oeuvres ainsi que des paysages forgeant la mythologie du pays) lorsque notre guide nous fait signe de la suivre, vite vite vite.

Monument de la fondation du parti

Monument de la fondation du parti

Dans une salle fermée du musée, un écran de télévision retransmet en direct le défilé militaire sur la place Kim-Il-Sung. Nous avons manqué le début mais assistons, par écran interposé, à cette impressionnante parade qui se déroule, grosso modo, à un kilomètre de nous. Des chars, des missiles, des soldats par millier défilent au pas de l’oie. Cette démarche semble tellement peu naturelle que j’ai pitié des soldats et crains le pire pour celui qui se louperait devant le Maréchal tant aimé. Au fond de la place, des chorégraphies forment les drapeaux du parti et du pays. C’est ce dont nous avions vu un entrainement quelque jours plus tôt, depuis le sommet de la tour du Juche.

Monument de la fondation du parti

Au bout d’une heure, nous retournons à pied au bord de la rivière où nous visitons une exposition florale. Celle-ci est principalement destinée à présenter deux espèces : la Kimilsungia et la Kimjongilia (oui, sérieusement). Beaucoup de Coréens prennent la pose devant les parterres.

Exposition florale

Pour traverser une avenue, pourtant déserte, nous empruntons un passage sous-terrain piéton. Ebahie devant sa propreté alors que je sais que celui de mon quartier est recouvert de graffitis et d’une salubrité douteuse, je le dis au jeune guide qui me répond « mais chez nous c’est interdit d’écrire sur les murs ». Chez nous aussi, Monsieur Sin. Pour ce que vaut une telle interdiction…

On prend la pose

Nos guides nous entrainent ensuite à quelques centaines de mètres le long d’une avenue. « Nous allons voir le défilé ! » Moment d’incompréhension, n’avait-il pas eu lieu quelques heures plus tôt sur la place Kim Il Sung ? Oui, mais là ils défilent pour le peuple. Nous arrivons à temps pour voir quelques chars et autres camions transportant du matériel de guerre lourd, puis arrivent les soldats.

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Soldats

Alors que le matin, ils faisaient travailler leurs jambes, l’après midi c’est leurs bras. Assis à l’arrière d’une quantité de camions, ils saluent la foule, grands sourires aux lèvres. La foule ne les applaudit pas, elle les salue en retour, du geste, de la voix. Sourires forcés ? Je vous laisse juges des images.

Je ne sais pas combien de temps a duré ce défilé de camions, je ne sais pas non plus combien il y en avait, mais ils étaient nombreux, si nombreux, ses jeunes hommes, ces jeunes femmes. Et là, soudain, j’ai repensé aux mots de Trump qui voulait régler une fois pour toute le problème Nord-Coréen. Oui, c’est ces « gamins » là qui seront les premiers à tomber si la guerre se déclenche. Je me suis retrouvée à baisser mon appareil photo et à leur rendre leur salut. Ils ont l’âge de mes enfants. Quelle chance j’ai donc de pouvoir élever les miens là où ils ne seront pas de la chair à canon. Combien étaient-ils ? Des milliers. Trop.

A un moment donné, mes deux petits camarades de voyage, trouvant qu’il était trop difficile de prendre des photos à contre jour, et ayant repéré un nid de Coréennes en habits traditionnels de l’autre côté de la route, ont profité d’une accalmie entre deux séries de camions pour traverser la route. Panique chez les guides !! Ils ont passé le reste du défilé près de moi tout en fixant les deux français de l’autre côté de l’avenue.

En retournant à notre mini-bus, le jeune guide, M. Sin, s’est arrêté dans un de ces petits kiosques qui longent les plus grands boulevards et en est revenu avec des glaces pour chacun. Ça ne valait bien sûr pas une Mövenpick (on est Suisse ou on ne l’est pas), mais c’était ma foi tout à fait acceptable, et très apprécié en ce jour printanier.

Fin de journée au cirque de Pyongyang. Mes souvenirs de cirque datent des représentations scolaires du Knie lorsque j’étais enfant. Pour moi, c’était surtout les animaux et les clowns sous un chapiteau mobile. Autant dire que j’ai été dépaysée. Notre guide nous avait dégoté des places au premier rang. Voilà que mon voisin me dit « s’il y a des clowns et qu’ils font intervenir le public, ça sera pour nous ». Le spectacle s’ouvre par une petite cérémonie à la gloire de Kim-Il-Sung. Est-ce habituel ou à l’occasion du 15 avril ? Puis, un tour après l’autre, nous avons droit à ce qui se fait de mieux en matière d’acrobatie, de gymnastique, de trapèze, entrecoupé par un tour de « clowns » au cours duquel, je vous le donne en mille, je me suis retrouvée à faire tourner une assiette sur une baguette ! Merci pour la participation du public !! En parlant de public, je dirais qu’il était composé à 3/4 de Coréens pour 1/4 de touristes. J’avoue volontiers mon ignorance en matière de spectacle de cirque, mais je veux bien croire que celui-ci était de toute grande qualité. On nous a déconseillé de prendre des images afin de ne pas perturber les numéros, j’en ai volé quelques unes à l’aide de mon téléphone, mais la qualité est loin d’être au rendez-vous. Sinon, j’ai bien sûr eu droit à une étude comparée du Cirque de Pyongyang et du cirque d’Hiver à Paris.

Nous mangeons le soir à l’hôtel Koryo, l’autre grand hôtel international de Pyongyang, situé, lui, au milieu de la ville. Mademoiselle Ri, la guide, me demande pourquoi je voulais visiter la Corée du Nord et je lui parle de Syracuse. la chanson de Salvador (également une belle version par Montand). J’aime tellement ce moment qui dit « Voir le Pays du Matin Calme…. » que ça a été le départ de cette idée. Elle me fait promettre de lui écrire les paroles. Le soir, à l’Hôtel, je m’exécute. J’ai failli lui suggérer de regarder sur Google.

Avant de rentrer, nous nous arrêtons au bord du fleuve pour les feux d’artifices (évidemment moins impressionnants que ceux du 14 juillet). Est-ce vraiment partout dans le monde, la fin obligée d’une fête nationale ? Ils sont beaux, tirés depuis un pont sur lequel défilaient les soldats plus tôt dans la journée. Mais, encore dans mes pensées sinistres de l’après-midi, je ne peux m’empêcher de me représenter, derrière le bruit des fusées, celui des missiles et des canons.

Au bureau de poste et télécommunication de l’hôtel, il y a deux appareils et quelques personnes font la queue. Privée de contact avec ma famille depuis 5 jours, je décide de les appeler. Tout va bien, à vue de nez le jeune Maréchal n’a pas fait d’essai nucléaire ou de tir de missile. Les chatons grandissent, le temps est maussade et on s’apprête à cacher les oeufs dans le jardin.

Cirque de Pyongyang

Le soir, sur Al Jazeera, j’apprends que les gros tubes verts vus le matin à la télévision inquiètent la communauté internationale. Il s’agirait de missiles jusqu’ici inconnus et qui pourraient s’avérer intercontinentaux.

Cirque de Pyongyang

Air China a par ailleurs annoncé qu’elle annulait ses vols sur Pyongyang – Est-ce pour plaire aux Etatsuniens ? Je vole sur Air Koryo car on a le sens de l’aventure ou on ne l’a pas 🙂 Mais je compte sur mes doigts…. Dimanche, Lundi, Mardi fin du séjour.

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Feux du 15 avril

(à suivre)

 

Associated Press à l’Hotel Yanggakdo